La France redevient attractive aux yeux des investisseurs internationaux, selon les chiffres du dernier baromètre EY sur l’attractivité de l’Hexagone, dont les résultats ont été rendus publics aujourd’hui 23 mai. L’an passé, 779 projets d’investissements internationaux (implantations commerciales, extensions de sites industriels, plateformes logistiques…), soit 181 projets de plus qu’en 2015, ont été réalisés dans l’Hexagone par des entreprises étrangères.
L’étude pour la réalisation du baromètre EY (ex-Ernst & Young) a été menée entre le 6 et le 22 mars dernier auprès de 203 dirigeants d’entreprises de toute taille, de la PME au grand groupe, de tous secteurs d’activité, originaires de 26 pays (Europe majoritairement, États-Unis, Asie, reste du monde).
Une plus grande appréciation du site France, même si Londres reste en tête
« En France, ce qui est remarquable sur l’année 2016, c’est la progression du nombre de projets, qui est de + 30 %, soit le double du rythme européen », analyse Marc Lhermitte, associé chez EY en charge du baromètre. En effet, le nombre de projets d’implantations réalisés par les investisseurs internationaux dans 46 pays européens (Russie et Turquie incluses) est en hausse de seulement +15 %, entre 2015 et 2016, à 5 845 projets dans un contexte de reprise européenne.
Malgré cette performance encourageante, le site France reste le troisième choix des investisseurs étrangers qui lui préfèrent, une fois n’est pas coutume, le Royaume-Uni, qui demeure la destination européenne favorite des investisseurs avec 1 144 nouveaux projets d’investissements réalisés entre 2015 et 2016. Toutefois, le pays commence à ressentir un effet ‘post-Brexit’. La progression (+7 %) du nombre de projets d’investissements subit « un petit infléchissement », constate Marc Lhermitte.
L’Allemagne, où 1 063 projets ont été accueillis en 2016 (+12 % par rapport à 2015), se confirme de son côté auprès des investisseurs comme le « cœur industriel, stable et exportateur de l’Europe », selon le cabinet d’audit et de conseil.
Les projets logistiques ont progressé de 31 %
En ce qui concerne la nature des investissements dans l’Hexagone, l’enquête montre qu’il s’agit essentiellement de projets d’implantations à caractère « tertiaire et commercial ». Sur les 779 projets, près de la moitié (367) visent ainsi à accueillir des fonctions tertiaires et commerciales (centres de relations clients, agences commerciales…) tandis que 212 implantations sont liées à des activités industrielles (extension de sites de production).
Tirés par l’e-commerce, les projets logistiques ont progressé de 31 % entre 2015 et 2016, pour atteindre 80 implantations (plateformes automatisées de distribution, etc.). L’étude cite les trois champions de la logistique digitale, Amazon Logistics, UPS et FedEx, qui ont fait le choix de la France pour renforcer leurs activités.
Néanmoins, la France ne parvient pas à se hisser sur le podium des destinations pour les centres de décision. L’an dernier, l’Hexagone n’a accueilli que 16 projets d’implantation de sièges sociaux, soit 7 fois moins que le Royaume-Uni (106 projets) et deux fois moins que l’Allemagne (35). « C’est à Londres, observe l’auteur du baromètre de l’
L’innovation « à la française » séduit
En matière d’innovation et de recherche, la France fait nettement mieux avec l’accueil de 51 projets de centres de R&D (soit 6 de plus qu’en 2015), se classant ainsi sur la troisième marche du podium derrière l’Allemagne (66 centres de R&D) et le Royaume-Uni (63).
Tirant partie du rayonnement de la French Tech à l’étranger, la France renvoie une image attractive, celle d’une nation créative, innovante et numérique. « La France des startups est aujourd’hui beaucoup plus reconnue », constate l’associé du cabinet d’audit et de conseil. Toutefois, nuance-t-il, « la French Tech ne résume pas toute notre attractivité ». Ainsi, 58 % des dirigeants étrangers interrogés cette année estiment que la politique mise en œuvre pour encourager la création de start-up est efficace, soit 14 points de plus qu’en 2016. La France est notamment appréciée pour ses talents et équipements de référence mondiale, selon le baromètre. « On nous voit désormais pour notre capacité d’innovation et de recherche », fait savoir son auteur.
