L’activité tourne au ralenti et les déplacements sont encore très restreints. Comment, dans ce contexte, aller chercher des relais de croissance à l’international ? La Société d’accompagnement à l’international (SAI) Altios parie sur un changement profond des mentalités après cette crise sanitaire et propose des solutions aux PME et ETI.
François Lamotte, directeur général d’Altios France, en est convaincu : « Il n’y aura pas de retour à l’avant dans le commerce international même avec l’arrivée des vaccins ». Pour ce spécialiste de l’accompagnement des entreprises à l’international, ceci est particulièrement vrai pour la prospection commerciale et la digitalisation des salons.
« Le modèle des salons et de tout le secteur de l’événementiel va changer profondément. Grâce à des technologies comme l’intelligence artificielle et la 3D, la foire de Canton, l’une des plus importantes au monde, a présenté cette année une version 100 % digitale permettant de visiter, de présenter ses produits et de prendre des rendez-vous. Nous sommes dans une logique du « et » et non du « ou » : les événements vont rester hybrides, physiques et digitaux ».
La crise aurait fait gagner cinq ans au phénomène de la digitalisation
Si la tendance à la digitalisation était présente avant la survenue de la crise, les experts estiment que la pandémie et ses contraintes lui a fait gagner 5 ans.
En dehors des salons, peut-on tout faire à distance ? Comment diriger une filiale, résoudre des problèmes RH, vérifier le sérieux d’un agent ou d’un distributeur lorsqu’on se trouve à des milliers de kilomètres ? C’est sur la base de ces questionnements remontés par les entreprises qu’Altios, par ailleurs membres de l’OSCI, la fédération des SAI, a élaboré un programme de prestations de services adapté aux contraintes de la distance, baptisé Global Remote.
L’idée est de mobiliser les 240 conseillers et experts que compte la société dans 22 pays (450 dans 50 pays en comptant les partenaires d’Altios) pour des missions de courte durée (entre 6 et 10 jours) articulées autour de 4 thèmes : la stratégie de rebond, l’audit marché, les RH et le diagnostic d’une filiale. Pour chaque prestation des recommandations opérationnelles détaillées sont émises.
Pour rebondir et s’intéresser à de nouveaux marchés, rien de mieux que de disposer de quelqu’un sur place. Encore plus quand la vie d’une entreprise est mise à mal par une pandémie mondiale et que le temps manque pour se plonger dans les études de marché.
Idem pour un « audit marché ». François Lamotte évoque ainsi le cas d’un entrepreneur s’interrogeant sur la baisse de chiffre d’affaires de 30 % de son agent au Brésil. Cette baisse est-elle seulement due à la conjoncture ? D’autres canaux de distribution sont-ils envisageables ? Lesquels ? Une prestation de quelques jours suffit à poser un diagnostic et à proposer des alternatives.
La gestion des RH va vers plus de décentralisation
Encore faut-il faire confiance à son prestataire. Nombreux sont les chefs d’entreprise à rechigner à déléguer l’audit d’un distributeur, mais, avec la crise sanitaire, les choses semblent changer selon François Lamotte : « Un des grands enseignements de cette crise c’est qu’elle a accentué la solitude des dirigeants qui se sentent démunis et qu’elle a souligné l’importance de se faire accompagner à l’international ».
Cela vaut également pour les RH, a priori difficilement pilotables à distance. Pourtant, « nous assistons actuellement à la fin de la centralisation de la gestion des RH et à la montée de la prime au local lors de l’implantation d’une filiale ».
On imagine mal recruter un commercial ou un technicien russe ou chinois par visioconférence… Altios, à l’instar d’autres de ses confrères, propose des solutions comme le temps partagé ou le portage salarial, beaucoup moins onéreuses que l’expatriation. Quelque 300 filiales de clients sont domiciliées dans l’un des 28 bureaux en propre de la SAI et gérées localement.
C’est aussi l’une des propositions à laquelle peut aboutir le diagnostic d’une filiale, aux côtés de la fermeture pure et simple, de son déplacement dans une autre région ou de la mutualisation (n’en conserver qu’une au lieu de plusieurs en Amérique du Nord par exemple).
Si une SAI peut jauger la solidité d’un partenaire ou d’une opération de croissance externe, elle ne prend aucune décision rappelle François Lamotte : « nous déblayons le terrain et fournissons toutes les informations nécessaires à la prise de décision ». Screening de cibles, vérification des références d’un partenaire, évaluation de la gouvernance, étude fine du bilan comptable… Autant de procédures chronophages et/ou difficilement réalisables à distance.
Transformer une PME exportatrice en entreprise internationalisée prend une dizaine d’années
Les nouvelles technologies ont ouvert la voie à une nouvelle façon de faire du business conjuguant digitalisation et décentralisation de la gestion des activités à l’international.
Nous sommes loin de l’image du patron de PME vieillissant et peu au fait des innovations technologiques. « La nouvelle génération, qui est en train de prendre les commandes, est parfaitement aguerrie à ces nouvelles technologies », ajoute François Lamotte.
Un cap serait franchi dans les entreprises. Mais celles pour lesquelles Altios joue le rôle de « régisseur international » sont des PME et des ETI dont le chiffre d’affaires varie de 10-15 millions d’euros à un milliard d’euros et qui ne sont pas totalement étrangères à l’international. Soit parce qu’elles exportent déjà, soit parce qu’elles sont déjà implantées à l’étranger.
« Les entreprises qui ont le mieux résisté à la crise, estime François Lamotte, sont celles qui rentrent dans un carré magique incluant une raison d’être à l’international – il faut distinguer l’export opportuniste de l’internationalisation, au cœur du développement de l’entreprise -, une stratégie digitale, une implantation locale et des compétences dans l’ingénierie de financement. Au centre de ce carré il y a les RH avec des ressources locales ».
Un pari difficile à tenir pour les PME qui voudraient se lancer maintenant sur d’autres marchés, mais qui reste envisageable pour des entreprises ayant déjà déblayé le terrain avant la crise. Et à condition d’être prêt à y consacrer du temps. Pour François Lamotte franchir les caps successifs qui conduisent une PME présente sur une ou deux marchés grâce à l’export jusqu’à des opérations de croissance externe ou l’ouverture d’un site de production prend une dizaine d’années.
Sophie Creusillet