« Après avoir assisté à la
vague du printemps arabe, n’est-on pas en train d’assister en Turquie ou au
Brésil à l’été des classes moyennes ? », s’est interrogée Christine
Gilguy, rédactrice en chef du Moniteur du Commerce International (Moci), qui
introduisait la quatrième édition du forum du Moci sur « les risques et
opportunités à l’international », consacrée aux « nouvelles
frontières pour les entreprises françaises », le 24 juin à l’Institut du
monde arabe (IMA).
Les troubles sociaux en Turquie
et en Brésil s’accompagnent de « performances économiques moins bonnes
dans ces deux pays », a prolongé Thierry Apoteker, fondateur et directeur
du cabinet de recherche économique Thierry Apoteker Consultants (Tac). Pour
autant, relativement aux nations développées, les pays émergents affichent
toujours une activité supérieure. D’ailleurs, certaines zones, comme l’Asie en
développement et l’Afrique subsaharienne, devraient afficher des progressions enviables
dans les années à venir, de l’ordre de 6 à 8 % par an.
Quelques risques élevés : RDC, Belarus, Ukraine, Venezuela
D’après le baromètre des risques
sur 76 pays établi par Tac, si la situation des pays émergents sera plus
difficile dans le futur, le risque demeure tout à fait acceptable. De façon
concrète, le cabinet de recherche estime que ces économies restent « dans
une zone de confort », s’agissant du risque financier et commercial (avec
une note de 45 – le risque étant considéré comme normal entre 40 et 60 sur une
échelle allant de 0 à 100) comme du risque politique (avec une note allant de
55 à 60).
Évidemment, certains États
présentent des risques à la fois élevés (au-delà de 60) tant politique que
financiers et commerciaux, comme la République démocratique du Congo (RDC), le
Belarus, l’Ukraine ou le Venezuela. Mais alors la rentabilité est
particulièrement élevée. « Du
coup, au Venezuela, un investisseur doit exiger un supplément de rendement de 1
000 points de base, soit 10 %par rapport à un risque moyen », conseille Thierry
Apoteker.
Dans certains marchés, comme la
Pologne, la République tchèque, l’Arabie saoudite, le Koweït, Oman, le Mexique,
Taïwan, la Corée du Sud, Tac évalue que le risque global est faible et très
faible. Le revers de la médaille est que la concurrence est plus forte. C’est
pourquoi la prime de risque à prévoir pour une opération d’investissement en
Pologne n’est que de 0,5 % par rapport un risque moyen.
Au milieu – risque moyen, Tac
rassemble les Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine), mais aussi l’Indonésie.
« Le potentiel d’exportations pour les entreprises françaises, nous le
voyons d’abord en Chine et en Inde, en Corée du Sud, en Russie ou au
Mexique », pointe Thierry Apoteker.
Les Brics, les Civets… et les « Next-18 »
Attention, toutefois, quand on
parle des Bric – un acronyme auquel on ajoute, parfois, le s d’Afrique du Sud –
les Brics, c’est très joli pour une carte postale, mais ces nations sont très
différentes », soutient Ludovic Subran, chef économiste d’Euler Hermes. Quant
aux Six du club des Civets (Colombie, Indonésie, Vietnam, Égypte, Turquie,
Afrique du Sud), « s’ils font moins de photos et croissent moins que les Bric,
ces États aux populations jeunes développent également un modèle économique
intéressant, mettant l’accent sur le bien être des peuples », observe
l’économiste de l’assureur crédit. Ainsi, à l’instar du Brésil, la Colombie
entreprend plus une politique de redistribution que d’investissements publics.
Chez les Civets, « le risque
économique peut varier énormément selon les pays. Le risque politique, en
revanche, est élevé et le risque de bulle est très important », juge
encore Ludovic Subran, qui parle de « risque de tsunami monétaire »
dans des pays comme la Colombie, l’Indonésie et le Brésil. Selon lui,
« l’inflation peut y être attisée par l’arrivée de capitaux, qui, du jour
au lendemain, peuvent aussi repartir ».
Quant à la Turquie, l’économiste
d’Euler Hermès ne croit pas que dans un pays diversifié, qui a aussi investi
dans les infrastructures et l’éducation, il y ait un risque que « cela
dégénère ». En revanche, une implosion sociale en Afrique du Sud ne peut
pas être exclue. « Aujourd’hui, cet État ne possède pas d’industrie, ce
qui bloque l’économie. Le fait que le développement soit lié à l’activité
minière fait naître un risque de rente et ne permet pas d’impulser un second
souffle à cette économie », analyse Ludovic Subran.
Aux Brics ou au Civets, Euler Hermès préfère les Next-18, c’est-à-dire le groupe des 18 marchés les plus
porteurs à l’avenir, selon l’assureur-crédit : Chine, Vietnam, Indonésie,
Inde, Angola, Nigeria, Turquie, Russie, Argentine, Colombie, Singapour, Pérou, Émirats Arabes Unis, Koweït, Oman, Ghana, République slovaque et Équateur augmenteront
ainsi tous leurs importations de 5 à 10,5 % entre 2012 et 2015, à l’exception
de l’Équateur (3 %).
A l’instar de l’évolution
constatée dans les pays pétroliers d’Afrique subsaharienne, avec l’essor de la
chimie, l’assureur-crédit estime que la pétrochimie est la route de demain. Bien
sûr, un potentiel existe aussi dans l’automobile et l’agroalimentaire dans les
Next-18. « A l’horizon 2015, çà représente 630 milliards d’euros
supplémentaires de bénéfices à faire pour les entreprises », dévoile
Ludovic Subran. Et « les entreprises compétentes, affirme-t-il, très
confiant, sont plutôt chez nous ».
François Pargny
Pour en savoir plus :
Consulter le fichier joint sur les présentations des intervenants au forum du Moci