« Pour accompagner les pays arabes, c’est l’idée d’ensemblier qu’il faut retenir, mais pas seulement entre les grands groupes, avec les PME aussi », soulignait, le 22 juin, Vincent Reina, président de la Chambre de commerce franco-arabe (CCFA), lors d’un petit déjeuner sur « la croissance verte et le développement économique » dans la région Moyen-Orient-Afrique du Nord (Mena).
« A Dubaï et à Abu Dhabi, tout le CAC 40 est là. Mais pour l’emporter, il faut aller au-delà, c’est le pack de rugby qui compte », faisait aussi valoir Antoine-Tristan Mocilnikar, ingénieur général des Mines au secrétariat général du ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer. Et d’enfoncer le clou : « il y a une demande d’intégration de la part des pays arabes ».
Comme le montre le logo Smart Dubaï Happy Living, « c’est le package la ville intelligente – télécommunications, capteurs, intelligence artificielle et autres – qui intéresse les États arabes », selon le responsable français. En matière d’énergies renouvelables, certains d’entre eux affichent des objectifs très ambitieux, à l’instar du Maroc, qui a fixé à 52 % sa part dans le mix énergétique en 2030, ou de l’Arabie Saoudite, dont le but est de passer d’un taux de 0,04 % à 30 % au même horizon. Dans le premier cas, il s’agit d’un pays dépourvu d’hydrocarbures, dans le second d’un géant pétrolier frappé de plein fouet par la chute des cours du baril.
Jouer groupé pour faire baisser les prix
« De façon générale, observait Antoine-Tristan Mocilnikar, la démographie et le niveau de vie montent dans le monde arabe et la consommation d’électricité progresse de 5 à 10 % par an. Et comme des coupures pourraient avoir des répercussions sociales néfastes, c’est la course à l’installation de capacités. Dans ce cadre, les énergies renouvelables constituent une solution de plus à l’installation ici d’une turbine à gaz ou là d’une centrale à charbon ».
« Quand on parle de package, a repris Vincent Reina, plus on a une approche groupée, plus on a la capacité de gérer, de mutualiser et de faire baisser les coûts ». Le président de la CCFA croit aussi à « un package large », associant « l’excellence des groupes, des PME, des locaux », qui permet de « mieux gérer les marges des uns et des autres ». Selon lui, « ce ne sont pas forcément des offres au rabais qui sont faites ». Et c’est d’autant plus important que la concurrence internationale se fait de plus en plus par les prix.
« Décembre 2015, c’était le Moyen-âge. Nous étions à 41,8 dollars le mégawatt heure en Égypte, record mondial, et 58 dollars aux Émirats Arabes Unis. Or, à Dubaï, en mai dernier, le prix retenu n’était déjà plus que de 29,9 dollars pour la troisième phase de 800 mégawatts de la centrale solaire Mohammed bin Rashid Al Maktoum. « Le prix était encore plus bas, de 28 dollars, au Maroc dans le cas des cinq parcs éoliens d’une capacité cumulée de 850 MW, un contrat attribué à Nareva en consortium avec Enel Green Power et Siemens Wind Power après un appel d’offres de l’Office national de l’Électricité et de l’Eau Potable (ONEE) », observait, de son côté, Hugues de la Forge (notre photo), avocat associé du cabinet Holman Fenwick Willan à Paris.
Le Maroc : une stratégie, une agence dédiée, des fonds d’investissements, une loi
Outre les prix toujours plus bas, les entrepreneurs doivent relever un certain nombre de défis, par exemple, la prolifération des projets et des possibilités qui oblige à une identification très stricte pour dégager les bons projets. Autre écueil, la durée des appels d’offres, qui peut s’allonger en fonction de l’inexpérience des administrations et des atermoiements. C’est pourquoi l’existence d’un organisme dédié est importante, à l’instar de l’Agence marocaine d’énergie solaire (Masen) au Maroc. Dans ce Royaume, la stratégie nationale en faveur des énergies renouvelables bénéficie également des ressources mobilisées dans le cadre du Fonds de Développement énergétique d’un montant équivalent à 1 milliard de dollars provenant des dons de l’Arabie Saoudite (500 millions), des Émirats arabes unis (300 millions) et de la contribution du Fonds Hassan II pour le développement économique et social (200 millions).
L’année 2010 y a été marquée par la mise en place de la Société d’investissements énergétiques (SIE), dotée d’un capital d’un milliard de dirhams souscrit par l’État (71 %) et le Fonds Hassan II pour le développement économique et social (29 %), et le vote d’une loi assurant un cadre juridique clair et sûr. « Au Maroc, il n’y a pas de contrat de rachat, c’est une négociation au cas par cas, contrairement à ce qui existe en Palestine, Syrie, Jordanie, Algérie, Tunisie et Égypte et devrait être décidé en Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis », a précisé Hugues de la Forge.
Pas de guichet unique en France, mais « des nœuds »
Pour aider les entreprises françaises, « il n’y a pas de guichet unique », regrettait encore Antoine-Tristan Mocilnikar, mais « il y a quand même des nœuds », dont l’Agence française de développement (AFD), qui, adossée à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), devrait jouer un grand rôle à l’avenir. Il en est de même de Business France dans sa mission d’accompagnement des entreprises dans l’énergie renouvelable et la ville intelligente. « Le numérique semble être l’élément fédérateur », a estimé le représentant du ministère français de l’Environnement.
Par ailleurs, si la France a choisi comme plateforme aux États-Unis le Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, dans le monde arabe, le pendant est la Semaine de la technologie Gitex de Dubaï, pour lequel Business France est positionné. En 2015, l’agence publique avait ainsi amené 30 entreprises françaises dans ce salon, leader dans le numérique au Moyen-Orient. Le Pavillon France était ainsi le quatrième pavillon national après l’Arabie Saoudite, la Chine et l’Allemagne.
François Pargny