« On a besoin d’une agriculture de proximité afin de subvenir aux besoins de la population, mais pour être forte, une agriculture doit exporter », a déclaré Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, dans son discours d’ouverture de la présentation du plan de relance export pour la filière agroalimentaire, jeudi 22 octobre, dans les locaux parisiens de Business France.
Cet événement (notre photo), qui devait avoir initialement lieu sur le Salon international de l’agriculture (SIAL), annulé pour cause de regain de la pandémie Covid-19, a été l’occasion de lancer la traditionnelle étude annuelle de Business France « Où exporter en 2021 ? », le livre blanc pour la filière, ainsi que les mesures spécifiques pour relancer l’effort de conquête export à la filière.
Les enjeux pour une filière clé
Produits agricoles ou agroalimentaire, bien d’équipements, machines agricoles, vins et spiritueux… Ce vaste secteur, dans laquelle la France excelle, est un poids lourd du commerce extérieur puisqu’à eux seuls les produits alimentaires représentent 65 Mds d’euros, soit 13 % du total de nos exportations, avec une progression de 45 % sur les dix dernières années.
La France est le 8ème exportateur de produits agricoles, le 4ème de produits de l’industrie agroalimentaire et le 6ème de produits alimentaires. Les exportations françaises de produits agroalimentaires ont néanmoins reculé de 4 % en glissement annuel au cours du premier semestre 2020.
Même si les différentes filières n’ont pas été toutes impactées de la même façon par la crise sanitaire, cette dernière constitue un bouleversement sans précédent du commerce agroalimentaire mondial. Besoin de sécuriser ses approvisionnements, recherche de fournisseurs plus proches ou volonté de relancer des productions nationales, cette crise qui sévit encore rebat les cartes.
Une boussole pour les acteurs français du secteur
Dans ce contexte, le livre blanc publié par Business France en partenariat avec le ministère de l’Agriculture, constitue un outil précieux pour les entreprises désireuses de réorienter leur stratégie export ou d’en initier une.
Divisé en trois partie (un état des lieux des échanges mondiaux, un passage en revue des secteurs et une analyse de chaque marché géographique), il propose un panorama complet des opportunités pour les acteurs français du secteur. Voici les principaux faits saillants de cette étude :
– Après une baisse globale entre 2017 et 2018, les exportations mondiales de produits alimentaires sont reparties à la hausse en 2019 (+ 4 % par rapport à 2018). Cette reprise a davantage bénéficié aux plus petits et le poids des principaux exportateurs tend à décliner, la Chine faisant figure d’exception.
– Même si son poids dans les échanges mondiaux tend à baisser, l’Union européenne reste la première zone exportatrice du monde (553 milliards d’euros en 2019, soit 29 % des exportations mondiales).
– Les principaux marchés à prospecter se situent dans des pays où les parcs de biens d’équipement (pour les IAA, mais aussi pour l’agriculture) sont obsolètes, sur des marchés de niche (comme par exemple la tendance bio et écoresponsable en très nette progression dans les pays à fort pouvoir d’achat) ou encore dans des pays ayant mis en place d’importants plans de développement de leur secteur agricole.
– Si les pays tiers font figure de moteur de croissance pour les exportations françaises de produits alimentaires (62 % des exportations françaises sont à destination de l’UE), les marchés européens, qui jouissent d’une proximité géographique, s’imposent comme des valeurs sûres pour les exportateurs français, un phénomène qui s’est encore accentué avec la crise sanitaire.
– En Asie, le Nord-Est réunit des pays à fort pourvoir d’achat et très fortement dépendants des importations (Japon, Corée du Sud, Taïwan). Les pays de l’Asean et de l’Océanie connaissent des situations diverses, mais on note globalement une occidentalisation des habitudes de consommation. La Chine place aujourd’hui l’agroalimentaire au cœur de ses priorités, tandis que les marchés d’Asie du Sud sont encore sous exploités.
– Malgré les sanctions états-uniennes sur les vins français, l’Amérique du Nord, premier marché de consommateurs au monde, demeure un marché de choix, tandis que l’Amérique latine dispose d’un énorme potentiel de développement.
– Sa position stratégique fait du Maghreb un incontournable. L’Afrique subsaharienne est une zone clé, à la croissance exponentielle.
– Enfin le Proche et Moyen-Orient, du fait de sa grande dépendance aux importations alimentaires, offre toujours d’importants débouchés.
Des mesures de relance export spécifiques à l’agroalimentaire
Dans ce contexte, les opportunités ne manquent donc pas et le gouvernement souhaite inciter les entreprises à ne pas attendre la fin de la pandémie pour reprendre les chemins de l’export. Le ministre de l’Agriculture a ainsi annoncé une série de mesures visant à booster les activités à l’international de la filière, en sus du plan de relance export qui concerne tous les secteurs.
Un chèque relance export agro, cumulable avec le chèque export (plafonné à 5 000 euros), permettra aux entreprises d’être présentes sous le pavillon France dans des salons internationaux (2 500 euros maximum) ou de mettre en place une opération de tasting (jusqu’à 1500 euros). En vogue depuis le début de la crise, le tasting à distance permet à des producteurs de faire goûter leurs produits à de potentiels clients dans les bureaux de Business France, qui s’occupe de recevoir les échantillons et de convier les acheteurs.
Deuxième initiative, le lancement d’une extension pour l’agroalimentaire du site Taste France for Business qui existe déjà pour les vins. Il s’agit d’une plateforme BtoB permettant aux entreprises de disposer d’une vitrine virtuelle auprès d’importateurs et distributeurs étrangers potentiels.
Ces deux initiatives annoncées par Julien Denormandie complètent des actions déjà développée par Business France pour la filière, comme un dispositif de veille sectorielle à la carte sur la plateforme teamfrance-export.fr. Une réflexion serait également en cours sur la mise en place d’un volontariat international en entreprise spécifique pour l’agroalimentaire.
Si personne ne peut aujourd’hui prévenir l’avenir, la filière française, réputée pour ses produits de qualité et sa traçabilité, dispose de sérieux atouts pour traverser la crise. Et d’un solide dispositif de soutien.
Sophie Creusillet