La France doit encore mener à bien quatre chantiers
Au total, « il y a un regain de confiance générale, les investisseurs ont envie d’y croire », avance Marc Lhermitte. Ce regain d’optimisme résulte en particulier des efforts accomplis, d’une part, pour améliorer la compétitivité, et, d’autre part, pour réduire le coût du travail. Entre 2013 et 2016, la France a commencé à tirer les leçons de son déficit de compétitivité, pointé du doigt fin 2012 dans le rapport Gallois, en amorçant une réduction du coût du travail, notamment par le Crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE) et des allègements fiscaux. « Il reste une moitié du chemin à accomplir », prévient cependant Marc Lhermitte.
Selon l’associé EY, « la progression est encourageante, mais il reste quatre grands enjeux cruciaux ».
En premier lieu, le pays doit encore « accentuer l’effort d’amélioration de la compétitivité fiscale » puisque plus de la moitié (55 %) des décideurs internationaux ayant répondu à l’enquête souhaitent une réforme sur la fiscalité, qui reste à leurs yeux un frein de la compétitivité. Actuellement, les entreprises en France sont soumises à un taux d’impôt sur les sociétés (IS) de 38 %, « très élevé par rapport à la moyenne européenne de 30 % », fait remarquer Marc Lhermitte. « Ce taux, passera progressivement à 28 %, à horizon 2020, selon la taille et le chiffre d’affaires des entreprises ».
Le deuxième chantier attendu est celui de la simplification administrative : « L’environnement administratif est trop complexe, réglementé avec beaucoup de normes », développe Marc Lhermitte et une large partie (46 %) des investisseurs attend une réforme de simplification.
Parmi les autres handicaps de compétitivité dans le radar des décideurs étrangers, la flexibilité du droit du travail : ainsi, 39 % des dirigeants estiment qu’il faut approfondir la réforme du droit du travail pour plus de flexibilité.
Le quatrième chantier est la poursuite de la réduction du coût du travail (CICE, allègements fiscaux, etc.). « Le coût du travail, on peut continuer à le réduire, on a passé la 1ère vitesse mais le niveau des charges sociales qui pèsent sur les sociétés est encore trop élevé », estime encore le consultant.
Sur la question de la réforme du droit du travail, l’associé EY se montre confiant quant à la mission confiée à la nouvelle ministre du Travail, ancienne ambassadrice en charge des investissements internationaux lorsqu’elle dirigeait Business France. « Muriel Pénicaud est une spécialiste, confie-t-il. À la tête de Business France, elle a vu, en accompagnant dans des missions à l’étranger les entreprises, la réalité, ce que c’est que de se battre pour la flexibilité », insiste-t-il. « C’est une personne remarquable et idéale pour ce poste », ajoute-t-il encore.
Enfin, en ce qui concerne la stratégie de promotion internationale des atouts français, le baromètre révèle que 61 % des dirigeants étrangers qui ne sont pas implantés en France estiment que la France met en place une politique de promotion de ses atouts à l’international « efficace », contre 41 % pour ceux qui sont installés en France. « C’est le French Bashing », décrypte l’associé. « De l’extérieur, à distance, constate-t-il, on a une meilleure appréciation de la promotion de la France à l’international ».
En outre, les signaux positifs du baromètre cette année ne doivent pas, selon lui, faire oublier que la concurrence reste forte au sein de l’Europe. Il est indispensable, estime le cabinet d’audit, d’aller plus loin pour combler l’écart qui sépare encore la France de l’Allemagne et du Royaume-Uni, ces deux pays restent des concurrents de premier plan que le Brexit ne suffira pas à affaiblir, selon EY.
Venice Affre
Pour en savoir plus :
Consultez le baromètre EY sur l’attractivité de la France en fichier PDF joint ci-dessous