« Thank you France! Substantial ground was covered during my visit. Thankful to French Govt & people. Will always cherish the enthusiasm (Merci la France! Le chemin accompli pendant ma visite a été considérable. Ma pleine reconnaissance au gouvernement et au peuple français. Je garderai toujours en moi leur enthousiasme) ».
C’est par ce message délivré sur le réseau Twitter, le 12 avril au petit matin (0h30 !), que le Premier ministre indien, Narendra Modi (sur note photo, reçu à l’Élysée par François Hollande), a clôturé sa première visite en France (10-11 avril) depuis son élection en mai. Un déplacement qui s’est soldé par toute une série d’accords, le plus important, et donc le plus commenté, étant celui de l’acquisition de 36 Rafale clés en mains pour un montant estimé à 4,3 milliards d’euros. C’est à la fois une bonne nouvelle pour New-Delhi, qui veut sécuriser ses frontières et renouveler sa flotte d’avions de combat, et pour Dassault Aviation, qui, après livré à l’Inde ses premiers Mirage 2000 rétrofités, engrange ainsi son deuxième contrat pour son chasseur, après les 24 appareils commandés en février par l’Égypte.
D’après la déclaration conjointe franco-indienne, datée du 10 avril, les 36 Rafale seront livrés « dans un délai compatible avec les exigences opérationnelles des forces aériennes indiennes » et « à de meilleures conditions que dans le cadre d’un processus distinct en cours ». Les deux parties font ici allusion, sans la nommer, à la négociation, lancée en 2012, pour un contrat géant de 126 Rafale, dont seule une petite partie devrait être fabriquée dans l’Hexagone.
Narendra Modi veut des villes intelligentes et visite Airbus et le Cnes à Toulouse
En dehors de ce contrat commercial emblématique, Paris et New-Delhi ont conclu une série impressionnante d’accords, allant de la sécurité (lutte contre le terrorisme, cybersécurité…) et la défense (exercices militaires conjoints, coopération technologique…) aux domaines culturels et sociaux (échanges d’étudiants, partenariat dans les maladies non contagieuses, mise en place d’un institut de biologie marine et biotechnologie en Inde, coopérations pour la promotion des patrimoines culturels des deux pays..), en passant par le changement climatique, dans la perspective de la conférence internationale Cop 21, du 30 novembre au 15 décembre à Paris.
Dans le domaine économique, Paris, se félicitant de la proposition indienne de devenir partenaire du programme de développement des villes intelligentes (Smart Cities), est, d’après la déclaration conjointe franco-indienne, « disposée à mettre en œuvre ses meilleures solutions technologiques et à partager son expérience dans le domaine des villes durables intégrées, en particulier en ce qui concerne la planification urbaine, les réseaux urbains, l’eau et l’assainissement, la mobilité durable et les technologies numériques ». En particulier, les deux parties sont convenues d’étendre leur coopération existante dans le développement urbain durable au transport et au patrimoine.
En matière d’espace, après 50 ans de coopération, les deux États ont trouvé encore de nombreux axes de partage : missions d’observation de la Terre, utilisation du satellite conjoint Megha Tropiques, etc. Le 11 avril, Narendra Modi s’est rendu au Centre national d’études spatiales (Cnes), après avoir visité la chaîne de l’Airbus 380 et de poser, selon certains témoins, devant l’hélicoptère H225M, un modèle de transport des troupes spéciales et des missions de sauvetage.
Si Airbus Group, déjà présent en Inde avec des centres d’ingénierie et de recherche, n’a rien signé, en revanche, le Cnes a renforcé son alliance avec son partenaire historique Indian Space Research Organisation (Isro). A la veille du déplacement à Toulouse du chef du gouvernement de la République fédérale indienne, le Cnes indiquait que plusieurs objectifs étaient fixés avec l’Isro : « l’emport de l’instrument Argos 4 sur la mission Oceansat de l’Isro en 2018, le démarrage d’études pour préparer une mission conjointe dans le domaine de l’infrarouge thermique pour l’observation de la Terre et un support du Cnes à la future mission indienne vers Mars ».
