2015 devrait être une grande année pour le groupement d’intérêt économique (GIE) Haropa, constitué des ports du Havre, de Rouen et Paris. Une plateforme de collecte et de distribution de conteneurs, citernes et d’autres caisses mobiles sera, en effet, mise en place au Havre au pied du Pont de Normandie.
L’investissement global de 140 millions d’euros prévoit notamment une surface de 1 000 hectares de terrains et réserves foncières et de 2,7 millions de mètres carrés (m2) de locaux pour permettre aux logisticiens de s’implanter et aux entreprises exportatrices de disposer de bureaux, d’entrepôts et d’un outil logistique performant.
« D’ici la fin de l’année, nous pourrons annoncer les premières implantations et l’an prochain seront construits les premiers entrepôts », se félicitait ainsi Hervé Martel (notre photo), président d’Haropa et directeur général d’Haropa-Port du Havre, lors d’une rencontre avec la presse, le 30 septembre à Paris, sur le thème des « échanges internationaux ». « Au Havre, ce sont déjà 200 000 m2 qui font l’objet de protocoles de pré-réservation », a-t-il précisé.
Haropa a besoin de rééquilibrer son commerce extérieur, dominé par les importations (58 millions de tonnes en 2013), en regagnant à l’export (32,4 millions en 2013) des parts de marché sur les autres compétiteurs du « range » ou « rail nord européen », composé d’une dizaine de ports belges (Anvers, Gand…), néerlandais (Rotterdam, Amsterdam…), français (Dunkerque…) et allemands (Hambourg…).
Des atouts sur Anvers, principal concurrent
Bonne nouvelle, les exportations françaises devraient bénéficier de la baisse de l’euro sur le dollar (- 7 % depuis le début de l’année) et Haropa bénéficie de conditions nautiques plus avantageuses que son principal concurrent direct, Anvers. Le port extérieur du Havre, Port 2000, peut ainsi accueillir 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 les plus grands navires du monde (plus de 10 000 EVP/équivalents vingt pieds), ce qui n’est pas le cas du port belge.
« Sur son hinterland en France, Anvers a déjà perdu du trafic à notre profit », confiait à l’issue de la réunion à Paris Christophe Cheyroux, dirigeant de la société d’inspection et de tests qualité Far East Consult à Shanghai et représentant d’Haropa en Chine. Au total, le GIE dispose sur ses principales zones d’export, l’Asie (54 % de son activité conteneurs, dont 36 % sur la Chine) et l’Amérique (26 %) de dix représentants indépendants.
Autres atouts, selon Hervé Martel, « Le Havre est le premier port d’Europe du Nord touché à l’import et le dernier à l’export, les coûts de location d’entrepôts au Havre et à Rouen sont plus attractifs qu’à Anvers [NDLR, une cinquantaine d’euros le m2 par an contre 60 euros à Anvers] et les délais de transit sont plus compétitifs au départ du Havre » [NDLR, par exemple, 27 jours en direct à destination de Hong Kong contre 31 jours pour Anvers].
« Quand le réseau ferroviaire sera mis en état de fonctionner, l’on peut dire que le point faible d’Haropa sera supprimé », complète son président. La nouvelle plateforme du Havre comprendra ainsi une cour ferroviaire à huit voies, un quai fluvial de 400 mètres et un faisceau de réception des trains à huit voies qui permettra de fluidifier le passage des marchandises et de développer des trafics massifiés sur l’hinterland ouest-européen.
Des pôles d’excellence à l’export : boissons, bois, céréales, automobile…
Déjà premier port français en matière de commerce extérieur (30 % des importations et 31 % des exportations des grands ports français + Calais en 2013), Haropa envisage de concentrer ses efforts en matière d’exportations dans quelques secteurs. A fin août, son activité d’ensemble a baissé de 2 %, avec un trafic maritime de 59 millions de tonnes, dont 30,9 millions de vracs liquides et 17,7 millions de conteneurs.
« Pour les vins et spiritueux, nous sommes le premier port à l’export au monde, avec un milliard de bouteilles, à destination des États-Unis ou de Chine et Hong Kong, où nos exportations ont bondi de 200 % entre 2008 et 2013 », se réjouit Philippe Deiss, directeur général d’Haropa- Port de Rouen. Cette année, le laboratoire Licaal, spécialisé dans le conseil et l’analyse microbiologiques et physico-chimiques, s’est installé à la Porte Océane, au sein du Port du Havre, pour se renforcer à l’export. Le reefer (conteneurs pour des produits périssables devant être réfrigérés) « représente déjà 160 000 EVP, dont 60 % à l’export », explique Philippe Deiss. Principales destinations, l’Amérique du Nord et la Chine.
Le bois conteneurisé est une autre priorité. L’an dernier, quelque 750 000 tonnes de bois ont été manutentionnées dans les ports du Havre, de Rouen et de Paris, dont 435 000 conteneurisés et les deux tiers vers la Chine. Haropa est encore le premier port européen pour l’exportation de céréales, avec 7,43 millions de tonnes livrées en 2013 dans 48 pays : Algérie, Maroc, Arabie Saoudite, Cuba, Sénégal, etc. Et son poids en matière d’hydrocarbures et de pétrochimie, notamment avec la raffinerie d’ExxonMobil à Notre-Dame-de-Gravenchon, n’est pas négligeable, puisque ce sont 5,3 millions de tonnes de produits qui ont été exportées au total en 2013.
Enfin, 40 000 véhicules d’occasion doivent aussi être acheminés vers l’Afrique d’ici la fin de l’année. Et le GIE affiche de nouvelles ambitions en matière automobile, depuis l’implantation cette année en France d’European Roro Lines (ERL), un leader du trafic roulier en Afrique. En mars, ERL a installé sa filiale française dans le port du Havre et lancé l’exploitation d’un terminal fluvial de 4 650 m2 au port de Gennevilliers, dédié à l’acheminement des véhicules vers le quai de l’Europe au Havre.
François Pargny