Il y a ceux qui sont entrés cette année dans le Top 50 des champions mondiaux des produits de grande consommation (PGC), comme le producteur chinois de viande WH Group (17e), qui a acquis Smithfield Foods, numéro un mondial dans le porc, et la société américaine Hormel Foods (49e), qui s’est emparée de Cytosport Holdings, un spécialiste de la nutrition sportive. Il y a aussi ceux qui sont sortis de ce classement, comme Smithfield Foods de facto et le spécialiste américain de la beauté Avon. Il y a, enfin, ceux, à l’instar de Mengniu, un des grands partenaires de Danone pour les produits laitiers en Chine, qui, au regard de la croissance de son chiffres d’affaires (+ 15 % en 2014), devrait figurer l’an prochain dans ce palmarès que réalise tous les ans le cabinet de conseil en stratégie OC&C (*).
Globalement, les 50 premiers mondiaux ont réalisé un chiffre d’affaires de 1 175 milliards de dollars en 2014, ce qui correspond environ au produit intérieur brut de l’Espagne. Nestlé, à lui seul, a contribué à 9 % de ce total. Et avec + 1,7 % en 2013-2014, il s’agit de la progression des ventes à son deuxième niveau le plus bas en 13 ans. Il y a cinq ans, les ventes avaient décollé de 7,9 %.
Le cas de l’américain Procter & Gamble (P&G), numéro deux du classement derrière Nestlé, est emblématique des bouleversements qui affligent les grands noms des PGC. Ainsi, l’année dernière, il n’a réalisé que 82 milliards de vente, alors qu’il s’était fixé en 2010 de parvenir à 100 milliards de chiffre d’affaires en 2015. En fait, le dauphin du groupe suisse a dû mener une politique de recentrage. « P&G a décidé de réduire de moitié le nombre de ses marques, parce qu’il s’est rendu compte qu’il faisait 95 % de ses profits sur l’autre moitié », commentait Frédéric Fessart (notre photo), associate partner chez OC&C, lors de la présentation de l3e édition du palmarès (voir communiqué joint), le 1er juillet à Paris.
La bière et les spiritueux particulièrement touchés par le ralentissement
Toutes les activités ont souffert : les produits laitiers, dont les ventes ont chuté en un an de + 5,3 % à + 2,4 %, et surtout les bières et spiritueux, dont la hausse du chiffre d’affaires à + 5,7 % en 2013 est tombée à + 0,9 % douze mois plus tard. L’évolution des parités monétaires en a piégé plus d’un. L’impact des taux de change sur le chiffre d’affaires publié en 2014 a notamment été sensible dans la branche bières et spiritueux . La perte a été ainsi de 7,8 % chez le britannique Diageo, 7 % chez le français Pernod Ricard, 5,2 % chez le britannique SABMiller. S’y est ajoutée la politique de lutte contre la corruption et les dépenses ostentatoires en Chine, qui s’est soldée dans ce pays par un recul des livraisons de 30 % pour Diageo et 23 % pour Pernod Ricard.
Pour redresser ces entreprises, on prête au fonds d’investissement 3G Capital la volonté de prendre le contrôle de Diageo et SAB Miller. Pernod Ricard est dans un cas différent. Il s’agit d’un groupe familial, libre de mener sa propre politique et qui, en l’occurrence, a lancé son programme d’économies Allegro.
3G Capital n’en serait pas à son premier coup d’essai, puisqu’avec le fonds Berkshire Hathaway il a déjà repris le spécialiste des sauces, plats préparés et produits de nutrition infantile Heinz. Les deux partenaires ont entamé un programme sévère de réduction des coûts (diminution de 20 % du personnel, fermeture d’usines, remplacement des cadres dirigeants…), avant d’annoncer en mars dernier la fusion du groupe américain avec son compatriote Kraft, donnant naissance à un géant de 29 milliards de dollars de chiffre d’affaires, ce qui le placerait à la 13e place dans le Top 50. Dans le cas de SAB Miller ou de Diageo, « c’est toujours l’idée de consolidation d’un secteur qui prédomine ou de s’emparer d’une proie qui n’a pas de croissance ou de marge suffisante pour lui en redonner », a expliqué Frédéric Fessart.
Le brésilien JBS à la 5e place, l’américain Tyson Foods au 8e rang
Dans le Top 5, on retrouve derrière Neslté, P&G, Pepsico et Unilever, le brésilien JBS. Le producteur sud-américain de viande a, d’abord, repris les activités avicoles au Brésil et au Mexique de Tyson Foods, ce qui n’a pas empêché ce dernier, numéro un américain du conditionnement de la viande, de se hisser au 8e rang du palmarès du cabinet OC&C derrière le belge AN Inbev et l’américain Coca Cola. Ensuite, JBS a profité de l’appréciation du dollar par rapport au réal, la monnaie brésilienne, et de ses bonnes performances d’ensemble sur le continent américain et en Asie-Pacifique.
Sur les 50 champions, ils ne sont que 18 à afficher à la fois une belle progression de leur chiffre d’affaires et leur marge opérationnelle en 2014. Et JBS est dans le peloton de tête quant à la marge et largement en tête pour les ventes (+ 29,7 %). « Comme les géants, que chez OC&C nous appelons des Goliath, sont investis dans les produits de masse et que la croissance va plutôt aujourd’hui dans la différenciation, il sont concurrencés par des entreprises de taille moyenne, étrangères ou locales, des David qui sont plus agiles qu’eux », a encore exposé Frédéric Fessart. C’est vrai dans les pays développés, par exemple aux États-Unis où le consommateur recherche des bières artisanales, mais aussi des produits régionaux comme en Allemagne et en France. Les David grignotent d’autant plus la majorité des points de croissance que le retrait des barrières, grâce à la communication digitale en particulier, favorise l’essor des petites marques.
Sur les marchés émergents, comme la Chine et le Brésil, « la puissance de distribution et les économies d’échelle des acteurs locaux sont parfois supérieures à ceux des 50 champions », indique-t-on chez OC&C. Géants et acteurs locaux de taille réduite peuvent être aussi très agressifs dans les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) et les Goliath montrer des difficultés à adapter leurs gammes et leurs produits aux exigences locales. Par exemple, en Chine, les grands noms internationaux des PGC sont concentrés sur les villes de rang 1 et 2, alors que « la croissance se fait aujourd’hui dans les villes moins importantes, dites de rang 3 ou 4 », selon Frédéric Fessart.
2015, une année « à nouveau terne », selon OC&C
OC&C parie en 2015 pour une année « à nouveau terne » pour les 50 leaders des PGC. Si P&G et Pernod Ricard vont poursuivre leurs plans d’économies, d’autres visiblement cherchent à consolider leurs positions. C’est le cas de JBS, qui s’est renforcé en Europe, en s’emparant au début de l’année de Moy Park, qui élève et commercialise poulets et dindes. Unilever est, pour sa part, parti à la conquête de la marque de soins britannique Ren Skincare.
PepsiCo a décidé de miser lourdement sur le marketing en Amérique du Nord. Enfin, L’Oréal et Danone ont décidé d’accélérer dans les marchés émergents. Le leader français de l’agroalimentaire conforte, sous forme de participations croisées, son partenariat avec Mengniu. Quant au numéro planétaire de la beauté, il a décidé de coopérer en Afrique avec le groupe de distribution CFAO.
François Pargny
(*) Faute de données publiques insuffisantes, huit géants restent hors classement : Cargill, Mars/Wrigley, Lactalis, Dairy Farmers of America, Wahaha, Ferrero, S.C Johnson, Vion Food Group.