Un déplacement officiel en Inde sous le signe de la diplomatie économique. La visite d’État de trois jours en Inde (24-26 janvier)du président de la République François Hollande, alors que la France était le pays invité d’honneur pour assister au célébrations du « Republic Day » le 26 janvier, aura été beaucoup plus fructueuse en termes commerciaux que sa précédente visite en 2012, effectuée au début du quinquennat. Une myriade de contrats commerciaux et d’accords dans des secteurs aussi variés que la défense, l’énergie solaire, le nucléaire civil, l’eau, les transports… ont été signés, le 25 janvier, à New Delhi.
Rafale : 4 semaines pour conclure au plan commercial et financier
Une étape décisive a notamment été franchie dans le dossier du Rafale avec la signature d’un accord intergouvernemental (document de 150 pages) entre les autorités françaises et indiennes pour l’acquisition de 36 Rafale par l’armée indienne. Un Memorandum of Understanding (MoU) constatant l’accord a ainsi été signé, le 25 janvier, entre Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense et son homologue indien Manohar Parrikar, mettant fin à plusieurs mois de suspens depuis que le Premier ministre indien Narendra Modi, alors en déplacement en France, les 10 et 11 avril 2015 (voir notre article), avait annoncé son d’intention d’acquérir 36 avions de combats manufacturés par Dassault.
« Le contrat lui-même ne peut venir qu’après l’accord intergouvernemental, c’est l’accord intergouvernemental, c’était la volonté de nos amis indiens, qui permettra l’accord commercial. Donc l’accord intergouvernemental va être discuté ici, lors de ce voyage », a déclaré François Hollande à la presse au premier jour de son arrivée en Inde. Si cet accord donne ainsi le coup d’envoi aux négociations commerciales et financières finales, pas question de parler de « contrat commercial », pas plus que de divulguer le montant ou les dates de livraison, qui n’ont pas encore été fixés.
L’accord intergouvernemental vise à préparer la conclusion du contrat pour la vente des 36 Rafale.
Dassault Aviation espère pour sa part finaliser la vente dans un mois. Dans la foulée de l’annonce de l’accord intergouvernemental, l’avionneur français s’est fendu d’un communiqué dans lequel il « se félicite de l’avancement de ce dossier et soutient activement les autorités françaises pour finaliser un accord complet sous quatre semaines ».
Nouvel élan au commerce extérieur et aux investissements français
Mais outre la relance du contrat des 36 Rafales, le voyage officiel du chef de l’État en Inde aura été l’occasion pour la France de donner un nouvel élan à son commerce extérieur dans un pays où ses exportations sont tombées sous la barre des 3 milliards d’euros en 2014 (2,7 milliards d’euros en 2014 et 2013, contre 3,2 milliards en 2012). La tendance 2015 est, à cet égard, plutôt positive à l’export, sans doute portée par une croissance indienne dynamique, supérieure à 7 % par an actuellement : sur onze mois (janvier – novembre), l’Inde est passé de la 30ème à la 29ème place dans les pays clients de la France. Ses exportations, en hausse de 20,8 % sur onze mois, ont atteint 2,924 milliards d’euros, proches de la barre des 3 milliards.
Les cinq premiers postes, composés d’équipements et produits industriels, sont tous en progression sur les onze premiers mois de 2015 : la navigation aérienne ou spatial (17,7 % des ventes) affiche + 12,8 %, les composants et matériels électroniques (16,8 %) réalisent + 40,9 %; les machines et chaudières (14,3 % du total) font + 9,3 %; les matériel de mesure et d’optique progressent de 94 %; et enfin les produits chimiques et organiques (5 % des exportations) augmentent de 12,8 %.
Les achats français à l’Inde, 17ème fournisseur de l’Hexagone en 2015 (sur les 11 premiers mois de 2015) sont également dynamiques : ils sont sur un rythme de progression de 5 % sur 2015 (après + 17,4 % en 2014, à 5,2 milliards d’euros) et leur total cumulé a franchi les 5 milliards d’euros à fin novembre 2015. Les principaux postes d’achat de la France sont constitués des « combustibles minéraux, huiles, matières bitumineuses » (17 %) et des produits du textile-habillement (environ 18 %).
Des contrats dans le nucléaire civil et le transport ferroviaire…
À son atterrissage en Inde, François Hollande a posé le pied à Chandigarh (au nord du pays), ville sélectionnée pour faire partie du grand programme, sur 5 ans, lancé par le Premier ministre indien, pour la construction de 100 villes intelligentes en lien avec les autorités locales. Dans le cadre de ce vaste projet, « la France sera présente avec l’Agence française de développement (AFD) », a précisé le président français le 24 janvier,lors du forum d’affaires franco-indien « CEO Forum » qui s’est tenu à Chandigarh, et auquel ont participé les entreprises françaises et indiennes. « J’ai fixé un objectif, un milliard de dollars par an d’investissements supplémentaires en Inde venant d’entreprises françaises. Et nous pouvons même aller plus vite, 8 milliards au cours des 3 prochaines années » a-t-il insisté. Hormis l’accord sur le Rafale d’autres accords ont ainsi été conclus dans de multiples secteurs, allant de l’agro-industrie jusqu’au spatial.
EDF devrait bientôt signer un contrat pour l’acquisition de 6 EPR par l’Inde sur le site de Jaïtapur (dans l’État du Maharashtra). À cet effet, un MoU fixant le cadre des négociations industrielles en vue de la signature du contrat a été paraphé, côté français, par Jean-Christophe Philbe, président d’EDF Asia, et pour l’Inde par Kailash Chandra Purohit, P-dg de NPCIL (Nuclear Power Corporation of India).
