Sans le rebond du marché chinois, bordeaux aurait plongé dans le rouge en 2015. Comme les autres vignobles, il avait subi le contrecoup de la lutte engagée par Pékin contre les cadeaux ostentatoires et la corruption. Aujourd’hui, il y a « un repositionnement de nos vins sur la Chine », a expliqué Allan Sichel (notre photo), le vice-président du Conseil interprofessionnel du vin de bordeaux (CIVB), lors de la présentation du bilan 2015 du vignoble, le 22 mars à Paris. De façon, concrète, les exportations des grands crus ont fléchi. « On a aussi un grand volume d’entrée de gamme (- de 3 euros le litre départ France), on cherche à sortir de ce créneau de base » et, surtout, a-t-il précis « c’est ce qu’on veut, on a un regain dans le créneau intermédiaire (entre 3 et 9 euros) ».
Alors, certes, reconnaît-il, « on progresse plus en valeur qu’en volume », mais la tendance est bonne sur un marché qui « gagne en maturité ». Les distributeurs sans réseau ont souvent disparu et ceux qui restent sont « de vrais professionnels, avec de vrais commerciaux et disposant de vrais réseaux ».
Ainsi, « le net rebond sur la Chine » s’est-il traduit par « une hausse de 31 % en volume et 25 % en valeur », a détaillé le président du CIVB, Bernard Farges. Si bien que ce géant asiatique est redevenu le premier marché du bordeaux tant en valeur qu’en volume, avec un chiffre d’affaires de 227 millions d’euros équivalent à 479 000 hectolitres (hl) écoulés. Sur des exportations globales de 1,83 milliard d’euros, en hausse de 3 %, représentant un volume supérieur à 2 millions hl, lui, en baisse de 3 %, la Chine a ainsi représenté une part de 15 % en valeur et de 24 % en volume.
A la peine en Europe, de l’espoir aux États-Unis
Cette performance dans un grand pays émergent est d’autant plus appréciable que les livraisons ont reculé de façon générale dans les grands États européens, y compris la France : Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, notamment. Selon Bernard Farges, en volume, quand le grand export a progressé globalement de 9 %, l’Europe a affiché un recul de 17 %.
Le manque de disponibilités lié à des récoltes faibles cette année a accompagné la volonté de la profession de sortir de l’entrée de gamme pour s’orienter sur le cœur de gamme (3-15 euros) défini dans le plan stratégique « Bordeaux demain ». Pour le CIVB, il s’agit d’inciter la profession à abandonner le segment basique peu rémunérateur, quitte à le laisser entre les mains de concurrents plus compétitifs comme l’Espagne, et « de monter en prix » avec le cœur de gamme.
La situation est plus favorable en Amérique du Nord. « Aux États-Unis, les taux de change favorables nous permettent de tenir des niveaux atteints au niveau de la décennie grâce à l’envoi de produit valorisés sur les millésimes porteurs », a exposé Bernard Farges. En outre, « notre gamme s’est élargie », ce qui rend le CIVB plutôt optimiste « à court et moyen terme sur l’ensemble de la gamme ».
Quant aux investissements chinois dans le bordelais – « une centaine de crus serait détenue par des Chinois, alors que le nombre de viticulteurs est de l’ordre de 6 500 », a indiqué Allan Sichel – « çà fait partie de l’histoire de bordeaux d’accueillir des étrangers », a rappelé Bernard Farges et « les investisseurs de ce pays réexportent vers la Chine, ce qui est bon pour nos expéditions et bon pour notre image », a souligné le vice-président du CIVB.
Au demeurant, Pékin, après napa valley, champagne et cognac, a reconnu l’appellation bordeaux en juillet 2015, ce qui est un atout pour combattre la contrefaçon. A l’époque, les Bordelais tablaient sur une durée de deux mois pour la reconnaissance des 45 autres appellations de vins de Bordeaux, comme graves ou margaux.
Aujourd’hui, plus prudent, Bernard Farges parle d’un « processus » qui s’achèverait « à la fin de l’année, voire en 2017 ». Il a laissé entendre, devant les journalistes à Paris, que les autorités chinoises pourraient ainsi « enregistrer d’autres appellations, sans doute pas toutes, assez rapidement ».
François Pargny
Pour prolonger :
Vin / Bordeaux : Allan Sichel défend la stratégie du CIVB de sortie du « low cost »