Surcapacité mondiale, augmentation des pratiques commerciales déloyales, coûts énergétiques élevés, autant de défis majeurs auxquels se trouve aujourd’hui confronté le secteur sidérurgique européen. Second producteur d’acier au monde après la Chine, avec plus de 177 millions de tonnes (Mt) par an, l’UE n’assure plus que 11% de la production mondiale contre 22 % en 2001. Dans cette même période, la part de la Chine est quant à elle passée de 15 à près de 50 % aujourd’hui.
Pressions des industriels, de leurs salariés, et des gouvernements
Preuve que l’heure et grave : le 15 février dernier, patrons et ouvriers de la sidérurgie défilaient ensemble à Bruxelles pour réclamer l’intervention de la Commission européenne. A la pression de la rue, est venu s’ajouter celle des Etats membres. Dans une lettre conjointe, adressée au conseil et à la Commission, les ministres français, allemand, britannique, italien, polonais, belge et luxembourgeois exhortent l’UE à élaborer des propositions alors que « l’augmentation des pertes d’emplois et des fermetures d’aciéries montre qu’il existe un risque important et imminent d’effondrement du secteur européen de l’acier ».
Parmi leurs revendications, figure l’accélération des procédures antidumping dont la mise en place prend aujourd’hui entre 12 et 18 mois… « J’ai appelé tout à l’heure à ce qu’on puisse prendre des mesures beaucoup plus rapides (…) pour que nous puissions apporter des réponses dans les deux mois. Deux mois, c’est le délai que prennent les Américains à apporter des réponses anti-dumping aux attaques », avait expliqué Emmanuel Macron, le ministre français de l’Economie, de l’industrie et du numérique alors qu’il était invité au Parlement européen à Bruxelles le jour même de la mobilisation.
A court terme, accélération du processus de décision antidumping
Des appels entendus par Bruxelles. Dans une communication présentée le 16 mars et intitulée « Sidérurgie: préserver des emplois et une croissance durable en Europe», l’exécutif européen propose une série de nouvelle mesures à court terme – pour donner à l’UE les moyens de se défendre face aux pratiques commerciales déloyales – et aussi à long terme, dans le but de garantir la compétitivité et la survie du secteur aujourd’hui menacées. « Nous avons mis en place un nombre record de mesures anti-dumping à l’égard de produits sidérurgiques, et la Commission est déterminée à rétablir des conditions de concurrence équitables au niveau mondial », a commenté Jyrki Katainen, vice-président de la Commission en charge du dossier.
Quelque 37 mesures anti-dumping et anti-subventions sont aujourd’hui en vigueur, dont 16 portent sur des importations d’acier en provenance de Chine. Le mois passé le gendarme européen de la concurrence a également annoncé l’ouverture de trois nouvelles enquêtes visant les importations de trois types de produits en acier en provenance de Chine (tubes sans soudure, tôles fortes et acier plat laminé à chaud).
La Commission propose désormais – comme demandé par les sept Etats membres dans leur missive conjointe – d’accélérer l’adoption des procédures anti-dumping. « La suppression de la règle dite du droit moindre, notamment, dans certaines circonstances, permettrait d’imposer des droits anti-dumping plus élevés. La Commission proposera également un système de surveillance préalable des produits sidérurgiques », des mesures qui « peuvent être instaurées lorsque l’évolution des importations menace de causer un préjudice aux producteurs de l’UE », indique un communiqué de l’exécutif.
Pour le moyen long terme, d’autres remèdes sont également proposés dans le document présenté à Bruxelles. Trois orientation principales se dégagent :
– s’attaquer aux causes de la surcapacité mondial en renforçant le dialogue avec certains pays tiers en particulier la Chine ;
– moderniser l’industrie sidérurgique en investissant dans les ressources humaines;
– investir aussi dans les technologies du futur pour une industrie plus compétitive.
Paris veut aller plus loin
« Au niveau de l’UE, il existe différents fonds destinés à aider le secteur sidérurgique sur la voie de la modernisation. Il s’agit notamment du Fonds européen pour les investissements stratégiques de 315 milliards d’euros, des fonds structurels et d’investissement européens et du programme européen de financement de la recherche, Horizon 2020 », précise la Commission européenne.
« Cette mobilisation doit encore s’amplifier », déclarent pour leur part Emmanuel Macron et Mathias Fekl dans un communiqué commun. S’ils se félicitent tous deux de l’initiative de la Commission européenne, les deux ministres appellent à une accélération plus forte des procédures anti-dumping et « invitent leurs partenaires de l’Union européenne à reprendre les discussions sur la modernisation des instruments de défense commerciale ».
Présenté en 2013 par l’exécutif européen, ce texte vise à améliorer l’efficacité des instruments antidumping et antisubventions. Si plusieurs Etats membres comme la France continue à plaider pour son adoption rapide, la proposition est toujours bloqué au Conseil où les 28 n’ont pas réussi à trouver de position commune pour démarrer les négociations en trilogue avec le Parlement européen.
K.L à Bruxelles