Grâce à une hausse d’un milliard d’euros sur 2016, les exportations françaises de vins et spiritueux se sont élevées à 12,9 milliards d’euros l’an dernier, une progression due pour un tiers aux marchés chinois, hongkongais et singapourien et pour un quart au débouché américain.
« Ce sont ainsi les pays tiers qui tirent la croissance », a commenté Antoine Leccia (notre photo), le président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (Fevs) et du directoire du groupe AdVini, lors de la présentation des résultats 2017, à Paris, le 14 février.
Les trois premiers marchés : États-Unis, Royaume-Uni, Chine
D’après la Fevs, « si l’Union européenne affiche un net rebond (+4,5 %), après deux années en retrait, la croissance résulte à plus de 80 % du dynamisme des pays tiers ».
Aujourd’hui, l’Union européenne (UE) ne représente plus qu’un tiers du total. Par pays, les livraisons tricolores ont bondi de 24,5 % en Chine et de 9,5 % aux États-Unis. Si le pays de l’Oncle Sam, en absorbant pour près de 3,08 milliards d’euros de produits français, est demeuré de loin le premier débouché de l’Hexagone, la Chine, avec 1,17 milliard, talonne désormais le Royaume-Uni, demeuré le deuxième marché avec 1,34 milliard d’euros.
L’Allemagne s’est hissée au 4ème rang, avec 843 millions d’euros, et la Belgique au 6ème, avec 612 millions, devancée de peu par Singapour, avec 831 millions d’euros.
Les effervescents en hausse de 50 % aux États-Unis
Ces trois dernières années, souligne la Fevs, les livraisons françaises aux États-Unis ont gagné 50 %. Un mouvement encore illustré en 2017 par le boom des exportations de vins de Provence (+ 46 %) et du cognac qui représentait 40 % des ventes de vins et spiritueux sur place. Les effervescents, comme le champagne, auraient aussi affiché une hausse de 50 %, au point que les États-Unis devraient « dépasser le Royaume-Uni comme marché en 2021 », a affirmé Juliette Monmousseau.
Interrogée sur la concurrence du prosecco, la directrice générale de Bouvet Ladubay (Val de Loire) a estimé que le succès de ce vin pétillant du nord de l’Italie au Royaume-Uni et aux États-Unis était « favorable ». Selon elle, il représentait une « opportunité » pour les effervescents français, dans la mesure où il profitait à « un mode de consommation régulier des bulles ». En 2017, le champagne a gagné 7,4 % pour atteindre 2,82 milliards d’euros d’exportations dans le monde.
Les risques liés au ‘Brexit’
En Chine, la montée de la consommation de la classe moyenne a profité à toutes les régions viticoles, même si, précise la Fevs, le cognac et le bordeaux s’y taillent toujours la part du lion, avec 75 % des expéditions.
Malgré l’appréciation de l’euro face à la livre, les exportations outre-manche ont gagné 3 %. Interrogé sur l’impact du Brexit, Georges Haushalter, administrateur de la Compagnie médocaine des grands crus, a reconnu qu’il fallait se montrer « vigilant » et surveiller de près l’état des stocks britanniques et du système de redistribution en Asie.
Le représentant du bordeaux a, toutefois, cherché à minimiser les risques, en expliquant que depuis 800 ans bordeaux vend du claret (vin rouge léger) au Royaume-Uni. « Il y a une tradition, une familiarité, des réseaux historiques sur l’Extrême Orient, Hong Kong, Singapour, pour les grands vins, avec de plus en plus d’opérateurs, ce qui permettrait toujours de vendre en Asie, notamment en Chine », a précisé Georges Haushalter.
Outre-manche, « l’inquiétude, en particulier en grande distribution, porte surtout sur les vins à moins de 10 euros », a complété Antoine Leccia, car, selon lui, » la baisse de la livre pourrait affaiblir les volumes». Or, le Royaume-Uni était encore l’an dernier le deuxième débouché des vins tricolores, avec 1,1 milliard d’euros de ventes, certes loin des États-Unis, avec 1,56 milliard, mais aussi loin devant l’Allemagne, avec 688 millions d’euros, et la Chine, avec 664 millions.
Le Royaume-Uni était également le quatrième marché pour les spiritueux, avec un montant de 222 millions d’euros, malgré une baisse de 6,6 % sur 2016. Comme débouché, il était supplanté par Singapour, avec 483 millions de chiffre d’affaires, la Chine, avec 503 millions, et surtout les États-Unis, avec 1,5 milliard d’euros.
Bénéficier des accords de libre-échange
A noter la performance record du cognac, qui, avec 3,07 milliards d’exportations, a représenté plus de 73% du total des ventes de spiritueux. « Nous avons connu une croissance forte dans nos trois zones principales – Amérique du Nord, avec + 11,3 %, Asie, avec + 11,3 % également, et Europe, avec + 25,7 % – mais aussi tous les autres marchés, avec + 16 % », s’est félicité Patrick Raguenaud, à la tête du Bureau national interprofessionnel du cognac (Bnic) et directeur de Grand Marnier.
En dépit du chiffre record des exportations en 2017, Antoine Leccia met en garde. « Les risques géopolitiques et de fluctuation des monnaies nous maintiennent dans un certain brouillard ». La France a, certes, des atouts. « On est bien orienté en Chine et aux États-Unis », « les Français ont appris la notion d’intelligence culturelle », mais « il faut aussi lever les barrières tarifaires et non tarifaires aux frontières et donc travailler avec l’État et l’Union européenne pour avoir moins de freins et égaliser nos chances », a insisté le président de la Fevs.
Antoine Leccia faisait ainsi allusion à la Chine, où les vins de l’UE sont imposés à hauteur de 17 %, pendant qu’en vertu d’un accord commercial avec l’Australie et le Chili, les vins de ces deux pays n’y sont pas du tout imposés pour le premier et ne le seront plus sous peu pour le second.
S’agissant des accords de libre-échange (ALE) négociés par la Commission européenne, la fédération française est favorable à un ALE avec le Mercosur, le Marché commun du Sud, qui regroupe le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay *. « Il y a un grand potentiel de développement », a estimé son délégué général, Nicolas Ozanam, son délégué général, qui a cité le Brésil, « où la France arrive loin derrière le Chili, l’Argentine, ou encore l’Italie et le Portugal ».
De même, l’ALE avec le Japon ** est favorable, dans la mesure où il prévoit un démantèlement tarifaire, une protection des identifications géographiques et des contraintes technologiques, par exemple, certaines pratiques œnologiques. Cet accord devrait entrer en vigueur début 2019.
François Pargny
(*) Lire UE / Mercosur : les négociateurs misent sur un accord formel fin février
(**) Lire UE/Japon : l’accord de libre-échange devrait entrer en vigueur début 2019 et UE / Japon : un accord de libre-échange aux dépens des États-Unis
Pour prolonger :
Vin / Export : le champagne en effervescence hors UE
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