Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et Matthias Fekl, le secrétaire d’État au commerce extérieur, n’étaient pas venus les mains vides, le 1er mars, au Salon international de l’agriculture, Porte de Versailles. Ils en ont profité, en effet, pour annoncer le lancement d’une consultation publique, portant sur leur projet de « plan stratégique 2017 – 2021 pour le développement des exportations et l’internationalisation des filières agricoles et agroalimentaires ». Une démarche plutôt audacieuse en cette période électorale, alors que le président sortant ne se représente pas…
Dans ce document d’une dizaine de pages, les deux ministres se justifient en commençant par souligner l’urgence de réagir à la perte de compétitivité mondiale de l’agriculture et l’agro-industrie tricolores. Car, malgré un excédent commercial global toujours flatteur, de 9,3 milliards d’euros en 2015, l’Hexagone a perdu des parts de marché (PDM) dans le monde.
Globalement, sa PDM est tombée de 7,7 % en 2000 à 4,8 % en 2015. Dans l’Union européenne notamment, qui a absorbé 63 % des exportations de l’industrie agroalimentaire, elle a chuté de 12,5 % à 7,9 %. Cerise amère sur le gâteau, la France ne tient que « sur un nombre très réduit de secteurs que sont les vins et spiritueux, les semences, les céréales et oléagineux et, dans une moindre mesure, les produits laitiers ». C’est d’autant plus inquiétant que les échanges mondiaux ont triplé en quinze ans, à raison d’une croissance annuelle de 8 % depuis 2000.
Cibler les PME et ETI, améliorer information et formation
Ce sont surtout les grandes entreprises, souvent des leaders mondiaux dans les vins et spiritueux, les produits laitiers, le malt, les légumes transformés, le sucre ou encore les semences, qui sont performantes à l’international. C’est pourquoi la stratégie que proposent Stéphane Le Foll, ciblant en priorité les PME et ETI, est articulée autour de trois axes : « accompagner les entreprises dans la durée », « ouvrir de nouveaux marchés et maintenir l’accès aux marchés existants » et « promouvoir les produits français ».
1/-Accompagner les entreprises dans la durée. Et pour cela, agir à tous les niveaux :
– En région où le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (Maaf) s’engage à « consolider » sur « les questions d’export et d’internationalisation » la mission des correspondants et référents agroalimentaires et à les rapprocher des acteurs de l’Équipe de France à l’export territoriale (Conseil régional, Direccte, Sgar, Aria, chambres consulaires, Business France / Bpifrance, Sopexa ou encore fédérateur de la famille prioritaire à l’export « mieux se nourrir ») ; et où le Maaf « proposera des formations » sur les procédures douanières « aux entreprises et aux agents de l’État concernés ».
– Au niveau national, où il s’agit pour ce ministère et ses organismes sous tutelle, comme FranceAgriMer et l’Agence Bio, d’accompagner les stratégies par filière et le travail collectif mené par les Régions, les opérateurs publics et les clubs d’entreprises. Parmi les modèles « d’offre regroupée » qui pourraient servir d’exemples dans le futur, le plan des ministres retient la plateforme France viande export, le travail de l’Adepta, le club Export créé à l’initiative de Business France et l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) et la charte « Ensemble à l’international » conclu par le secrétaire d’État au Commerce extérieur avec l’Ania.
L’accès à l’information est aussi essentiel. C’est pourquoi le Maaf va lancer une Lettre export bimensuelle et un outil numérique d’information globale, en plus d’Exp@adon pour les procédures sanitaires et phytosanitaires (SPS) qui va, au demeurant, faire l’objet d’une nouvelle version, et une télé procédure, dès mars, pour des demandes d’agrément SPS dématérialisés. Enfin, il faut instiller une « culture de l’export via la formation » et ses prolongements (stages, Volontaires internationaux en entreprises…).
– À l’échelon européen et international, avec l’animation confiée à l’étranger aux « clubs agros », mais aussi le rôle au sein des Services économiques des conseillers agricoles, en synergie avec les autres opérateurs (CCI, CCEF, Sopexa, Business France…).
Lever des barrières sanitaires et phytosanitaires
2/- Ouvrir de nouveaux marchés et maintenir l’accès aux marchés existants.
Cette orientation passe par une meilleure veille stratégique, un « accompagnement » de la négociation des accords commerciaux, passant par l’identification des opportunités et la remontée « des éventuels dysfonctionnements et difficultés rencontrés par les entreprises » auprès de la Commission européenne.
Au Salon de l’agriculture, Matthias Fekl a répété à plusieurs reprises la volonté du gouvernement de défendre une « agriculture de terroir, des produits de qualité », assurés notamment par les identifications géographiques. Défendant la place de la France et de son agriculture, « qui doivent rester dans l’Union européenne », il a lié l’export de qualité à la gastronomie et au tourisme.Le plan stratégique confirme l’importance des identifications géographiques pour réussir à l’international.
S’il n’est pas fait mention de l’Accord économique et commercial global (AECG, Ceta en anglais pour Comprehensive Economic and Trade Agreement), rappelons quand même que 143 identifications géographiques (IG), dans ce cadre, sont reconnues par le Canada. Ces IG donc vont être protégées, alors que, l’affirmait Matthias Fekl pendant le salon, une des raisons de l’échec des négociations pour le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ou TTIP (Transatlantic Trade Investment Partnership) est le refus des États-Unis des IG.
Enfin, le plan met également en avant la levée des barrières non tarifaires, en particulier sanitaires et phytosanitaires, ce qui implique « le ciblage de la priorisation des marchés » ; la mise en place d’outils financiers efficaces pour l’export et la compétitivité, adaptés aux filières, aux produits, aux profils d’entreprises ; et l’adaptation de l’offre tricolore à la demande mondiale sur de nouveaux créneaux (bio, halal, produits diététiques, fonctionnels) et aux attentes du client (par exemple, un bon niveau de protéine dans le blé, une bonne segmentation de l’offre de vins, des semences adaptées aux contraintes pédoclimatiques et à la sécurité alimentaire).
3/-Promouvoir les produits français.
Cela implique notamment de mieux tirer parti des budgets de l’UE (133 millions d’euros en 2017, 300 millions en 2019), mais aussi de renforcer l’image de la France en déployant la promesse « Made in France Made with love», créé par Sopexa pour le Maaf et reprise par Business France sur les salons professionnels. Autre action à mener, « une réflexion, dans le cadre du renouvellement de la délégation de service public à Sopexa, sur les actions prioritaires » en matière de communication B to C.
Au demeurant, le Maaf annonce qu’il proposera « un recensement de l’ensemble des actions de promotion menées par Sopexa, Business France, les interprofessions, les régions, l’Europe, le plan national pour l’alimentation (OCM), etc. ». Enfin, il est question dans le plan stratégique de pousser la coopération internationale, avec Expertise France et des bailleurs de fonds comme l’Agence française de développement (AFD).
François Pargny
Pour prolonger :
Lire notamment en ligne sur notre site :
– Commerce extérieur / France : un panorama sectoriel inquiétant
– Commerce extérieur / France : contre-performance confirmée pour l’export tricolore en 2016
– Dossier agroalimentaire 2016 : pour gagner la compétition, innover pour exporter