Le centre de conférences de Bercy a fait salle comble le 22 octobre, pour l’ouverture de la première édition d’Ambition Africa, événement dédié aux partenariats entre entreprises françaises et africaines organisé par Business France à l’initiative des ministères français de l’Europe et des affaires étrangères et de l’Économie et des finances. Quelque 800 participants étaient annoncés sur les deux jours que devait durer ce séminaire d’affaires (22-23 octobre), dont les représentants de 320 entreprises africaines en provenance de 12 pays et de 250 entreprises françaises. Conférences, ateliers et rendez-vous d’affaires préprogrammés étaient au menu de cette manifestation présentée par l’organisateur comme le nouvel « événement business de référence entre la France et l’Afrique ».
Objectif : dans le droit fil du discours du président Emmanuel Macron devant des étudiants africains à Ouagadougou, le 29 novembre 2017, il s’agit de favoriser concrètement les partenariats et les courants d’affaires entre les entreprises des deux bords au moment où la France réaffirme sa volonté de participer au développement du continent africain et de sa jeunesse.
D’où la présence dans les tables-rondes qui se sont succédé au cours de la matinée, aux côtés de nombreux acteurs privés africains et français, des représentants des principaux opérateurs publics de la diplomatie économique française, dont, outre Business France pour l’accompagnement commercial des entreprises, Bpifrance pour les financements export et l’Agence française de développement (AFD) pour l’aide publique au développement et sa filiale Proparco pour le financement du secteur privé en Afrique.
«Un tiers des entreprises exportatrices sont présentes en Afrique, il faut qu’on convainc les deux autres tiers »
Le chemin à parcourir est important car malgré les efforts de mobilisation des pouvoirs publics, la France continue à perdre des parts de marché face aux nouveaux compétiteurs que sont les entreprises chinoises, turques ou européennes. « La France a beaucoup reculé sur le continent africain », a résumé Mossadeck Bally, P-dg du groupe hôtelier Azalaï, qui fait remonter le début du désengagement des entreprises françaises à la dévaluation du F CFA de 1974. « Il y a un problème de perception du risque que les Français doivent corriger ».
Une réalité que n’ont pas niée les représentants du gouvernement français, désireux d’amplifier la mobilisation des milieux d’affaires français vers l’Afrique. «Un tiers des entreprises exportatrices sont présentes en Afrique, il faut qu’on convainc les deux autres tiers » a indiqué Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, en ouverture. Seulement 5,5 % des exportations françaises se dirigent vers l’Afrique, et 2,5 % seulement vers l’Afrique subsaharienne. La rencontre du président de la République avec les étudiants africains à Ouagadougou a été « un moment fondateur », a encore rappelé le secrétaire d’État, « le président Macron croit fortement dans les partenariats et les jeunesses respectives des deux continents ».
Agnès Pannier-Runacher, nouvelle secrétaire d’État auprès du ministre français de l’Économie et des finances, a rappelé pour sa part que la France est active sur des problématiques d’avenir pour l’Afrique, et pour lesquels les entreprises françaises ont des atouts en terme d’expertise et de savoir-faire : 1 milliard d’euros sera ainsi investi dans les start-up africaines ces prochaines années, via différents fonds d’investissement, et le prochain Sommet Afrique France sera consacré au thème de la Ville durable.
Les opérateurs publics « sont en ordre de bataille »
Les opérateurs publics, pour leur part, « sont en ordre de bataille » pour reprendre l’expression de Christophe Lecourtier, directeur général de Business France. Cette dernière agence, organisatrice de l’événement, déploie ses activités dans deux directions : accompagner les entreprises françaises dans leur prospection commerciale via de la mise en contact avec des interlocuteurs qualifiés et des missions ciblées, mais aussi attirer des entreprises et start-up africaines en France. « L’ambition est de monter en puissance » sur le continent, et, « en coordination avec les autres acteurs », d’y « embarquer » davantage d’entreprises françaises et de les mettre en contact « au bon moment avec le bon interlocuteur », a-t-il indiqué.
La coopération de Business France est d’ailleurs grandissante avec un autre pilier de la diplomatie économique française, l’AFD, dont le directeur général Rémy Rioux était également présent sur le panel d’ouverture d’Ambition Africa, pour expliquer la nouvelle stratégie de l’agence « tout Afrique ». Cette stratégie consiste à regarder l’Afrique d’un seul tenant en laissant de côté les vieilles séparations entre l’Afrique du nord et l’Afrique subsaharienne. « Prenons la mesure des enjeux, l’Afrique, c’est déjà l’Inde », a expliqué le directeur général de l’AFD.
Dans le droit fil de la stratégie élyséenne, orientée sur les Objectifs du développement durables (ODD) et les investissements solidaires pour le développement – nouveau terme qui désigne les cofinancements public-privé- l’AFD est en train de doubler de taille (ses engagements vont atteindre 14 milliards d’euros d’ici 2020, contre 8 milliards en 2014) et multiplie les partenariats pour augmenter l’effet de levier de ses instruments, y compris avec le secteur privé.
Dernier en date : le conseil d’administration du Fonds Vert a adopté le 21 octobre un gros projet dont elle est opérateur est qui consistera à mettre en place une enveloppe de financement globale de 750 millions de dollars à disposition de 40 banques et institutions financières africaines pour financer des projets en lien avec la lutte contre le changement climatique. Avec la Caisse des dépôts et consignation (CDC), dont elle s’est rapprochée fin 2016, elle a aussi monté un fonds d’investissement de 600 millions d’euros pour les infrastructures : « 10 projets sont en cours d’instruction », a précisé Rémy Rioux.
Convention de partenariat entre Business France et l’AFD
Sa filiale Proparco, dédiée au financement du secteur privé en Afrique, participe par ailleurs au Fonds franco-africain de capital-investissement de 77 millions d’euros monté par Bpifrance avec d’autres investisseurs et qui vise à investir dans des PME africaines et françaises. Bpifrance, de son côté, devient le bras financier du commerce extérieur et permet notamment à des entreprises africaines d’acquérir des équipements et des expertises françaises via des crédits export.
Pour la diplomatie économique française, l’AFD, qui possède un réseau d’implantation inégalé en Afrique, et Business France, experte en accompagnement commerciale des entreprises et chargée dans ce cadre de guider les entreprises françaises vers les opportunités de marchés, travaille désormais davantage en coordination : « nous avons reçu 1 500 entreprises qualifiées grâce à Business France depuis trois ans », a précisé Rémy Rioux. A l’issue du panel d’ouverture, Rémy Rioux et Christophe Lecourtier ont signé une convention de partenariat qui renouvèle leur coopération dans ce domaine en Afrique et dans d’autres régions du monde.
Le message adressé aux entreprises était donc clair : les opérateurs publics sont fin prêts à les accompagner en Afrique.
Christine Gilguy
Pour prolonger :
Lire également dans la Lettre confidentielle du Moci du 25 octobre :
–Spécial Ambition Africa : organiser la mobilité dans les villes ne peut pas attendre;
–Spécial Ambition Africa : l’économie informelle, une cible et un enjeu de développement