Si des différences structurelles notables existent entre la France et l’Allemagne, l’Espagne et la France sont dotées d’un tissu entrepreneurial comparable qui s’illustre notamment par un faible nombre de PME.
Autre point commun, le niveau de défaillances des PME qui demeure préoccupant dans ces deux nations. Aussi, le modèle économique a-t-il évolué différemment dans chacun de ces deux pays depuis la crise de 2008. C’est ce qu’a soulevé l’assureur-crédit Coface le 23 mai lors d’un point presse sur les défaillances d’entreprises en France et en Espagne.
La crise a poussé les entreprises espagnoles à réorganiser leur gestion
Les effets de la crise ont été moins marqués en France ne poussant pas les entreprises à la restructuration de leur activité et de leur mode de fonctionnement. La consommation des ménages français a affiché en 2013 une croissance moyenne annuelle de 0,4 %. A contrario en Espagne, depuis 2008, la consommation des ménages s’est contractée en moyenne de 1,7 % par an. « On voit bien l’évolution depuis la crise, avec un écroulement de la consommation en Espagne et une résilience en France », commente Yves Zlotowski, économiste en chef chez Coface.
La consommation finale des ménages est le moteur de l’économie espagnole, et est donc un élément-clé de l’évolution des défaillances.
Autre facteur important, en France, le taux de chômage (10,2 % au 4ème trimestre 2013) reste stable et, surtout, extrêmement faible par rapport à l’Espagne (25,9 %), où le pouvoir d’achat de nombreux ménages a été substantiellement amoindri. Les ménages espagnols se sont sur-endettés – leur taux d’endettement s’élevait à 116,5 % du revenu disponible au 31 décembre 2013 tandis que le niveau d’endettement des foyers français (83,5 %) était loin de la moyenne de la zone euro (97,1 %).
De plus, depuis l’éclatement de la bulle immobilière espagnole, les conditions d’octroi de crédit ont été resserrées.
Face à une telle situation, l’Espagne a assisté à une mutation radicale de son modèle de croissance. Le gouvernement a, en effet, pris des mesures visant à apporter de la souplesse dans la législation du travail et appuyer le désendettement des entreprises.
Un accès au crédit limité et la morosité de la demande intérieure ont, par ailleurs, incité les entreprises à se tourner vers d’autres marchés à l’export. Les PME essaient ainsi de s’orienter vers les exportations hors Europe à destination de l’Asie du Sud-Est, de l’Amérique latine où certains pays sont hispanophones et du Maghreb, Algérie en tête.
Les entreprises espagnoles s’internationalisent
Pendant la crise, l’Espagne a été confrontée à une perte énorme de compétitivité avec des exportations négatives et une explosion des importations. Aujourd’hui, la situation a évolué et ce sont surtout les exportations qui contribuent à l’activité économique du pays.
Pour faire face à une conjoncture défavorable, les entreprises espagnoles ont été contraintes d’ajuster leurs coûts salariaux. La réduction des effectifs ayant entraîné une hausse considérable du chômage, une réduction des salaires et in fine du coût du travail en 2012-2013 ont permis aux entreprises espagnoles de retrouver une certaine compétitivité à l’exportation.
En outre, le gouvernement espagnol a mis en place plusieurs mesures, notamment via l’ICEX (Institut espagnol du commerce extérieur), afin de promouvoir l’internationalisation des entreprises. Ainsi, 25 % d’entre elles exportent (contre 19 % en France).
Cette accélération des exportations a permis d’atténuer la récession en Espagne en 2013.
Suite à un effort de restructuration de leur activité et d’ajustement des coûts salariaux, elles ont retrouvé une certaine compétitivité. Par conséquent, les exportations de biens soutiennent désormais l’activité des PME espagnoles et permettront d’atténuer la hausse des défaillances au cours de l’année.
Les entreprises françaises, n’ont pas connu de choc de compétitivité et n’ont donc pas été en mesure de regagner des parts de marché à l’extérieur. Parallèlement, le coût du travail a continué de progresser dans les autres pays européens. Par conséquent, les exportations espagnoles de biens ont progressé de plus de 7 % en 2013, alors qu’elles ont stagné en Italie ou en Allemagne.
Dans l’hypothèse d’un léger rebond de la consommation, d’une progression des exportations et du maintien du coût de la main d’œuvre dans le secteur de la construction, Coface table sur une diminution de 13 % des défaillances des PME en Espagne en 2014 alors qu’elles devraient rester stables en France (- 0,5 %).
Venice Affre