Les perturbations des chaînes d’approvisionnement depuis le début de la crise sanitaire ont provoqué un regain d’intérêt des entreprises pour la relocalisation de leur production, au plus près de leurs clients. Qu’en est-il dans les faits ? Assiste-t-on à une démondialisation des systèmes productifs ? Qu’en est-il de leur régionalisation ? C’est les questions auxquelles tente de répondre une analyse du Global Connectedness Index de DHL.
On la croyait moribonde, terrassée par les effets de la pandémie sur le commerce international. Les difficultés d’approvisionnement, les prix stratosphériques du transport et les fermetures de frontières ont profondément remis en question la pertinence de la mondialisation et de la délocalisation de la production dans des pays à bas coût. En cette période pré-électorale, le Made in France, qui a récemment tenu salon à Paris, anime les débats politiques.
Une démondialisation serait-elle en route ? Si le débat n’est pas nouveau, la pandémie l’a remis sur le devant de la scène. Mais au regard de l’analyse de l’évolution des échanges mondiaux, rien n’est moins sûr selon les conclusions d’une analyse du Global Connectedness Index de DHL.
Cet indice mesure la mondialisation sur la base des flux internationaux d’échanges de marchandises, de capitaux, d’informations et de personnes. Il donne lieu tous les deux ans à un classement des pays les plus mondialisés. Le prochain paraîtra en 2022 et c’est à une analyse des effets de la crise sur la mondialisation que se sont livrés ses auteurs cette année. Avec cette idée : passer cette démondialisation qui fait couler tant d’encre à l’épreuve des chiffres.
Les marchandises parcourent en moyenne plus de 5000 kilomètres
Pour ce faire, ils ont mesuré le pourcentage des échanges intrarégionaux sur le total des échanges de marchandises de chaque région et son évolution entre 2000 et 2020.
Quelle que soit la cartographie utilisée (répartition en trois principales régions, par continent, en suivant la division en sept régions utilisée par l’OMC ou en 22 régions par les Nations Unies) la conclusion est la même. Alors qu’une tendance à moins de régionalisation est apparue entre 2003 et 2012 aucune ne se dessine clairement ces dernières années.
En revanche, la mesure de la distance moyenne parcourue par les marchandises montre nettement un allongement depuis 2003, quoiqu’à un rythme moins soutenu depuis 2012. Alors qu’elles parcouraient en moyenne un peu moins de 4600 kilomètres en 2003, elles effectuaient 400 kilomètres supplémentaires en 2018. Dans un monde qui semble d’être replié sur lui-même elles ont avalé presque 100 kilomètres supplémentaires en 2020.
42 % des exportations mondiales sont asiatiques
Selon les auteurs de cette étude, ce paradoxe s’explique par la part grandissante de l’Asie dans les exportations mondiales, en hausse de 1,5 % en 2020. Les exportations asiatiques représentent désormais 42 %.
Face à ces données chiffrées, les analystes de DHL se montrent prudents. Soit l’actuelle reconfiguration des chaînes d’approvisionnement se fera en faveur d’une régionalisation de la production, soit la croissance de certains marchés émergents, éloignés des grandes régions de production, allongera encore la distance moyenne parcourue par les marchandises.
Du côté des entreprises, la relocalisation n’est plus la panacée qu’elle semblait être au début de la crise. Un sondage réalisé par Ernst & Young en avril 2020 montrait que 83 % des dirigeants d’entreprises songeaient à s’approvisionner dans leur pays ou région d’origine, ils n’étaient plus que 23 % à envisager des relocalisations un an plus tard.
Sophie Creusillet