Si les produits agricoles font l’objet d’une protection au niveau européen depuis 1992, il n’existe aucun système comparable pour les spécialités artisanales ou industrielles.
Pourtant, à l’instar de la feta (grecque), du jambon de Bayonne ou du champagne, « le cristal de Bohême, les couteaux de Laguiole ou le marbre de Carrare sont des produits qui font partie intégrante d’un patrimoine culturel, social et économique d’un lieu donné et témoignent de l’étendue des savoir-faire », souligne l’eurodéputée Virginie Rozière (notre photo), auteur d’un rapport sur le sujet.
Favoriser l’économie des territoires
Présenté au sein de la commission des Affaires juridiques (JURI) du Parlement européen (PE), mercredi 6 mai, son projet de texte vise donc à instaurer, au niveau européen, un instrument de protection dédié aux productions industrielles et artisanales locales. La mesure pourrait avoir un impact positif sur l’économie des territoires, estime l’élue du Sud-Ouest, qui s’est confiée au Moci. Au delà du gain en terme de notoriété et la hausse du chiffre d’affaire associé aux productions, « le système donnerait à ces produits une meilleure visibilité à l’export et donc une plus-value significative », pronostique Virginie Rozière (France, groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates). Autre avantage : il permettrait de limiter les contrefaçons à l’origine d’un double préjudice. D’abord, pour les consommateurs, qui pensent acheter des articles représentatifs d’un savoir-faire. Ensuite, pour les entreprises, qui voient leur notoriété usurpée et leurs produits vendus à des prix moins élevés.
« Mon projet a jusqu’ici bénéficié d’un accueil plutôt favorable », témoigne la députée, qui a entamé sa croisade en faveur des labels géographiques fin 2014. Les élus des pays du sud seraient les plus intéressés par ce système, « mais ils ne sont pas les seuls, loin de là », assure Virginie Rozière, citant notamment les Allemands ou les Britanniques dans le rang de ses potentiels alliés. Les plus réticents seraient les Scandinaves, plus attachés aux marques. « Les IG (identifications géographiques) ne figurent pas dans leur culture de la propriété intellectuelle », note l’élue. Indépendamment de leur pays d’origine, les eurodéputés défendant une approche ultra libérale assimile la proposition à une nouvelle mesure protectionniste. Une critique que Virginie Rozière estime infondée, ces labels visant juste à distinguer un type de production, « sans constituer une condition d’accès au marché », argumente-t-elle.
Un long chemin pour convaincre Commission européenne et États membres
Les commissions du commerce international, du marché intérieur et de la culture devraient bientôt rendre leur avis sur le projet de texte. Une fois les amendements déposés, le rapport pourrait être adopté au sein de la commission JURI avant l’été pour un vote en plénière à la rentrée.
Passée cette étape, l’élue du Sud-Ouest devra ensuite convaincre la Commission européenne et les États membres du bien-fondé de sa proposition. Michel Barnier, le précédent commissaire en charge du Marché intérieur, avait longuement planché sur le sujet, publiant un Livre Vert et des études dont les conclusions se révélaient favorables aux labels géographiques. « Tout est là. Maintenant c’est une question de volonté politique », explique l’eurodéputée. Elle craint néanmoins que la stratégie de la Commission Juncker pour ‘Mieux légiférer’ ne constitue un frein pour toutes les nouvelles propositions même si, comme le souligne Virginie Rozière, « Mieux légiférer ne veut pas dire moins légiférer ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour aller plus loin :
Le projet de rapport de Virginie Rozière peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+COMPARL+PE-554.895+02+DOC+PDF+V0//FR&language=NL