Cet article a fait l’objet d’une Alerte diffusée aux abonnés de la Lettre confidentielle dès le 5 juin à 11H.
« Ce qu’ils peuvent faire, nous sommes capables de faire exactement la même chose ». Cet avertissement lancé le 1er juin par Jean-Claude Juncker, suite à l’annonce américaine d’imposer de nouvelles taxes sur l’acier et l’aluminium importés d’Europe, devrait se concrétiser d’ici à la fin du mois de juin et les importateurs de produits américains en Europe se préparent à l’échéance. Car outre le recours lancé à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dès le 1er juin et la préparation de mesures de sauvegarde de la sidérurgie européenne*, Bruxelles s’apprête aussi à mettre en œuvre une riposte tarifaire plus concrète sur une liste de produits américains importés. Objectif ? « Taper là ou ça fait mal mais en respectant les règles établies par l’organisation mondiale du commerce », résume un expert du dossier au sein de l’exécutif.
Un mot du calendrier. En guise de contre-attaque, l’UE a donc décidé d’imposer à son tour des droits de douanes supplémentaires sur une série de produits américains emblématiques. Elaborée depuis plusieurs semaines, la liste recensant ces articles a été soumise à l’OMC dès le 18 mai dernier. Les nouvelles taxes pourraient entrer en vigueur d’ici deux ou trois semaines « en tout cas avant le 20 juin », explique-t-on à la Commission européenne.
D’ici là les Etats membres devront donner leur accord. Une formalité qui devrait être assez rapide car la décision ne doit pas être prise au niveau politique mais par les experts de chaque Etat membre travaillant au sein des représentations permanentes.
Une liste à la Prévert de produits taxés de 10 à 50 %
Environ 300 produits ont été compilés sur la liste européenne déjà rebaptisée « la liste Bourbon » à Bruxelles, une liste à la Prévert mêlant produits de consommation et produits industriels **. Les taxes associées seront de 10, 25, 35 ou 50 %.
Le maïs doux, le beurre de cacahuète, le jus d’orange, le whisky bourbon, certains produits de beauté, les produits laminés plats en acier inoxydable, les portes, fenêtres en fer ou en acier, les voiliers et yachts – pour ne citer que quelques exemples – se verront imposer des droits de douane de 25 %.
Certains tissus et feutres seront taxés à 10% et certains pantalons, comme différents types de chaussure (semelle à caoutchouc par exemple) ou d’objets en porcelaine de Chine à 50 %.
Un calendrier de mise en œuvre échelonné
Le dispositif comporte plusieurs niveaux de déclenchement. « Tous ne seront pas taxés dans un premier temps », explique ainsi un responsable à la Commission. La liste est en effet divisée en deux annexes correspondant à un calendrier de mise en œuvre spécifique et échelonné :
-Les produits recensés dans l’annexe I, qui prévoit des taxes de 10 et 25%, pourront être imposés dès le 20 juin prochain, selon la décision des Etats membres.
-Ceux figurant dans l’annexe II, en revanche, devront attendre un avis favorable de l’OMC, sur l’illégalité des taxes américaines, avant d’être eux aussi taxés.
Mais si la procédure est trop longue, « les taxes fixées dans l’annexe II pourront être imposés dans trois ans », précise Daniel Rosario, porte-parole en charge des questions commerciales au sein de l’exécutif à Bruxelles. « Notre réponse doit être proportionnée à l’action américaine », ajoute-t-il.
(Mise à jour du 6 juin) A noter que les produits listés dans l’annexe I totalisent 2,8 milliards d’euros tandis que ceux listés dans l’annexe II représentent un montant de 3,6 milliards d’euros. Le total porte sur 6,4 milliards d’importations en provenance des Etats-Unis, soit le montant du préjudice causé par l’entrée en vigueur des taxes américaines…
Une réponse graduée pour éviter l’escalade
Dans un premier temps les droits ne pourront donc pas dépasser le seuil de 25 %, identique à celui fixé par les Américains sur l’acier importé d’Europe. Les taxes cumulées sur les produits Made in America n’iront pas non plus au delà de 2,8 milliards d’euros par an. Une réponse graduée et mesurée de la part des Européens, bien décidés à éviter l’escalade dans ce conflit commercial.
Car la crainte est évidemment de voir Donald Trump passer à la vitesse supérieure en imposant de nouvelles taxes sur d’autres produits comme par exemple sur les voitures importés d’Europe, qui visent en particulier l’industrie allemande. Un scénario particulièrement redouté à Berlin car le préjudice subi serait bien plus conséquent. « Il sonnerait le début d’une véritable guerre commerciale » estime-t-on à la Commission où l’on espère encore retrouver la voie d’une solution négociée.
En attendant, il n’est que temps de se plonger dans les listes européennes pour se préparer à l’échéance.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*UE / Commerce : les trois leviers de la riposte aux taxes américaines
** La liste est téléchargeable sur notre site : cliquez sur : UE / Commerce : la liste des produits américains touchés par les taxes européennes; elle est également consultable sur le site de l’Union européenne : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2018/may/tradoc_156909.pdf
Pour prolonger :
–UE / Commerce : la Commission adopte les « droits de rééquilibrage» sur les produits américains
–États-Unis / Commerce : les patrons français condamnent la décision américaine sur les tarifs de l’acier et l’aluminium
–Etats-Unis / Commerce : les Européens enclenchent la riposte aux tarifs sur l’acier et l’aluminium