En 2025, la consommation de vin en Chine dépassera celle de la France. Et en 2027, elle rattrapera celle des États-Unis, le géant asiatique devenant ainsi le premier marché mondial, ont expliqué les experts de Coface, lors de la présentation d’une étude sectorielle à la presse, le 9 décembre, à Paris. Par habitant, la consommation passera dans l’ex-Empire du Milieu de 1,3 litre par an à 2 litres, un niveau encore très faible comparé aux 44,5 litres actuels dans l’Hexagone, « ce qui laisse de la marge », soulignait ainsi Paul Chollet, responsable des Études sectorielles et défaillances de Coface.
Dans un Panorama, intitulé « Face à la mondialisation du marché du vin, l’Europe plie, mais en rompt pas » (décembre 2015), les experts de Coface écrivent que « la croissance de la consommation mondiale de vin est tirée par celles des États-Unis et de la Chine, qui ont augmenté respectivement de 29 % et de 37 % entre 2000 et 2014 ».
Outre l’évolution de la population mondiale (8,2 milliards d’habitants en 2025), l’urbanisation est un facteur majeur qui doit profiter à l’achat de vin. Ainsi en Chine, entre 1985 et 2014, elle a explosé, avec + 140 %. Et pourtant dans ce pays, avec la moitié de sa population dans les villes, il s’agit d’une proportion entre très inférieure à celle de l’Europe et du continent américain, qui varie entre 80 et 90 %. Enfin, il y a la croissance potentielle du produit intérieur brut (PIB). Et c’est en Chine, avec + 5 % entre 2020-2025, qu’elle sera la plus forte, supérieure notamment à la hausse aux États-Unis, de 2 %.
Les CHR, « cheval de Troie des vins étrangers en Chine »
L’urbanisation est fondamentale à l’émergence d’une distribution moderne. « Aujourd’hui en Chine, la grande distribution est réservée aux vins locaux et, comme il n’y a pas de commerce de proximité, c’est dans les cafés, hôtels et restaurants (CHR) que l’on trouve une véritable volonté de faire connaître les produits étrangers », selon Fabrice Rocchi, responsable de l’Arbitrage agroalimentaire-distribution chez Coface. Pour lui, a-t-il insisté, « les CHR sont le cheval de Troie des vins étrangers en Chine, car ils permettent d’appréhender le vin avec une approche plus culturelle ».
Dans l’ensemble de l’Asie, les circuits de distribution sont très atomisés et les petites structures disposent de moyens financiers limités, ce qui rend difficile en Chine le parcours des exportateurs français, qui y manquent de visibilité. « L’essentiel des importateurs se trouvent sur la côte en Chine, ce qui freine les exportations françaises, car ils décident de ce qu’ils veulent faire », pointait encore Fabrice Rocchi. Dans la pratique, les opérateurs de l’Hexagone exportent directement ou via Hong Kong, où les taxes d’entrée sont supprimées depuis 2008. Depuis novembre, pour conforter sa place de porte d’entrée sur la Chine continentale, l’ancienne colonie britannique a décidé d’exonérer de taxes à l’exportation les vins à destination de cinq grandes villes sur le continent : Pékin, Tianjin, Shanghai, Guangzhou et Shenzhen.
Le Nouveau Monde mieux placé en prix que la France
La France jusqu’à présent bénéficie d’un prestige et d’une position inégalée. Toutefois, sa part de marché s’est quelque réduite ces dernières années, passant ainsi entre 2011 et 2014 de 35 % à 33 % en volume et de 50 % à 43 % en valeur. « Il y a une normalisation du marché. On achetait un produit pour sa bouteille et son étiquette, comme on achète un objet de valeur. Maintenant, la compétition se fait plus sur le moyen et le bas de gamme », a commenté Guillaume Baqué, économiste de Coface. « Les achats de vin ne sont plus autant attachés à une image », a renchéri Guillaume Rippe-Lascout (notre photo), également économiste de l’assureur crédit export français.
Du coup, la concurrence déjà en hausse avec le Nouveau Monde va s’accroître, l’Australie, le Chili, les États-Unis pénétrant le marché chinois avec des produits moins chers. Une tendance amplifiée par la décision de Pékin de lutter contre la corruption et donc « les généreux cadeaux ». Les marques de luxe, dont les grands vins bordelais, ont d’autant plus souffert que la Chine subit un ralentissement de sa consommation de vin.
La progression du Nouveau Monde semble inéluctable, dans la mesure où « pour 40 % des consommateurs chinois entre 18 et 29 ans, c’est le prix qui est le premier critère d’achat », indiquait Guillaume Rippe-Lascout. Or, Pékin vient de conclure toute une série d’accords commerciaux : avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili. En 2018, les taxes d’importation dans l’ex-Empire du Milieu disparaîtront, donnant un nouvel avantage compétitif à ces nations. Un nouveau défi pour les producteurs et négociants de l’Hexagone, qui devront arriver sur le marché avec des marques, des cépages et des prix abordables.
François Pargny