Centres nucléaires : les petits pas d’Areva
Un volet des plus commentés avec le voyage du Premier ministre indien en France était la nucléaire, puisque Areva y a engagé de longue date des discussions pour approvisionner l’Inde en centrales EPR. Les seules avancées dans ce domaine sont les encouragements de François Hollande et de Narendra Modi pour « aboutir dans les meilleurs délais » à la construction de six centrales nucléaires de 1 650 mégawatts (MW) à Jaitapur, un mémorandum d’entente entre Areva et Larsen & Toubro (L&T) pour produire des composants de réacteurs EPR en Inde et un accord de pré-ingénierie du groupe français avec la compagnie publique indienne Nuclear Power Corporation of India Limited (NPCIL) dans la certification du réacteur EPR en Inde. D’après la presse indienne, après l’accord-cadre signé en décembre 2010 pour la réalisation des deux premiers réacteurs pour un montant de l’ordre de 7 milliards d’euros, les négociateurs ne sont pas encore parvenus à s’entendre sur le prix d’achat de l’électricité produite.
Pour booster sa politique de transformation de l’Inde en pôle international de production, appelée « Make in India », le Premier ministre indien semble également prêt à trouver des solutions aux nombreuses entraves au commerce, dont se plaignent les opérateurs étrangers, notamment français. A cet égard, le président français a salué son initiative d’accueillir des chefs d’entreprises français dans les infrastructures et l’énergie.
A Toulouse, le président du Conseil régional de Midi-Pyrénées, Martin Malvy, a annoncé à Narendra Modi, en présence de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international, la préparation pour septembre d’une mission d’industriels et d’universitaires régionaux à Bengalore, Chennai et Pondichery portant sur différents secteurs comme l’énergie, l’eau, l’aéronautique et le spatial, et la création d’un institut de recherche sur le vin avec l’Institut indien des sciences à Bengalore.
Les sociétés françaises ambitieuses en matière d’énergies renouvelables
L’énergie et l’eau figuraient parmi les thèmes principaux traités par Laurent Fabius, le 9 avril, à la veille de l’arrivée du chef du gouvernement indien, lors du 7e Forum d’affaires franco-indien, à Paris. D’après la déclaration conjointe franco-indienne, « l’Inde s’est félicitée de l’objectif fixé par les sociétés françaises de développer 8 à 10 GW d’énergie solaire en Inde d’ici 2020-2022 » et « la France est prête à soutenir en Inde d’autres sources d’énergies renouvelables, telles que l’énergie éolienne, la biomasse et l’hydroélectricité ».
Le président Hollande aurait, notamment, confirmé « l’objectif d’une ligne de crédit de l’AFD de 1 milliard d’euros sur les trois années à venir destinée aux infrastructures durables et au développement urbain en Inde » et « il a fait part de l’engagement pris par la France envers son partenaire indien pour mettre en œuvre les projets suivants lancés par l’Inde en vue du développement de sources d’énergie renouvelables » : d’une part, « la prorogation de la facilité de crédit accordée par l’Agence française de développement à la société indienne Energy Efficiency Services Limited (EESL), qui encourage l’utilisation de l’éclairage LED dans certaines villes indiennes » ; et, d’autre part, « l’arrangement sur la coopération en matière d’énergies renouvelables entre le ministère français de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie et le ministère indien des Énergies nouvelles et renouvelables ».
Enfin, dans le transport, l’Inde a prévu d’investir 137 milliards d’euros pendant cinq années à venir pour moderniser son réseau de chemins de fer. En mai 2014, la SNCF avait engagé des discussions avec Indian Railways sur un projet d’étude d’une ligne à semi-grande vitesse (200 km/h) entre New Delhi et Chandigarh, soit 235 km. A l’occasion de la visite du Premier ministre indien à Paris, les deux compagnies publiques ont signé un protocole d’accord. Y est intégré un nouveau projet, d’après la déclaration conjointe franco-indienne, « la rénovation des gares de la ligne d’Ambala à Ludhiana ».
François Pargny