« Deux mois c’est court, il n’y a pas de temps à perdre », « il faut maintenant sortir du déni » : Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat à l’Economie et aux finances n’y est pas allée par quatre chemins pour passer faire passer le message aux entreprises, particulièrement les PME et les TPE, de l’urgence à se préparer sans tarder à une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) sans accord, le redouté « Brexit dur ».
Intervenant devant la presse à l’issue d’une nouvelle réunion avec les représentants des fédérations professionnelles, le 25 janvier au ministère de l’Economie et des finances, avec sa collègue Nathalie Loiseau, ministre en charge des Affaires européennes (notre photo), Agnès Pannier-Runacher n’a pas caché son inquiétude face à l’impréparation d’un grand nombre d’entreprises, qui semblent encore miser sur un accord de dernière minute.
Or, après le rejet par le Parlement britannique du projet d’accord intervenu le 15 janvier, il ne reste plus que deux mois avant l’échéance du 29 mars, minuit : d’ici là, les entreprises doivent identifier les éventuels points de friction qu’elles ont avec le Royaume-Uni (importation et/ou exportation de biens et services, ressources humaines, aspects financiers, etc.), et pour chacun, anticiper les adaptations juridique, administratives ou réglementaires à apporter.
A. Pannier-Runacher : « c’est risqué !»
« Or, ce n’est pas encore le cas et c’est risqué !». Après une vingtaine de réunions organisées par l’Etat pour sensibiliser les entreprises dans les Régions, les PME n’ont pas encore intégré, dans leur grande majorité, le risque d’un « Brexit dur ». « Nous allons relancer une trentaine de réunions en Région » a encore annoncé Agnès Pannier-Runacher, enjoignant les dirigeants d’entreprises à ne pas hésiter à solliciter leurs fédérations, leurs chambres de commerce et d’industrie et les services de l’Etat .
N. Loiseau : « On ne renégociera pas l’accord de retrait »
Nathalie Loiseau, qui suit les négociations entre Londres et Bruxelles pour le gouvernement, a abondé dans ce sens : « il ne reste que 63 jours d’ici au Brexit… préparez-vous aux différents scénarios : soit un accord qui organise une transition jusqu’à 2020, soit pas d’accord » a-t-elle prévenu. « On ne renégociera pas l’accord de retrait » telle qu’il a été déjà négocié par la Commission européenne, a-t-elle insisté.
Seule hypothèse supplémentaire sur la table, selon la ministre : celle d’un report de la date butoir du 29 mars pour permettre au gouvernement britannique de rediscuter éventuellement le texte sur les relations futures entre le Royaume-Uni et l’UE. Mais « à ce jour, le gouvernement britannique ne nous (ndlr : l’Union européenne) a pas sollicité pour une demande de report de la date du 29 mars ». Quand à l’hypothèse d’un nouveau référendum, « c’est aux Britanniques d’en décider ».
Les deux ministres en ont profité pour faire un point sur l’état d’avancement des préparatifs côté français, concernant les pouvoirs publics, au niveau de l’Etat, mais aussi des Régions, notamment celles qui, comme les Hauts de France ou la Normandie, seront des points de passage aux frontières avec le Royaume Uni.
Lancement des travaux
La première des cinq ordonnances annoncées par le Premier ministre Edouard Philippe le 17 janvier dernier, dans le cadre du plan d’action gouvernemental, a été adoptée en conseil des ministres le 13 janvier dernier* : elle autorise le démarrage des travaux visant à mettre en place les différents dispositifs de contrôles nécessaire à partir du 30 mars (douaniers, sanitaires, phytosanitaires, police des frontières).
Le gouvernement a prévu d’engager 50 millions d’euros pour aider les opérateurs et les collectivités locales à faire ces travaux d’urgence. Quelque 580 agents supplémentaires seront affectés à ces nouvelles tâches, notamment dans les Régions les plus concernés, tandis que les gestionnaires des infrastructures concernées ont été invités à engager les travaux d’urgence sans tarder.
« Les autres ordonnances suivront dans les prochaines semaines » a rappelé Nathalie Loiseau. Visant à assurer la continuité de certaines activités et services essentiels en attendant un nouveau cadre juridique et réglementaire définitif, elles traiteront les questions relatives au droits des citoyens français et britanniques (reconnaissance des diplômes et agréments professionnels déjà acquis) , les entreprises de transports, les exportations de matériels de défense (continuité des licences d’exportation existant), certaines activités financières (en particulier les assurances).
L’Union européenne, de son côté, a adopté 16 textes dans le cadre d’un plan d’urgence en cas de Brexit sans accord, dans ses domaines de compétence, qui vise à assurer une continuité dans un certain nombre de domaines tels que les visas ou les transports aériens. Un dispositif spécifique au secteur de la pêche est encore en cours d’élaboration.
En attendant, au plan pratique, de nombreux points d’informations ont été mis en place au niveau national et en région par les pouvoirs publics et les organismes professionnels et consulaires pour informer les entreprises sur la marche à suivre et les accompagner dans leur démarche.
Pour ce qui concerne l’Etat, le gouvernement a rendu public, le 25 janvier, un nouveau support de sensibilisation, intitulé « Se préparer à une sortie sans accord du Royaume-Uni de l’Union européenne », qui rappelle la marche à suivre. Rappelons qu’un portail existe, www.brexit.gouv.fr, et que trois adresses de messagerie (Economie et finances, Douane et Agriculture) répondent aux questions des entreprises : [email protected]; [email protected]; [email protected].
A 63 jours d’un Brexit qui a de plus en plus de probabilité d’être « dur », sans transition, il n’est que temps de s’y mettre !
Christine Gilguy
**https://www.entreprises.gouv.fr/politique-et-enjeux/brexit