Alstom et Indian Railways (ministère des Chemins de fer indien) ont signé une joint-venture pour mener à bien leur projet de production de locomotives électriques destinées au marché. Le constructeur français avait en effet signé le 30 novembre 2015 un contrat avec Indian Railways pour la production de 800 locomotives électriques sur une période de 11 ans, associé à un contrat de maintenance. Le montant total du contrat est supérieur à trois milliards d’euros. La livraison des locomotives s’étalera entre 2018 et 2028. Le projet comprend l’implantation d’une usine à Madhepura (État du Bihar) et de deux dépôts de maintenance à Saharanpur (État de l’Uttar Pradesh) et Nagpur (État du Maharashtra). Ce projet, l’une des concrétisations les plus importantes de la politique « Make in India » du gouvernement, contribuera à accélérer le développement de l’infrastructure ferroviaire du pays.
Une feuille de route a également été signée par Guillaume Pepy, président de la SNCF et Indian Railways sur le lancement de l’étude de faisabilité du projet de rénovation des gares de Ludhiana, au nord-ouest du pays (État du Pendjab) et d’Ambala, municipalité du nord de l’Inde (État de Haryana) dans le cadre du protocole d’accord signé en avril 2015.
Des contrats dans les énergies renouvelables et l’eau…
Engie (anciennement GDF Suez), présent en Inde à travers sa filiale Solairedirect, consolide sa position d’acteur majeur du marché indien de l’énergie solaire. L’énergéticien français a remporté via Solairedirect, 140 mégawatts de projets solaires en Inde, soit un tiers de l’appel d’offres de la National Solar Mission « grâce à une offre très compétitive à 4,35 roupies/kWh (environ 64 USD/MWh), inférieure de plus de 40 % à la première offre réalisée en Inde il y a 4 ans », précise Engie dans un communiqué publié le 25 janvier. Ces projets portent sur deux parcs de 70 mégawatts chacun dans l’État du Rajasthan. « Cette stratégie, indique le communiqué, s’inscrit dans le cadre de l’objectif de 100 gigawatts de capacité en énergie solaire d’ici 2022 fixé par le gouvernement indien, un objectif qui reflète la volonté du gouvernement indien d’accélérer sa transition énergétique avec une montée en puissance de ses capacités en énergie solaire ».
EDF Energies Nouvelles (EDF EN) pour sa part poursuit son développement en Inde, où le groupe est déjà présent dans le solaire photovoltaïque, en prenant position dans l’éolien terrestre avec l’acquisition de 50 % des parts de SITAC Wind Management and Development, société indienne dédiée à l’éolien. D’ici la fin de l’année, la société commune prévoit d’installer 142 mégawatts de puissance. Cette société commune devient la filiale dédiée à l’activité éolienne en Inde d’EDF EN. Le partenariat entre SITAC et EDF EN vise à couvrir l’ensemble des métiers de l’éolien : le développement, la construction, le financement et l’exploitation-maintenance de parcs en Inde. Quatre projets pour un total de 142 mégawatts de capacité installée seront réalisés en 2016.
Dans le secteur de l’eau et de l’assainissement Suez a remporté trois nouveaux contrats d’une valeur globale de 47 millions d’euros avec le conseil d’administration de Bangalore en charge de l’eau et de l’assainissement Bangalore Water & Sewerage Board (BWSSB). Elle a également remporté trois contrats de conception, construction et exploitation de 150 unités compactes de production d’eau potable dans l’État du Rajasthan auprès du département de la santé publique et de l’ingénierie (Public Health Engineering Department), du gouvernement du Rajasthan, pour un montant de 20 millions d’euros, dans trois régions de l’État : Bikaner, Hanumangarh et Sriganganagar. Ces contrats s’inscrivent dans l’ambitieux plan d’approvisionnement en eau en milieu rural mis en place par le gouvernement du Rajasthan. Les 150 unités seront construites sur une période de deux ans et exploitées pendant cinq ans par Suez. La capacité de production de ces unités sera comprise entre 500 et 3 000 m³ par jour.
Le montant total de ces six contrats municipaux remportés par le groupe français en Inde s’élève à 67 millions d’euros.
Des accords dans la coopération spatiale et dans l’agro-industrie
Dans la coopération spatiale, un accord pour le développement d’un troisième satellite conjoint d’observation climatique a été signé entre Jean-Yves Legal, président du Cnes (Centre national d’études spatiales) et son homologue indien Aluru Seelin Kiran Kumar, président de l’ISRO (Indian Space Research Organisation). Un second accord pour l’embarquement de l’instrument Argos 4 du Cnes, dédié à la surveillance de l’environnement sur le satellite indien Oceansat 3, a également été signé. Toujours dans le domaine spatial, une lettre d’intention pour une participation française aux prochaines missions indiennes d’exploration spatiale (Mars) a été signée entre les deux dirigeants.
Enfin, un accord entre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et la Food Safety and Standard Authority of India (FSSAI) a été conclu dans le domaine des méthodologies d’analyse des risques alimentaires et des études d’alimentation totale. Cet accord, signé par Gérard Lasfargues, directeur général adjoint de l’ANSES, et côté indien par Ashish Bahuguna, Chairman de la FSSAI, a pour objectif d’améliorer l’accès de la France au marché agroalimentaire indien.
Venice Affre
Pour prolonger :
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