C’est une nouvelle réjouissante pour l’export français dans le contexte actuel marqué par un regain de tensions géopolitiques et commerciales inédit venu des Etats-Unis. Les PME et ETI françaises sont de plus en plus nombreuses à avoir envie d’exporter : 84 % veulent augmenter leur chiffre d’affaires à l’export, selon le Baromètre export 2018 d’Euler Hermes, présenté le 16 mai, contre 79 % lors de la dernière édition en 2016.
Mieux : elles sont 53 % à avoir répondu fermement « oui » contre 49 % deux ans plus tôt. Cela dénote une volonté « d’accélération » à l’export, selon Stéphane Colliac, économiste senior de l’assureur-crédit. Cerise sur le gâteau pour les partisans du « Made in France » : c’est du site France qu’elles veulent en majorité davantage exporter.
Ce baromètre, réalisé tous les deux ans, est fondé sur un sondage auprès de 808 entreprises interrogées entre janvier et mars 2018 par les délégations régionales de l’assureur-crédit, dont les deux tiers sont des PME et ETI industrielles.
Davantage exporter dans les marchés existants
Pour autant, les entreprises ne partent pas la fleur au fusil, comme si elles avaient parfaitement intégré les incertitudes nées du regain de tensions internationales : à 61 %, elles veulent d’abord accroître leur activité dans les pays où elles sont déjà présentes (contre 50 % lors de l’édition précédente) et elles ne sont plus que 39 % à « vouloir conquérir de nouveaux marchés », contre 50 % précédemment.
« C’est un approfondissement des routes de l’export existantes, d’abord en Europe » a commenté Ludovic Subran, chef économiste d’Euler Hermes. « Car il y a de la croissance en Europe et qu’elles s’y sentent plus en sécurité ». Pour lui, c’est aussi en grande partie en Europe que se jouera l’export français en 2018, malgré les efforts des organismes de soutien à l’export pour attirer davantage les PME vers les marchés du grand export.
La Côte d’Ivoire dans le top 10 des pays visés
Pour autant, la hiérarchie du top 10 des pays où les entreprises veulent accroître leur présence en 2018 comprend aussi de grands pays non européens, dont ceux avec lesquels de récents accords de libre-échange viennent d’être signés : Etats-Unis et Chine (déjà présents en 2016) mais aussi Canada et Japon, avec le regain d’intérêt suscité par les accords de libre-échange, sont dans ce top 10 2018 aux côté de l’Allemagne, l’Espagne, la Pologne et le Portugal.
La présence de l’Afrique est renforcée par la Côte d’Ivoire, qui rejoint le Maroc -grand habitué de cette liste-, alors que l’Algérie en est sortie. Le dynamisme économique de la Côte d’Ivoire, dont la note de risque pays court terme s’est améliorée (de C3 à C2 chez Euler Hermes) attire les entreprises.
Recul de la perception des risques et des freins
En ce qui concerne les risques export, on perçoit un certain regain d’optimisme avec un léger recul des craintes exprimées. Les impayés, le risque de change et le transport restent en tête des préoccupations : les premiers sont cités par 58 % des sondés (contre 59 % en 2016), le second par 52 % (55 % en 2016) et le troisième par 42 % (39 % en 2016).
Le risque politique n’est cité que par 39 % des entreprises, suivi par le risque de réputation et de norme (28 %) et le risque de copie / contrefaçon (23 %). Globalement la part des entreprises qui estiment que tous ces risques ont disparu a augmenté de 25 à 28 % en 2 ans.
Quant aux principaux freins à l’export, ils sont aussi perçus en baisse, sauf pour le coût du bloc transport-logistique-douane, cité par 49 % des sondés contre 48 % en 2016. Le manque d’informations financières sur les entreprises est cité par 47 % des entreprises (51 % en 2016), le manque de collaborateurs dédiés par 44 % (inchangé), le manque d’informations sur la zone d’exportation par 34 % (40 % précédemment), et le manque de financement par 24 % (28 % en 2016). Globalement, la part des sondés qui estiment que ces freins n’existent pas est en hausse à 23 % (21 % précédemment).
Le grand retour du Made in France
Mais la grande nouveauté de cette édition 2018 de ce Baromètre export est ce que les économistes d’Euler Hermes n’hésitent pas à appeler le « retour du Made in France ».
A la question « comment s’est construit votre développement à l’international ? », elles sont 72 % à répondre en 2018 « par des exportations depuis la France » contre 64 % en 2016, et ne sont plus que 28 %, moins d’une sur trois, à citer l’implantation locale. Logiquement, le poids des PME et TPE, moins outillées pour des implantations à l’étranger à cause de leur petite taille, se fait sentir : 80 % dans cette catégorie cite l’exportation depuis la France.
On peut déplorer cette tendance lorsqu’on songe à l’importance d’une présence sur les marchés locaux pour réussir durablement à l’export, mais ce retour en grâce du site France reste plutôt positif, notamment pour l’emploi. A cet égard, leurs projets d’investissement se situeront principalement en France en 2018 pour 69 % des sondés (67 % en 2016), contre 54 % à l’export (58 % en 2016).
« C’est la première fois en cinq baromètres que l’on constate une telle tendance » a souligné Ludovic Subran, qui s’est réjoui que pour la première fois, « les entreprises françaises remettent une pièce dans la machine ». Pour lui, c’est le signe qu’elles « sont bien informées » et qu’elles considèrent, par les temps qui courent, « qu’elles ont plus intérêt à se replier sur le site France où elles trouvent des conditions d’exportation plus sûres et prédictibles ».
En meilleure santé financière qu’il y a deux ans, elles utilisent d’ailleurs davantage leur trésorerie pour financer leur développement export : 48 % en 2018 (après 38 % en 2016), contre 28 % pour les prêts bancaires (29 % en 2016) et 17 % pour les dispositifs d’aide publique qui sont en recul (22 % en 2016). « Ce sont des entreprises qui prennent plus de risques » a relevé Stéphane Colliac, ce qui, pour Ludovic Subran, est le signe d’un regain de dynamisme : « Les entreprises françaises sont prêtes à jouer les banquiers invisibles avec leurs clients internationaux », autrement dit, à leur accorder des délais de paiement.
Ce dernier a conclu non sans une certain ironie à l’égard du gouvernement : « Malgré une politique de commerce extérieur timide, voire inexistante, on a des entreprises qui redécouvrent les voies de l’export européennes. Elles sont courageuses mais pas téméraires ».
Christine Gilguy
Pour plus de détails, la présentation détaillée de l’étude est dans le document attaché à cet article