Principal atout de la France à l’export, avec un excédent commercial de 18,6 milliards d’euros l’an dernier, l’industrie aéronautique, spatiale, de défense et de sécurité a enregistré « un nouveau record l’an dernier, avec un chiffre d’affaires en hausse de 4,1 % à périmètre constant à 60,4 milliards d’euros en 2016 », s’est félicité Marwan Lahoud (notre photo), qui préside le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), le 13 avril, lors de la présentation des résultats 2016.
Si l’activité internationale a été particulièrement soutenue, avec + 5,9 % à 41,7 milliards d’euros, soit 86 % du chiffre d’affaires consolidé, « la réalité est contrastée », a tempéré le patron du Gifas, en évoquant les difficultés des professionnels dans les avions d’affaires, qui ne se sont toujours pas remis de la crise de 2008, et des hélicoptères civils, durement frappés par la chute de l’activité dans le domaine des hydrocarbures, son principal client.
Ces fragilités n’ont, toutefois, pas empêché le segment de l’aviation civile de s’envoler, grâce à une hausse de 4,8 %, liée au dynamisme du transport aérien, alors que le marché militaire n’a progressé que de 1,8 %. L’explication est double : le nouveau record de livraisons d’Airbus avec 688 appareils ; le recul, en revanche, sur le marché de la défense en France, toutefois, bien compensé par les exportations, notamment de Rafale. Les ventes se sont ainsi établies à 47,3 milliards d’euros dans l’aviation civile et à 13,1 milliards dans la défense.
P. Daher : « 20 à 25 % des équipementiers déficitaires »
S’agissant des commandes, le bilan est satisfaisant à 73,1 milliards d’euros. « On continue d’augmenter notre carnet, lequel correspond aujourd’hui à plus de cinq années de production », a sobrement annoncé Marwan Lahoud, se réjouissant, toutefois, de l’effet d’entraînement sur la supply chain des contrats de Rafale à l’export (36 appareils à l’Inde).
Les propos nuancés de l’ancien directeur Stratégie d’Airbus, qui mettra fin à ses fonctions au Gifas en juillet, s’expliquent par le fait que la supply chain est composée d’entreprises, petites, moyennes et à taille intermédiaire, dont certaines ne parviennent pas à réduire leurs fragilités. En outre, l’industrie française est profondément inquiète de la baisse continue de l’effort public dans la défense.
Sur les fragilités de la supply chain, Patrick Daher, président du Groupe des équipementiers aéronautiques et de défense (GEAD) du Gifas, a révélé, que « 80 % des 200 sociétés du GEAD sont des PME et que 25 % réalisent 80 % du chiffre d’affaires du Groupe », d’après une étude interne, effectuée en janvier dernier. Selon le patron du groupe Daher (systèmes industriels intégrés), « 20 à 25 % des entreprises sont déficitaires, notamment celles spécialisés dans les hélicoptères civils et les avions d’affaires ». Ce qui « peut avoir des conséquences négatives sur les cadences de production », a reconnu le dirigeant du groupement professionnel, qui compte 376 membres, dont 167 équipementiers et 175 PME.
Pour aider les entreprises les plus faibles, le Gifas a mis sur pied un programme de consolidation et diversification, « en allant hors aéronautique sur le militaire et le médical et en s’orientant vers l’international », a précisé Patrick Daher. Des propos qui ont été repris par Bertrand Lucereau, P-dg de Secamic (pièces de rechange et équipements aéronautiques militaires) et président du groupe Aéro-PME du Gifas, qui a déploré « le poids de la fiscalité trop lourd en France pour des petites et moyennes entreprises ». En outre, « les salaires sont élevés, ce qui fait qu’on ne peut pas utiliser le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice). Espérons qu’on ne nous supprimera pas le crédit d’impôt recherche (CIR) », a-t-il encore lâché, en faisant allusion aux futures échéances électorales.
M. Lahoud : « il faut que le budget de la défense remonte à 2 % du PIB »
Le Gifas ne cherche pas à cacher son inquiétude à l’approche des prochains scrutins. « Nous sommes à un point de rupture », a averti Marwan Lahoud, en évoquant la chute de l’effort national de défense (hors pensions) de 26 % depuis 1990 et le recul de 60 % des financements des études amont. « Il faut que le budget de la défense, qui est ainsi passé de 2,86 % à 1,43 % du produit intérieur brut (PIB), remonte à 2 % en 2022 », a plaidé le président du Gifas pour « éliminer les trous en termes de capacité et maintenir notre maîtrise technologique alors que l’on perd des positions de leader ».
« Si notre industrie reste en France, c’est parce qu’elle fait partie intégrante de l’effort de défense nationale. C’est un enjeu de campagne évoqué par tous les candidats », a-t-il noté, tout en reconnaissant que la profession était impatiente « de voir comment le futur exécutif allait traduire les bonnes intentions en actes et décisions ».
Interrogé sur le Brexit, le Royaume-Uni étant le deuxième partenaire de la France après l’Allemagne, Marwan Lahoud a répondu que « personne ne sait rien », mais qu’il y a « bien sûr un soupçon d’inquiétude » Une quarantaine de membres du Gifas ont un lien capitalistique outre-manche et les supply chains sont fortement intégrées. « Personne ne sait quel seront le statut et les droits des continentaux au Royaume-Uni et dans l’autre sens des Britanniques, comment se fera la mobilité, quels seront les droits de douane, les processus de certification des objets fabriqués au Royaume-Uni et réciproquement ou ce que deviendra la convergence règlementaire ». Ce que souhaite ardemment le Gifas, c’est que la transition soit la plus douce possible.
François Pargny