Jean-Yves Le Drian a prévenu : il ne commentera pas les résultats du commerce extérieur à chaud. « Vous ne me verrez pas commenter les chiffres du commerce extérieur le nez dans le guidon, a-t-il déclaré à notre confrère Les Echos, dans sa toute première interview à la presse sur ce volet spécifique de son nouveau ministère. Ce que je veux, ce sont des réformes pratiques pour corriger des choses concrètes »*.
En attendant d’en savoir plus sur ces réformes à la rentrée, c’est donc sans tambour ni trompette médiatique que La Douane a publié sur son site son traditionnel bulletin statistique sur les résultats semestriels du commerce extérieur le 8 août dernier, ne suscitant qu’un bref commentaire général du porte-parole du Quai d’Orsay**. Mais à y regarder de plus près, au-delà d’un déficit abyssal largement commenté par la presse, quelques tendances positives sont notables, tant géographiques que sectorielles.
Un déficit de 34,4 milliards d’euros
Côté solde, donc, les chiffres restent mauvais et même s’aggravent : le déficit commercial se creuse sous l’effet d’une accélération des importations et de la remontée de la facture énergétique que porte la reprise en France et en Europe et la hausse des prix pétroliers mondiaux. Les exportations affichent une dynamique globalement plus modeste, « freinée par le recul des livraisons aéronautiques, en contrecoup du deuxième semestre 2016 particulièrement élevé », soulignent la Douane.
Au total, avec des importations en hausse de 4,4 % sur le semestre (à 266,2 milliards d’euros / Mds EUR) et des exportations qui progressent moins vite (+ 1,3 % à 231,8 Mds EUR, après + 2 % au semestre précédent), le déficit commercial s’est accru de 8,2 Mds EUR pour atteindre -34,4 Mds EUR pour le premier semestre 2017, après -26,2 Mds EUR au deuxième semestre 2016 et -22,9 Mds EUR au premier semestre 2016. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a d’ailleurs anticipé, dans la même interview, que le déficit commercial sera plus élevée encore en 2017 que l’an dernier, où il avait atteint -48 Mds EUR, estimant que « cette situation sera d’abord corrigée du fait de l’application du programme des réformes sur lequel a été élu le président de la République », portant sur l’amélioration de la « compétitivité » et de l’attractivité du pays pour les investissements.
Dans le détail, toutefois, ces résultats globaux décevants masquent des tendances plutôt positives sur le front des exportations.
Poussée des ventes hors Union européenne.
Par zones géographiques et par pays, c’est la poursuite d’une dynamique forte des exportations hors de l’Union européenne (UE) qui est frappante pour ce premier semestre. Ainsi, si les exportations ont progressé de 0,9 % seulement vers l’UE, la hausse est plus du double vers les pays tiers : +2,7 % au premiers semestre 2017 (après + 3,3 % au semestre précédent). Plutôt encourageant dans la mesure où l’une des faiblesses de l’appareil exportateur français est d’être trop concentré sur l’UE (qui pèse encore 57,9 % de nos exportations au premier semestre 2017).
Les zones vers lesquelles les ventes tricolores connaissent les plus fortes progressions sont l’Asie (+8,9 % à 31 Mds EUR, après + 4,9 % au semestre précédent), suivie de l’Afrique où elles se redressent (+3,3 %, à 12,7 Mds EUR, après -5,7 % au semestre précédent). Vers la Chine, les exportations sont en hausse de 18,1 % (8,9 Mds EUR).
Elle augmentent mais plus modestement vers l’Europe hors UE avec +0,6 %, portées, notamment, par la pharmacie et les produits de luxe et les ventes à la Suisse. Elles restent en berne vers la Russie (+ 1,7 % à 2,6 Mds EUR).
Les principaux reculs sont enregistrés vers le continent américain (-1,6 % à 23,9 Mds EUR), la progression vers les Etats-Unis (+1,8 % à 16,2 Mds EUR) ne compensant pas le reflux vers les marchés sud-américains en récession comme le Brésil. Autre contre-performance : vers le Proche et Moyen-Orient, marchés de grands contrats où les ventes tricolores sont en recul de -5,9 % (à 7,3 Mds EUR) après une belle progression au semestre précédent (+27,8 %).
Hors aéronautique, progressions dans la quasi-totalité des secteurs
Par secteur également plusieurs tendances sont positives. Ainsi, si les exportations aéronautiques marquent le pas (-10,7 %, à 26,3 Mds EUR) et que l’excédent de ce secteur se contracte (+ 7,8 Mds EUR, après 8,7 Mds EUR au semestre précédent), pesant sur l’évolution des ventes de matériels de transports (-5 ,3 % à 51,2 Mds EUR), la quasi-totalité des secteurs progresse à l’export, avec parfois des taux digne d’une reprise.
Les ventes de produits métallurgiques et chimiques enregistrent ainsi des hausses de respectivement + 9 % et + 5,9 % par rapport au semestre précédent, portées par la reprise des achats des clients historiques de l’industrie dans l’UE, selon la Douane. Même tendance relevée pour les machines industrielles, notamment vers l’Allemagne, mais aussi vers le Japon et la Corée du sud. Globalement, les exportations d’équipements mécaniques et de matériels électriques, électroniques et informatiques progressent de 1,7 % à 43,2 Mds EUR.
Dans les matériels de transports hors aéronautique, on note que les exportations automobiles continuent à progresser : + 1,3 % au premier semestre 2017 (22,9 Mds EUR), après +5,1 % au semestre précédent. C’est le 8ème trimestre consécutif de hausse des exportations pour les véhicules automobiles (15 Mds EUR) qui atteignent ainsi un niveau record depuis 2009 ! Dans la même famille, les exportations de navires et bateaux connaissent un rebond au premier semestre, dopées par la livraison du « Meraglivia » au croisiériste suisse MSC Croisières.
Autre progression notable signalée par la Douane, celle des produits de luxe. Les exportations de parfums et cosmétiques ont ainsi atteint un nouveau record avec 7,5 Mds EUR au premier semestre 2017. « Depuis trois ans, les ventes de parfums et cosmétiques enregistrent chaque semestre un nouveau record » constate la Douane, rappelant celui atteint au premier semestre de 2014, à 6,4 Mds EUR.
Egalement en progression avec + 0,8 %, les exportations de produits pharmaceutiques atteignent eux aussi un nouveau montant record avec 14,9 Mds EUR au premier semestre 2017. Elles sont dopées par les marchés américain, italien et suisse. Parmi les autres progressions notables, les exportations des industries agroalimentaires enregistrent + 3,5 %, à 23,4 Mds EUR (après + 3,1 % et 22,6 Mds EUR au semestre précédent) tandis que celles des produits de l’agriculture-sylviculture-pêche-aquaculture augmentent de 1,7 % pour atteindre 6,6 Mds EUR.
Christine Gilguy
*Pour lire cette interview, suivre le lien : https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/030455338351-il-est-possible-de-reorienter-la-culture-francaise-vers-lexportation-2103096.php
**Télécharger le document de la Douane « Le chiffre du commerce extérieur » pour le premier semestre 2017 attaché à cet article.