Avant même la présentation des chiffres du commerce extérieur 2016, le 7 février au Quai d’Orsay, par Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce extérieur*, il suffisait de consulter rapidement le tableau de synthèse des exportations par produits préparé par Bercy pour comprendre que le bilan de l’année passée est mauvais.
Certes, comme l’a indiqué Matthias Fekl, avec une part de marché de 3,1 % dans les biens et 3,5 % dans les services, « la France demeure le sixième exportateur mondial ». Pour autant, tous les grands postes d’exportation ont enregistré une baisse, à une exception près, le matériel de transport, qui a gagné 2,9 % par rapport à 2015. Sur un montant global d’exportations françaises de 443,24 milliards d’euros (Mds EUR) en 2016, hors matériel militaire, ce secteur a généré 106,5 Mds EUR, soit une part relative de 24 %, la mécanique n’arrivant qu’en deuxième place qu’avec 85,1 milliards d’euros.
Aéronautique : stagnation des exportations
Toutefois, à y regarder de plus près, même dans le matériel de transport, la situation n’est pas bonne. En 2015, en effet, la hausse en pourcentage avait été près de quatre fois plus importante par rapport à 2016, de 10,5 % exactement.
En cause, l’automobile, dont les exportations, après avoir bondi de 8,6 % en 2015, n’ont progressé que de 3,9 % l’an dernier. Et plus encore l’aéronautique, en quasi stagnation, après un envol de 11,3 % en 2015. A noter que dans ce secteur d’excellence de l’Hexagone, les livraisons en Europe (+ 2,4 Mds à 26,5 Mds EUR) ont compensé la décélération enregistrée en Chine (- 1,7 Md à 4,8 Mds), aux États-Unis (- 1 Md à 7,7 Mds EUR), à Sri Lanka (- 1 Md à 4 Mds), en Corée du Sud (- 1 Md à 0,1 Md) et au Qatar (- 0,8 Md à 1,2 Md).
Conjuguée à la hausse des importations aéronautiques (+ 10,7 % à 39,48 Mds EUR), la stagnation des exportations (58,08 Mds au total) a conduit à un recul de 17 % de l’excédent commercial, à 18,6 Mds. Matthias Fekl a cependant tenu à se montrer confiant sur le moyen terme, estimant que cette diminution du solde positif était surtout d’ordre conjoncturel. Le premier domaine d’activité de la France à l’export (13 % du total hors matériel militaire) aurait pâti de perturbations sur les chaînes de production d’Airbus, ayant entraîné des retards dans les contrats.
Dans l’automobile, la hausse des importations (+ 10,1 % à 53,9 à 18,6 Mds), notamment d’Allemagne, a dépassé celle des exportations, si bien que son déficit s’est envolé de 51 % pour atteindre -9,7 Mds EUR. Une tendance persistante qui inquiète Matthias Fekl, d’autant qu’elle s’accompagne d’une dégradation de l’excédent des équipements automobiles, tombé en un an de 1,3 Md à 0,5 Md EUR. Le secrétaire d’État a pointé du doigt les délocalisations à l’est et au sud de l’Europe, dans le sillage des constructeurs eux-mêmes.
Agroalimentaire : baisse des ventes à l’étranger
Le secrétaire d’État a également cité l’agroalimentaire (produits agricoles et industries agroalimentaires), car le traditionnel excédent commercial s’y est contracté de 35 % passant à + 5,9 Mds EUR, du fait principalement d’une diminution des exportations agricoles de 8,9 % à 14,3 Mds EUR qui a pesé sur l’ensemble (+58,8 Mds EUR d’exportations au total, en recul de -2,3 %). Les facteurs conjoncturels – sécheresse, baisse des cours des matières premières -ne sont pas étrangers à cette mauvaise performance, a-t-il relevé : les ventes de produits agricoles, en particulier d’orge à la Chine et de blé à l’Algérie et aux Pays-Bas, ont ainsi chuté au total de 8,9 % (après + 6,6 % un auparavant).
Les produits transformés n’ont pas été épargnés, avec une hausse des importations à comparer avec une stagnation des exportations. Les industries agroalimentaires ont notamment perdu du terrain en Arabie saoudite et au Royaume-Uni. La tendance est similaire pour les boissons, sauf que l’excédent s’est bonifié de 0,2 % à 11,4 Mds EUR, en raison du poids considérable des exportations (14,8 Mds) par rapport aux importations (3,4 Mds).
Au titre des surprises désagréables, il convient d’ajouter la dégradation générale des échanges dans la chimie, plus accentuée pour les exportations que pour les importations, si bien que le solde positif était en retrait de 0,2 Md à + 1,5 Md en 2016.
Bonnes surprises dans le naval et le militaire
Matthias Fekl a pu, en revanche, insisté sur plusieurs motifs de satisfaction. D’abord, l’activité navale, avec un quasi doublement des exportations à 2,5 Mds EUR, grâce notamment au contrat des chantiers de Saint-Nazaire, portant sur la construction pour d’1,1 Md EUR du plus grand paquebot du monde, le Harmony of the Seas, pour le croisiériste américano-norvégien Royal Caribbean.
Le secrétaire d’État a aussi salué le « record » atteint dans le matériel militaire en 2016, avec un montant d’exportations total de 6,4 Mds EUR (+ 18 %), grâce, notamment, à la fourniture à l’Égypte d’avions Rafale et de deux navires Mistral. Autre réussite, le matériel ferroviaire roulant, une activité tirée en 2016 par la ligne à grande vitesse au Maroc. Enfin, le transfert d’œuvres d’art à la Suisse a soutenu ce secteur et les exportations dans le luxe (45,3 18,6Mds EUR) ont progressé de 5 %.
À côté des biens, Matthias Fekl a aussi voulu rappeler l’importance des services. Le secrétaire d’État a regretté que « l’excédent massif depuis de longues années » se soit contracté comme une peau de chagrin : + 0,4 Md l’an dernier après + 8,8 – + 8,8 Mds EUR en 2015. Un recul impressionnant qui s’explique, selon lui, par l’évolution négative du tourisme – qui représente 7 à 8 % de la richesse nationale et deux millions d’emplois – consécutive aux attentats terroristes, à la forte saison des pluies et aux mouvements sociaux. Le secrétaire d’État a aussi cité comme facteurs défavorables dans les services « l’externalisation de fonctions support vers les pays émergents » et la diminution de la balance des transports maritimes en relation avec la baisse du commerce mondial.
François Pargny
*Commerce extérieur / France : contre-performance confirmée pour l’export tricolore en 2016