A l’approche du Mondial de l’automobile (Paris, 1er-16 octobre), l’Europe de l’Ouest peut s’enorgueillir de faire la course en tête avec la Chine et les États-Unis dans la reprise d’une filière « à deux vitesses », d’après l’assureur-crédit Euler Hermes, qui estime ainsi « la Russie et le Brésil hors course », « l’Inde et la Turquie au ralenti », pendant que le Japon « patine », dans une étude intitulée « Pare-chocs publics pour le marché automobile » (*).
Pour la troisième année consécutive, le marché européen devrait accélérer – cette année de 5 %. Conseiller sectoriel, Yann Lacroix constate ainsi que « l’Italie et l’Espagne poursuivent leur rattrapage avec des ventes en hausse de 10 % quoique toujours en dessous de leur niveau d’avant crise ». Quant à la France et l’Allemagne, avec respectivement + 6 % et + 5 %, « ils s’en sortent mieux et devraient enfin retrouver leur niveau d’avant crise », alors que le Royaume-Uni atteindrait « un sommet à près de 2,6 millions d’unités ». Reste qu’en 2017 les marchés britannique et espagnol pourraient tous deux chuter d’environ 10 %, du fait du Brexit et de la fin des primes à la casse en Espagne.
La France reprend de la vitesse
Selon le dernier panorama de Coface intitulé « France, la croissance fait une pause » (**), le marché automobile tricolore devrait croître de 5,6 % cette année et entre 1,5 et 2,5 % l’exercice suivant. Bien qu’il soit légèrement moins optimiste qu’Euler Hermes, l’assureur crédit français vient de reclasser l’automobile française en risque faible. « Le crédit à la consommation est vigoureux et la confiance des ménages s’améliore en France. Et cette bonne dynamique, se surcroît, n’est pas seulement française », s’est réjoui Khalid Ait Yahia, économiste chez Coface (notre photo), lors d’une conférence de presse organisée, le 14 septembre, à Paris.
Par rapport à 2007, donc avant la crise économique mondiale, « l’Allemagne s’est montrée résiliente avec une hausse des immatriculations en huit ans de 1,8 %, le Royaume-Uni a bondi de 9,5 % », a commenté, pour sa part, Patrice Jule, responsable Arbitrage. Les ventes y ont ainsi dépassé respectivement 3,2 millions et 2,6 millions d’unités sur un marché des 28 États membres en baisse globalement de 11,4 % à 14,3 millions de véhicules en 2015. Pour autant, la production est restée étale outre-Rhin (5,7 millions), alors qu’outre Manche, elle a gagné en huit ans 3,5 % à près de 1,59 million de véhicules.
Une internationalisation à marche forcée
Pour Patrice Jule, la France « ne va pas si mal », avec seulement un recul de 9,1 % des ventes entre 2007 et 2015, alors que l’Italie et l’Espagne « souffrent » avec des chutes respectives de 32,2 % et 36,8 %. Pour autant, la production tricolore est tombée à 1,55 million d’unités, ce qui représentait une chute de plus de 39 % en huit ans. « En 2006, remarquait Patrice Jule, la production espagnole était un tiers inférieure à celle de la France, en 2015, c’était l’inverse ». Pour l’Hexagone, la tendance est, toutefois, meilleure cette année, notamment dans les véhicules utilitaires et industriels, avec, notamment, la rationalisation de la production de Renault Trucks au profit de son implantation à Lyon, qui fait l’objet d’une convention avec l’État, au détriment de la Turquie.
Reste que globalement la délocalisation des capacités de production de la filière automobile, constructeurs et équipementiers, et l’internationalisation demeurent une caractéristique forte de ces dernières années. Ainsi, Renault pour réduire ses coûts a implanté une usine low cost à Tanger, en profitant de la stratégie de diversification à l’export du Maroc qui encourage les investissements directs étrangers (IDE). Et « si l’on prend Valeo, on constate qu’en 2007, un quart de son chiffre d’affaires était réalisé avec des clients français. Cette part n’était plus que de 16 % l’an dernier », remarquait Khalid Ait Yahia, selon lequel « il y a aussi une délocalisation des moyens de R & D vers les marchés les plus dynamiques ».
La situation particulière de la France se traduit par un déclin de la valeur ajoutée (- 29 % entre 2008 et 2014) et des effectifs (- 28 entre juin 2007 et juin 2016) et une érosion du solde commercial qui a franchi la barre des – 7 milliards d’euros en 2015. « Le commerce intra branche avec l’Espagne, l’Afrique du Nord et l’Europe de l’Est est fort », expliquait Khalid Ait Yahia. Et pour lui, le solde commercial va encore se creuser.
François Pargny
(*) communiqué de presse d’Euler Hermes « Dans un marché automobile mondial à deux vitesses, quels défis pour l’avenir ? ».
(**) panorama France de Coface « la France fait une pause ».