Il n’a pas pu s’en empêcher. Donald Trump, qui multiplie les frasques à moins de trois semaines de son départ de la Maison Blanche, a sorti de son chapeau de nouvelles sanctions contre l’Union européenne, dans le cadre du contentieux entre Boeing et Airbus, vieux de 15 ans.
Le 30 décembre, le représentant au Commerce (USTR) a annoncé par voie de communiqué l’instauration de nouvelles sanctions contre l’UE d’une valeur de 1 milliards d’euros sous forme de droits de douane. Dans le viseur de l’USTR des produits allemands et français : des pièces détachées aéronautiques ainsi que des vins et spiritueux. Des produits dont les droits de douane augmenteront jusqu’à 25 %.
Un manque à gagner d’un milliard d’euros pour les vins et spiritueux français
« C’est un coup de massue qui frappe aujourd’hui les exportateurs français » a déclaré dans un communiqué César Giron, président de la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France (FEVS).
Alors que depuis octobre 2019 seuls les vins embouteillés et affichant un taux d’alcool inférieur à 14° étaient surtaxés, tous les vins tranquilles ainsi que les eaux de vie à base de vin, comme l’armagnac et le cognac, seront également frappés par des droits de douane de 25 %. Selon la FEVS, cette barrière tarifaire pourrait entraîner en 2021 un manque à gagner de 1 milliard d’euros pour les exportateurs français de vins et spiritueux.
Cette nouvelle salve de surtaxes, dégainée à la surprise générale par l’administration Trump juste avant le nouvel an, vient allonger les diverses mesures de rétorsion prises par les États-Unis et l’UE dans le cadre d’un litige qui les oppose depuis 2004. En cause : les subventions versées par certains pays européens à Airbus, considérées comme des distorsions de la concurrence par les Américains, ainsi que les crédits d’impôts versés par les autorités américaines à Boeing perçues comme du favoritisme par les Européens.
En 2019, l’OMC a donné raison aux deux parties en leur permettant à toutes deux d’imposer des sanctions. Ce dont elles ne se sont pas privées.
Les autorités européennes attendent l’arrivée de l’administration Joe Biden pour résoudre ce conflit
Le 19 octobre 2019, les États-Unis ont annoncé l’imposition de taxes sur 7,5 milliards de dollars (6,1 milliards d’euros) de biens et de services européens, soit la sanction la plus lourde jamais autorisée par l’OMC. Depuis certains produits font l’objet de taxes allant de 15 % à 25 %.
Réponse du berger à la bergère, le 9 novembre dernier avec l’instauration par l’UE de nouvelles surtaxes sur des produits américains importés pour un montant de 4 milliards d’euros suite au feu vert de l’OMC dans le cadre d’une autre procédure relative au contentieux aéronautique.
C’est justement en réponse à ces sanctions européennes que Washington a à nouveau dégainé l’arme tarifaire. Pour motiver ces nouvelles sanctions l’administration américaine argue ainsi que le mode de calcul des sanctions européennes repose sur les données de 2020, année forcément atypique qui a vu les échanges commerciaux fortement diminuer. L’UE aurait donc appliqué des surtaxes à beaucoup plus de produits que si le calcul avait été réalisé en se fondant sur une année plus représentative des échanges entre les deux blocs.
Particulièrement visés par ces nouveaux droits de douane, les produits français, en particulier les vins et spiritueux feront les frais de cette guerre commerciale. Dans un communiqué commun, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, Frank Riester, en charge du Commerce extérieur, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, et Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué aux Transports ont appelé au retrait de ces nouvelles sanctions. Qualifiée d’« inamicale » et « illégitime », cette décision américaine « vient rompre de manière unilatérale les discussions qui étaient en cours entre l’Union européenne et les Etats-Unis pour aboutir à une solution amiable à ce contentieux vieux de 15 ans » soulignent les quatre ministres.
Ces derniers prévoient par ailleurs d’« engager au plus vite les discussions avec la nouvelle administration américaine » pour trouver une issue à ce contentieux. L’annonce de l’USTR est en effet survenue à moins de trois semaines de l’investiture de Joe Biden, le 20 janvier, qui trouvera ainsi une nouvelle planche bien cirée par son prédécesseur à son arrivée à la Maison Blanche sur laquelle il devra éviter de glisser…
Sophie Creusillet