Les entreprises françaises à l’étranger –EFE dans le jargon-, en particulier celles qui contribuent au rayonnement international de la France et de ses produits, sont les oubliés du plan de relance à l’export lancé fin septembre par le gouvernement français. D’où la mobilisation de plusieurs réseaux pour les soutenir, et l’émergence de nouvelles initiatives visant à contourner le principal obstacle à une aide franche de l’État français : bien que fondées et dirigées par des Français, ni elles ni leurs dirigeants ne payent des impôts en France.
Le 17 décembre, Jacky Deromedi, sénatrice (LR) des Français établis hors de France et figure de l’écosystème du commerce extérieur, présente le rapport « Renforcer la résilience des entreprises françaises à l’étranger ». Nul doute qu’elle y plaide pour un soutien plus marqué de l’État à ces EFE qui « contribuent directement ou indirectement au développement de notre commerce extérieur et de l’emploi des Français à l’étranger ». Nous y reviendrons.
Se mobilisent également les Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) et le réseau des Chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étrangers (CCIFI) : nombre de ces dirigeants d’EFE sont membres de l’un ou de l’autre de ces deux réseaux. « On se bat pour les aider » confirme Alain Bentéjac, le président du comité national des CCEF (CNCCEF).
Des situations dramatiques
Dans le contexte de crise créée par la pandémie partout dans le monde, leur situation est devenue précaire dans de nombreux cas : « ils ne bénéficient le plus souvent d’aucune aide publique, en France où dans leur pays d’implantation, sauf en Europe et en Amérique du Nord, lorsque des plans de soutien ont été mis en place par les gouvernements et que leur société de droit local est éligible. Ailleurs, notamment dans les pays émergents, les aides sont généralement réservées aux nationaux » explique le président du CNCCEF.
« Des situations dramatiques nous remontent par le réseau » ajoute Alain Bentéjac. Tel ce chocolatier installé à Dubaï, qui livrait Mall de luxe et compagnies aériennes en chocolats fins sous une marque française, dont beaucoup d’ingrédients provenaient de France. Ses activités sont quasiment à l’arrêt depuis le mois de mars, il ne devrait plus tenir bien longtemps. Ils seraient légion dans cette situation, notamment en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient.
Les statistiques manquent, mais il existe des éléments parcellaires. Ainsi, environ 600 EFE (sur 2000 répondants) ont répondu au sondage mené conjointement par les CCEF et les CCIFI pour établir le premier baromètre international des affaires, publié le 9 décembre. « Beaucoup ont déclaré être confrontés à des problèmes de trésorerie sérieux » souligne Alain Bentéjac.
Pour l’heure, les tentatives pour obtenir que l’État les aide, d’une manière ou d’une autre, se heurte à un mur à Bercy, où l’on argue non sans raison que les intéressés ne payent pas d’impôts en France et ne peuvent donc pas bénéficier de ses aides publiques. « On pourrait néanmoins faire un geste, notamment envers ceux qui servent le rayonnement de la France et de ses produits » argumente Alain Bentéjac.
L’idée de mettre en place une contre-garantie de Bpifrance en faveur de banques locales pour permettre à ces EFE d’obtenir de ces dernières un financement est notamment poussée par les CCEF. Mais elle n’a pas encore été retenue à Bercy, alors que le Quai d’Orsay, dont le réseau diplomatique s’appuie sur ces EFE pour nourrir sa connaissance des tissus économiques locaux et ses démarches de diplomatie économique, serait plus favorable à un tel soutien.
Un dispositif V.I.E spécial pour les EFE
En attendant une autre idée fait son chemin et est proche d’aboutir : monter un dispositif permettant aux EFE de bénéficier des services de volontaires internationaux en entreprise (V.I.E.).
Ce projet a été évoqué par Renaud Bentégeat, le président de CCI France Internationale, l’association tête de pont des CCI françaises à l’étranger, lors de l’événement ayant commémoré le 20ème anniversaire du V.I.E., le 30 novembre dernier à Paris.
Il consiste à créer d’une société commune entre le CNCCEF et CCI France International, dont l’objet sera de recruter des VIE à temps partagé au bénéfice des EFE. Ces derniers pourraient bénéficier de ce service à condition, toutefois, de prendre une participation au capital de cette société basée à Paris, et de justifier d’une contribution au rayonnement de la France dans leur pays d’implantation.
« Le dossier a été validé par Business France, nous espérons qu’il sera approuvé par le ministère des Affaires étrangères et Bercy » avait indiqué le président de CCI France international le 30 novembre. Présent lors de cette soirée, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a donné son feu vert en direct, à la grande satisfaction de Renaud Bentégeat et de son homologue du CNCCEF. Reste Bercy, mais Alain Bentéjac se veut confiant dès lors que le patron du Quai d’Orsay a approuvé le projet.
La société, est en cours de constitution, son nom n’est pas encore établi. Le projet lui-même s’intitule EFE International. « L’idée serait de commencer avec une dizaine d’EFE, et d’atteindre une centaine en régime de croisière » conclue Alain Bentéjac. Les marques d’intérêt de la part des EFE seraient nombreuses et d’origines géographiques variées : Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis, Canada, Australie, Afrique du Sud, Chine, Hong Kong, Dubaï…
Christine Gilguy