La France est-elle une destination attractive pour les centres de décision des multinationales ? C’est à cette question qu’a tenté de répondre le Conseil d’analyse économique (CAE), instance pluraliste composée d’économistes professionnels, placée auprès du Premier ministre, dans sa dernière note mensuelle présentée aux journalistes le 11 mai, qui s’intitule « L’attractivité de la France pour les centres de décision des entreprises ».
À partir d’une base de données (Amadeus – Bureau Van Dijk) recensant 260 000 centres de décision localisés en Europe et appartenant à des groupes étrangers originaires de 78 pays, les deux auteurs de la note, Farid Toubal et Alain Trannoy, se sont intéressés à la localisation des centres de décision détenus par des groupes étrangers dans quinze pays d’Europe, dont la France, sur la période 1980-2012.
À noter que le « centre de décision », centre opérationnel d’une entreprise dans lequel sont généralement prises des décisions stratégiques, se distingue du « siège social », dont le choix de la localisation relève avant tout de raisons fiscales ou juridiques. À titre d’exemple, Airbus Group possède son siège social aux Pays-Bas à Leyde. Celui-ci ne compte que trois employés. L’avionneur européen possède son centre opérationnel à Blagnac, près de Toulouse.
Le CAE montre que les entreprises déterminent la localisation de leurs centres de décision en fonction de la taille de la région, de la qualité du réseau de transport (infrastructures aéroportuaires et ferroviaires), de la disponibilité de main d’œuvre qualifiée, de la qualité de la gouvernance publique, de la fiscalité et du prix de l’immobilier. Le taux d’impôt sur les sociétés (IS) n’est ainsi pas un déterminant important des implantations de centres de décision, précise le CAE dans sa note. Mais il rappelle toutefois que la France applique aux groupes internationaux qui s’implantent en France le « régime de l’exemption ». Les filiales à l’étranger de centres de décision situés en France voient leurs bénéfices imposés dans le pays d’accueil. « Ce régime, commente la note, est favorable à l’accueil de centres de décision en dépit du taux d’IS élevé pratiqué en France ».
La position de la France s’effrite au profit de l’Allemagne, de la Belgique et du Royaume-Uni
Les auteurs dressent dans leur note un premier constat : le match au sommet dans la compétition entre les métropoles européennes se fait entre quatre nations – l’Allemagne, le Royaume‐Uni, la Belgique et la France – qui accaparent à elles seules 70 % des centres de décision de groupes étrangers.
Autre constat, sur les trente dernières années (1980-2012), la part de l’Hexagone dans la compétition s’est effritée. « La France, signale Alain Trannoy, qui présentait le 11 mai aux journalistes la note du CAE, recule au bénéfice de la Belgique et de l’Allemagne ».
Concentrant 20,5 % des centres de décision des groupes étrangers en 1980, la France figurait à cette date au premier rang des principaux pays d’accueil des centres de décision en Europe. Elle se plaçait alors juste devant le Royaume-Uni (19,3 %). Mais entre 1980 et 2012, la France a vu sa position reculer, chutant de la 1ère marche du podium à la 4ème place (16,8 % en 2012), devancée respectivement par la Belgique et le Royaume-Uni, qui accueillaient respectivement 17,9 % des centres de décision en 2012. À l’inverse, l’Allemagne est passée de la 4ème place (14,9 % en 1980) à la première trente ans plus tard (19 % en 2012).
Le CAE observe également que la France n’est pas la destination privilégiée des pays émergents en Europe, et qu’elle attire des centres de petite taille concentrés majoritairement en Ile-de-France. Cette performance déclinante de la France et de la région parisienne tiendrait à une spécialisation sectorielle et géographique défavorable plus qu’à un déficit d’attractivité « pure ». Selon les auteurs, une spécialisation sectorielle, notamment dans le commerce de gros (produits agroalimentaires et industriels), moins dynamique, pourrait expliquer la performance déclinante de la France et de la région parisienne au cours des trente dernières années. Il est en effet préférable pour une région de se positionner sur des secteurs en expansion.
La France doit préserver ses atouts pour améliorer son attractivité
En termes d’attractivité pure, l’Ile-de-France dispose encore de nombreux atouts comme des infrastructures de transport aérien. L’aéroport Paris-Charles de Gaulle est la deuxième plateforme aéroportuaire d’Europe pour le trafic passagers derrière Londres Heathrow. Les économistes du CAE estiment néanmoins que l’Ile-de-France doit préserver et améliorer le hub de Roissy-Charles de Gaulle. En effet, l’aéroport parisien est difficile d’accès depuis Paris. Éloigné du centre-ville, l’aéroport ne dispose pas d’une liaison rapide le reliant à Paris. De plus, les auteurs recommandent de préserver les lignes internationales directes de du hub de Roissy-Charles de Gaulle. « L’Ile-de-France a toutes ses chances à condition de ne pas les gâcher », avertissent ainsi les auteurs.
Selon le CAE, la France doit donc augmenter son attractivité pure pour compenser son déficit structurel et être davantage dynamique dans les secteurs sur lesquels elle est bien positionnée comme l’énergie, l’hôtellerie, la restauration et le commerce de gros. Mais surtout, les auteurs estiment que la France doit avant tout chercher à améliorer le climat des affaires plutôt que de chercher à attirer coûte que coûte des centres de décision.
Venice Affre
Pour en savoir plus :
Consultez la note du Conseil d’analyse économique (n° 30, avril 2016) en fichier PDF ci-joint.