Malgré un coup de frein en 2018, les exportations de produits audiovisuels Made in France se portent bien : avec 275,7 millions d’euros (M EUR) en 2018, elles ont connu leur troisième niveau record en 25 ans et leur montant a triplé durant la même période.
Les produits phares ? Des séries fiction comme Versailles (135 territoires), Dix pour cent/Call my agent (60 territoires), Candice Renoir (80 territoires), ou encore le Bureau des légendes (70 territoires), des dessins animés comme Paf le chien (180 territoires) ou Les légendes de Tatonka (140 territoires), Oggy et les cafards (1998) ou Totally Spies (2004). Sans oublier les documentaires comme celui sur la 2ème guerre mondiale, Apocalypse (170 territoires) où les jeux comme Fort Boyard.
Ce bilan plutôt honorable a été dévoilé le 9 septembre par le Centre national du Cinéma (CNC)* et TV France international lors de la 25ème édition du Rendez-vous, une rencontre annuelle entre professionnels français et acheteurs étrangers organisé cette année à Biarritz du 8 au 12 septembre (notre photo).
Diversification des circuits et hausse de la concurrence
Car le contexte à changé : les circuits de diffusion se sont diversifiés, la concurrence internationale est devenue plus rude.
Pour la diffusion, l’expansion des grands groupes médias internationaux sur le câble et le satellite, puis le développement de la TNT, et l’essor des chaînes thématiques ont changé la donne. En outre, grâce à l’Internet haut débit, les plateformes de diffusion locales et internationales (Vidéos à la demande ou abonnement, VàDA) montent en puissance depuis le début de la décennie, et s’investissent dans la production (Netflix dès 2011, Apple TV, et Amazon plus récemment…).
En France, le secteur a du s’adapter : structuration et concentration des producteurs de fiction autour des distributeurs (Mediawan, Newen, Banijay, etc.), ouverture des spécialistes du long-métrage à la fiction plus courte (Gaumont, UGC, Haut et court, Fidélité Films/Lincoln TV, etc.), essor du marketing autour des séries, comme dans le cinéma.
Les aides publiques à l’export se sont renforcées : l’enveloppe budgétaire gérée par le CNC a été doublée (3,4 M EUR) et son dispositif réformé tandis que l’accompagnement fourni par TV France International aux séries fiction a été renforcé avec l’organisation de nouveaux événements de promotion.
Des success stories dans tous les genres
Dans ce contexte, si le montant des ventes directes a fléchi de 15,5 % après une année record en 2017 (173,3 M EUR en 2018, après 205,2 M EUR en 2017), les financements étrangers, qui sont devenus un enjeu stratégique pour les producteurs, se sont globalement maintenus : 52,8 M EUR de coproduction (47,3 M EUR en 2017) et 47,2 M EUR de préventes étrangères (52,7 M EUR en 2017). Aujourd’hui, les ventes directes représentent 62,8 % des exportations contre 36,2 % pour les financements étrangers.
La hiérarchie des genres où la French Touch est la plus performante à l’export évolue : si les animations –une filière française d’excellence- tiennent toujours le haut du palmarès avec 39,8 % des ventes en 2018 (28,5 % en 1999), les fictions progressent (28,5 % au lieu de 25,7 % en 1999) et ont même supplanté les documentaires, traditionnels points forts des producteurs français (17,6 % au lieu de 21,2 % en 1999).
La part des programmes « format » type Fort Boyard (fiction, jeux, variétés) a régressé de 14,4 à 11,2 %, le reste étant généré par les programmes divers (informations, extraits) et les programmes musique/spectacle.
Percée au grand export
Quelles sont les premiers clients étrangers des programmes français : l’Europe reste majeure, mais le reste du monde progresse. Ainsi, globalement, 51,5 % des ventes sont effectuées hors d’Europe de l’Ouest, et 15,8 % portent sur des « droits monde ». Dans le détail, cela dépend un peu des genres.
Pour les animations, le grand export tient le haut du pavé : 72,5 % des ventes hors d’Europe de l’Ouest, et 27,6 % portent sur des droits monde. Parmi les nouveaux clients, la Chine, devenu le troisième territoire d’exportation (4,9 M EUR d’achat en 2018). Mais ce sont les États-Unis qui se hissent au premier rang des acheteurs (11,7 MEUR en 2018), ayant détrôné l’Allemagne, reléguée au second rang, depuis 2016.
Pour les fictions, l’Europe de l’Ouest reste le premier débouché et l’Espagne est devenu le premier marché.
Globalement, tous genres confondus, et malgré que sa part soit passée en dessous de 50 % des ventes, l’Europe de l’Ouest reste néanmoins le premier débouché mondial de la production audiovisuelle française, avec 84,1 M EUR, et comme premier genre, la fiction (37,2 %). En 2018, la zone germanophone en a généré 23,5 % et pèse plus de 11 % du total monde. L’Allemagne est passée devant l’Italie dès 2012 mais la Belgique reste le premier client.
Loin derrière, l’Amérique du nord avec 25 M EUR : un score tiré par les États-Unis (16,6 M EUR), devenu deuxième pays client mondial derrière la Belgique, et où les ventes d’animation ont été multipliées par 6 en 25 ans.
L’Asie arrive en troisième position avec 14,5 M EUR. L’Afrique est quatrième avec 4,8 M EUR, devant l’Amérique latine (4 M) et le Proche et Moyen-Orient (4 M).
A noter qu’en 25 ans, tous genres confondus, les zones qui ont le plus progressé en part de marché sont l’Amérique du nord (de 12,5 à 14,4 % des ventes) et l’Asie (de 4,6 à 8,4 %), alors que les autres zones ont proportionnellement reculé. Il est vrai que durant cette période aussi, les droits « monde », tendance apparue en 2014 avec l’essor des plateformes de VàDA, ont explosé dans les ventes, prenant une part majeure déjà signalée plus haut (27,3 M EUR).
La France tire donc bien son épingle du jeu et le secteur recueille les fruits d’une ambition qualitative indéniable. Le président du CNC, Dominique Boutonnat, ne s’y est pas trompé en commentant ces chiffres : « Il est primordial de continuer à soutenir des coproductions de qualité, dans la conquête de nouveaux territoires, a-t-il déclaré dans un communiqué. En parallèle, le développement de la créativité des œuvres françaises doit rester une ambition majeure ».
Pour sa part, Hervé Michel, président de TV France International, a estimé que « dans un environnement en effet complexe, nous sommes à un palier de consolidation de nos exportations ». Pour lui, « le talent des distributeurs français est capital pour permettre à nos contenus de poursuivre leur conquête des territoires partout dans le monde ».
Christine Gilguy
*L’étude détaillée du CNC est dans le document Pdf attaché à cet article.