Lors de la présentation, le 5 octobre par le Medef, du Mittelstandlab (*), nouveau laboratoire d’échanges franco-allemand, les forces mais aussi, de façon moins habituelle, les faiblesses du Mittelstand outre-Rhin, ont été mises en exergue. Côté forces, Pierre Gattaz (notre photo), qui préside le Mouvement des entreprises de France (Medef), a souligné le poids considérable en Allemagne du tissu des entreprises familiales « ancrées dans leur territoire » (45 % du produit intérieur brut, 70 % de l’emploi…).
Pour sa part, Guy Maugis, conseiller du directoire de Robert Bosch Gmbh et président de la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie, a mis en avant les atouts des entreprises à taille intermédiaire (ETI) : connaissance et confiance avec les banques locales dans un État décentralisé, maîtrise des langues étrangères, capacité à travailler en réseau, avec, notamment, un recours des grandes entreprises au savoir-faire des plus petites. Bernard Hodac, P-dg d’Osmos (instrumentation, surveillance, optimisation de la maintenance d’ouvrage), a encore pointé « le culte de la propriété intellectuelle et la capacité des tribunaux à y défendre le droit des brevets ».
P. Pélissier : « il y a une mutation culturelle »
Pour autant, le Mittelstand semble porter en lui des faiblesses souvent occultées. « D’abord, expliquait au Medef le Français Patrice Pélissier, président du directoire de l’entreprise allemande MEA (produits de construction, drainage…) près de Munich, qui va participer au Mittelstandlab, comme partout, il y a une mutation culturelle, qui se traduit par le fait que ce n’est pas simple de convaincre les nouvelles générations de reprendre l’entreprise familiale parfois située dans une petite collectivité territoriale. Ensuite, l’environnement fiscal n’est pas si favorable en matière de transmission d’entreprises. Une première loi pour favoriser la transmission du patrimoine familial a été retoquée par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe » et Patrice Pélissier se déclarait « persuadé que la nouvelle loi le sera aussi, car les juges ne font pas aucune différence entre les types de sociétés ».
Selon lui, en raison de l’incertitude qui en découle, « certaines entreprises changent très vite de propriétaires de peur de ce qui peut leur arriver ». Et, de fait, depuis plusieurs années, il y a un retournement des flux d’achats d’entreprises des deux côtés du Rhin. A l’instar de LVMH, qui vient d’acquérir le fabricant allemand de valises légères à roulettes Rimowa, les entreprises françaises achètent aujourd’hui plus de sociétés allemandes que le contraire. Par ailleurs, si les compagnies chinoises font leurs emplettes dans l’Hexagone, elles mettent aussi la main sur des pépites en Allemagne, comme le groupe Midea sur Kuka, pionnier allemand en robotique et technologie d’automatisation.
G. Maugis : « dans 15 ans, 6,5 millions de travailleurs de moins en Allemagne »
Enfin, rapportait Patrice Pélissier, si les ETI allemandes sont « largement exportatrices », « de façon discrète, elles ont délocalisé en Pologne, en République tchèque ou en Slovaquie une partie de leur valeur ajoutée non stratégique, à savoir les tâches d’exécution, conservant l’assemblage final et la recherche et développement ». A cet égard, l’entreprise qu’il dirige, MEA, serait un exemple caricatural » puisque « 70 % de la valeur ajoutée sont réalisés en Europe centrale, la R & D, le commercial et le marketing étant conservés en Allemagne ».
Plus encore, la différence de coût n’expliquerait pas à elle seule les délocalisations. « Il y a aussi le manque d’accès à la main d’œuvre. Même si l’Allemagne est en avance sur la France, assurait Patrice Pélissier, l’apprentissage est en net recul et, dans les grands länder, on ne trouve plus les apprentis dont on a besoin ». Résultat : « dans 15 ans, il y aura 6,5 millions de travailleurs de moins en Allemagne, soit 20 % de moins entre 2015 et 2030 », rapportait Guy Maugis.
Autre témoignage intéressant, celui de Frédéric Croirier, président du directoire des Cheminées Poujoulat, leader européen de l’évacuation de fumées, qui affirmait, en évoquant les hausses salariales importantes en Allemagne ces dernières années, que « ce n’est pas simple avec IG Metal ». Et ce, même s’il « préfère ce syndicat à la CGT ».
François Pargny
(*) Lire l’article de la Lettre confidentielle du 6 octobre : « Allemagne-France / Mittelstand : le Medef installe un laboratoire d’échanges pour ETI »
Pour prolonger :
– Jean-Yves Gilet : le FSI « compatible avec le Mittelstand »
– France / Allemagne : les patrons français veulent plus de convergence avec leurs homologues allemands
– Guide business Allemagne 2015