« Après le niveau historique de 2015, c’est un nouveau record d’exportations en 2016, a pu se féliciter Christophe Navarre (notre photo, entouré de ses deux vice-présidents, à gauche Philippe Castéja, et, à droite, Louis Fabrice Latour), président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (Fevs) et P-dg de Möet Hennessy, lors d’une conférence de presse, le 9 février à Paris.
A 11,9 milliards d’euros, le chiffre des livraisons internationales a ainsi augmenté de 1,2 %. Toutefois, cette performance est surtout le fait des spiritueux, avec + 5,2 % à 3,9 milliards, notamment du cognac (avec + 6,5 % à 2,8 milliards) dont les ventes ont rebondi en Chine, alors que les vins ont perdu 0,8 % à environ 8 milliards d’euros. En outre, en volume, le chiffre ne varie pas (188 millions de caisses de 12 bouteilles, soit 9 litres).
« Le champagne a subi l’impact de la chute de la livre sterling au Royaume-Uni, et surtout les vins tranquilles sont restés flat. Depuis quatre ans, a exposé le patron de l’organisation professionnelle, la faible disponibilité en produits impacte la compétitivité des entreprises et les performances à l’international ».
C. Navarre ne croit pas au protectionnisme américain
Par ailleurs, la croissance du chiffre d’affaires est due aux États-Unis, en partie parce que la parité euro-dollar a été favorable, et la zone Chine-Hong Kong-Singapour, qui ont représenté à eux-seuls plus de 40 % du total des fournitures à l’étranger (30 % en volume). Et ce, même si, par grandes régions, l’Union européenne est restée prédominante avec une part de 35 %, devant l’Amérique du Nord, avec 31 %, et l’Asie, avec 27 %.
Les États-Unis ont, d’ailleurs, conforté leur rang en tête des destinations de la France, avec un bond de 8,1 % à 2,8 milliards, soit 23,7 % du total monde (moins pour le vin, 18,4 % ; plus pour les spiritueux, 36,5 %). Répondant à une question du Moci qui l’interrogeait sur les tentations protectionnistes de Donald Trump, Christophe Navarre s’est déclaré « optimiste, confiant et serein pour l’avenir ». Pour lui, « il faut rester calme, il ne faut pas spéculer », d’autant « qu’on n’a pas de signaux précis à ce stade que pourraient, par exemple, être appliquées de nouvelles taxes ».
Le président de la Fevs a également rappelé que la France expédie ses vins outre-Atlantique depuis 200 ans et que « les Américains aiment nos produits ». C’est pourquoi il ne croit pas que seront posés « des freins aux exportations de vins français ou de cognac », « Les consommateurs sont très contents », a-t-il répété, tout en reconnaissant qu’il fallait « rester vigilant » et en notant que l’année en cours avait plutôt bien commencé aux États-Unis. Un jugement confirmé par un de ses vice-présidents, Louis Fabrice Latour, à la tête de la maison bourguignonne Louis Latour, selon lequel « l’industrie américaine est très free trade, pas du tout protectionniste ». En outre, l’enjeu en termes d’échanges et d’investissement n’aurait rien à voir avec l’automobile, secteur ciblé jusqu’à présent par Donald Trump. « Les vins importés aux États-Unis ne représentent que 20 % de l’offre totale et la France ne compte que pour 5 % », a-t-il ainsi précisé.
Le prix, au centre des préoccupations au Royaume-Uni et en Allemagne
Au Royaume-Uni, le deuxième débouché tricolore, avec près de 1,3 milliard d’euros d’exportations françaises en 2016 (- 7,6 %), le champagne (- 10 %) n’a pas été le seul produit touché par l’évolution du taux de change de la monnaie nationale. D’abord, remarquait Christophe Navarre, « tous les produits importés dans ce pays ont été concernés et pas seulement les nôtres ». Ensuite, les vins tranquilles n’ont pas échappé à la tendance. « A Bordeaux, c’est l’entrée de gamme qui a le plus souffert », indiquait ainsi Philippe Castéja, vice-président de la Fevs et P-dg de la maison bordelaise Borie Manoux.
Le bourgogne, a, pour sa part, enregistré une hausse de 10 % de ses expéditions outre-manche. « Mais il y a eu beaucoup d’achats d’anticipation et donc la baisse de la livre va nous impacter avec retard. On s’attend à une année 2017 extrêmement difficile au Royaume-Uni », a confié Louis Fabrice Latour.
Hormis le cas spécifique du Royaume-Uni, le prix des produits est au cœur des enjeux à venir. D’une part, parce que, dans certains vignobles, des hausses significatives de prix ont été pratiquées. C’est le cas de la Bourgogne. Et d’autre part que, traditionnellement, certains marchés sont particulièrement sensibles aux prix. C’est le cas de l’Allemagne.
« Pour l’instant, se réjouissait Louis Fabrice Latour, le bourgogne a passé les hausses de prix. Reste qu’aux États-Unis, on a fait qu’un petit + 3 %, ce qui est un peu décevant, on a manqué de vin. Maintenant il faut espérer que les marchés seront capables d’accepter les hausses, comme au Japon. Mais il est certain que sur des marchés très sensibles aux prix, à l’instar de l’Allemagne, nous rencontrons des difficultés. De façon générale, nous devons en Bourgogne arrêter avec les hausses des prix, car ça crée des tensions sur les marchés ». En Allemagne, renchérissait Philippe Castéja, « l’acheteur opère selon des cases. Pour le vin, c’est moins de 5 euros, sinon il achète un produit concurrent ».
Rebond du cognac en Chine, dépendance du bordeaux
Après les États-Unis et le Royaume-Uni, l’Allemagne est le troisième débouché de l’Hexagone pour les vins, avec 664 millions d’euros réalisés l’an dernier (- 3,4 %) et le quatrième pour les vins et spiritueux, avec près de 824 000 millions (- 3,2 %), derrière la Chine, avec plus de 938 millions (+ 12,7 %). Sur ce dernier marché, « il y a eu une très belle progression des spiritueux, de + 17 %, tirée par le cognac », s’est réjoui Christophe Navarre.
Traditionnellement, la région bordelaise est très présente en Chine. « C’est vrai que c’est un peu dangereux d’être dépendant d’un grand pays, mais il est difficile de ne pas répondre aux besoins de l’avant-dernier, si ce n’est le dernier grand marché mondial, avec l’Inde ou les Indes où ce sera, quoi qu’il en soit, toujours plus difficile », expliquait Philippe Castéja.
A noter encore le retour de la France sur un autre grand marché, la Russie. « Pour les vins, la France a accru ses exportations de 8 % en valeur, principalement grâce aux effervescents. Le champagne, en particulier, a fait + 20 % », a dévoilé Nicolas Ozanam, directeur général de la Fevs. La remontée des cours des matières premières a bénéficié au redémarrage du marché domestique. Pour autant, les opérateurs internationaux restent prudents, pas tant à cause de la concurrence locale, mais en raison de la contrefaçon sur de grandes marques.
François Pargny