La lutte contre le changement climatique oblige l’Afrique à opérer sa transition énergétique. La concurrence internationale est déjà vive dans les énergies renouvelables, pour fournir de la technologie et des solutions dans la ville durable et les réseaux intelligents.
Toutefois, dans un continent qu’elle connaît bien, l’Équipe de France à l’export dispose de toutes les compétences pour gagner des marchés, comme l’a montré la table ronde sur les secteurs porteurs de la transition énergétique, organisée, à Paris le 2 février *, dans le cadre du 7e Forum Afrique Moci / Cian, à l’occasion de la publication du Rapport Cian 2018 « Les entreprises internationales et l’Afrique ».
Un des pôles d’excellence de la France est la ville durable. « Ce sont dans les villes que l’on trouve 70 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et c’est un problème d’autant plus sérieux en Afrique que la population urbaine y passera de 500 millions d’habitants à 1,5 milliard en 2045 », soulignait Gérard Wolf, président de la task force Ville durable du Medef et fédérateur de Vivapolis International, la marque ombrelle de la ville durable à la française à l’export.
Lusaka gagne 1 million d’habitants tous les deux ans
La task force réunissant 500 entreprises de toute taille, y compris des startups, l’Équipe de France est capable de proposer une offre globale de la planification aux services aux collectivités, en passant par la construction. Un atout certain quand il s’agit d’offrir des solutions d’ensemble à des municipalités. Toutefois, en Afrique comme sur les autres continents, se pose la question du gigantisme des agglomérations.
« La métropole économique du Nigeria, Lagos, ou le district Johannesburg-Pretoria, c’est plus dur que des villes moyennes. Sans compter que la démographie y est galopante », expliquait Gérard Wolf. Peuplée déjà de 17 millions d’âmes, la capitale de la Zambie, Lusaka, gagne ainsi 1 million d’habitants tous les deux ans. Pour autant, la croissance de la population ne touche pas uniquement les capitales.
Pour se renforcer à l’étranger, l’Equipe de France s’est aussi dotée de relais en Afrique. Deux clubs pays ont déjà été constitués à Abidjan et au Caire et d’autres devraient être ouverts au Kenya pour l’Afrique de l’Est et en Afrique du Sud pour la région australe.
Parmi les projets suivis à Paris par la task force et Vivapolis, les 13 villes nouvelles de plus de deux millions d’habitants devant être construites dans les prochaines années en Egypte. L’annonce en a été faite par le président Al-Sissi et si une partie du master plan a été fait par les Chinois, les jeux ne sont pas faits.
J-L. Bal (SER) : « plus de 600 millions de personnes non connectées
Autre Équipe de France, celle de l’association Think Smargrids, qui regroupe la filière française des réseaux électriques intelligents (REI) sous le présidence de Philippe Monloubou, président du directoire d’Enedis, filiale d’EDF chargée de la gestion et l’aménagement du réseau électrique dans l’Hexagone. Une accord de coopération a été conclu avec le Syndicat des énergies renouvelables (SER), ce qui permet de présenter « une offre groupée sur les énergies renouvelables et les réseaux intelligents », se félicitait Jean-Louis Bal, à la tête du SER.
Si les villes seront toujours les mieux dotées tant en infrastructures qu’en services, que peut-on faire dans les zones rurales ? Compte tenu de la démographie galopante en Afrique – d’après l’Institut national d’études démographiques (Ined), la population africaine devrait passer de à 1,2 milliard d’habitants en 2017 à 2,5 milliards en 2050 – « il y aura toujours plus de 600 millions de personnes non connectées au réseau », affirmait Jean-Louis Bal.
« Au-delà d’un rayon de 100 kilomètres autour du réseau électrique existant, les gouvernements ne sont pas intéressés. Donc, il va falloir développer des îlots, si l’on veut éviter que la pauvreté rejoigne la pauvreté », défendait Pierre-Antoine Berthold, directeur Afrique d’Akuo Energy Africa, une société qui développe des projets d’énergie solaire, d’hydroélectricité et de biomasse au sud du Sahara (Djibouti, Guinée, Mauritanie, Tchad, Bénin, etc.).
O. Colas (BlueSolutions) : « livrer une énergie fiable et continue » en associant solaire et stockage
Parmi les réalisations d’Akuo Energy Africa, la centrale solaire de Kita au Mali sous forme de Boot (Build, own, operate, transfer), d’une puissance de 50 mégawatts. D’un coût de 77 millions d’euros, elle été financée par la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et l’Emerging Africa Infrastructure Fund (EAIF).
Les énergies renouvelables sont une solution pour remplacer les hydrocarbures et accéder à une électricité plus abordable et stable. Pour sa part, Blue Solutions fournit des solutions de stockage. « En les associant à des centrales solaires, il est ainsi possible de livrer une énergie fiable et continue et diminuer l’usage des groupes électrogènes qui sont coûteux », délivrait Olivier Colas, son directeur du Développement.
Filiale du groupe Bolloré, qui a livré de bus électriques à la municipalité de Brazzaville, au Congo, Blue Solutions utilise ces solutions dans des zones de développement économique et social dans dix pays. Appelées « Blue Zones », ce sont des lieux de vie autonomes avec diverses infrastructures (terrains de sport, salles de spectacle, etc.).
Les zones rurales offrent également des opportunités intéressantes à des PME comme Sunna Design, leader mondial des lampadaires Led solaires pour les pays émergents, qui a créé en 2017 un kit avec panneau solaire et téléphone portable pour donner accès à l’énergie et au numérique dans les villages reculés d’Afrique. Ou encore Fonroche qui vient de décrocher un contrat de 87 millions d’euros pour déployer 50 000 lampadaires solaires sur un tiers du Sénégal. Ainsi, dans toute l’Afrique, des solutions innovantes émergent. Et les Français ne sont pas en reste.
François Pargny
* Lire nos deux précédents articles :
– Forum Afrique Moci / Cian 2018 : pourquoi le coût du risque diffère selon les pays
– Forum Afrique Moci / Cian 2018 : risques et opportunités de la lutte contre le réchauffement climatique
Pour prolonger :
– Afrique / Export : quand l’AFD allie développement et appui aux sociétés françaises
–France / Afrique : Europe, jeunesse, diplomatie économique, trois priorités d’E. Macron
– France / Afrique : E. Macron et R. Kaboré inaugurent la plus grande centrale solaire ouest-africaine
– Énergies renouvelables : le SER et l’Ademe publient une cartographie inédite des réalisations françaises à l’export
Et aussi
–Rapport Cian 2018 / Les entreprises internationales et l’Afrique
– Le Guide Moci « Où exporter en 2018 ? » avec plusieurs pays africains : Maroc, Égypte, Nigeria, Sénégal