La Conférence des grandes écoles suggère de renforcer l’attractivité de la France en triplant les effectifs d’étudiants étrangers accueillis sur ses campus. Le Moci a interrogé Pierre Tapie, son président, sur ce point.
Le Moci. La circulaire Guéant est abrogée. Quel bilan tirez-vous de cette année passée ? Et qu’attendez-vous des discussions en cours auxquelles vous participez ?
Pierre Tapie. La circulaire Guéant a porté un coup certain à la France sur la scène internationale. Les grandes écoles, que je représente, souhaitent que les étudiants étrangers qui ont choisi la France puissent aller jusqu’au bout de leurs projets sans que ceux-ci soient contrecarrés par des décisions arbitraires. Il s’agit également de rassurer ceux qui voudraient effectuer leur mobilité internationale en France mais que le bruit fait autour de la circulaire a pu inquiéter.
Le Moci. Dans son dernier rapport sur les grandes tendances de la mobilité internationale, publié le 21 mai 2012, la CGE indique que l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur français pourrait tripler le nombre d’étudiants étrangers d’ici 10 ans. Quelle serait la répartition entre grandes écoles et universités ?
Pierre Tapie. Dans les dix ans à venir, 7 millions d’étudiants supplémentaires dans le monde devraient arriver sur le marché de l’enseignement supérieur chaque année, dont 4 millions rien qu’en Chine et en Inde. Or, les pays émergents n’ont pas la capacité suffisante pour former de tels contingents. Notre objectif est de capter une partie de ces étudiants pour les former dans nos écoles. Pour l’enseignement supérieur français, c’est également un enjeu lié à la diversité. Aujourd’hui, nous sommes le troisième pays d’accueil des étudiants étrangers, mais près d’un sur trois (64 %) est issu de cinq anciennes colonies. Et deux pays concentrent le plus gros du contingent étranger : le Maroc et la Chine. Les grandes écoles connaissent une progression identique puisqu’en 2009-2010, elles ont accueilli environ 7 000 étudiants du Maghreb (soit 2 200 étudiants supplémentaires sur une période de deux ans). Dans le même temps, elles ont accueilli 9 292 jeunes Asiatiques, majoritairement Chinois (60 %) et Indiens (13 %).
Le Moci. La CGE a écrit vouloir « donner à la France l’ambition de former largement les élites mondiales ». Le niveau de recrutement des étudiants étrangers est-il compatible avec l’objectif de triplement des effectifs d’étudiants étrangers accueillis en France ?
Pierre Tapie. La répartition des étudiants étrangers dans les différents établissements dépend de la stratégie que chacun choisira de mettre en place. Au sein de la CGE, il nous semble raisonnable d’accueillir 30 % d’étudiants étrangers en moyenne, sachant que certaines écoles dont le cursus est très international dépasseront ce pourcentage, tandis que d’autres, moins orientées vers l’étranger, en accueilleront moins. Nous avons indiqué – pour l’ensemble de l’enseignement supérieur, grandes écoles et universités – un objectif sur dix ans d’accueillir 500 000 étudiants étrangers supplémentaires. Soit 50 000 étudiants par an. Et, si on raisonne en termes de flux entrant dans le cadre d’un dispositif où les étudiants restent deux ans, cela ne fait plus que 25 000 étudiants par an, à comparer aux 500 000 jeunes qui entrent dans le système supérieur chaque année. Au bout du compte, l’augmentation visée est de l’ordre de 5 % par an pour le flux entrant. Ceci nous ramène à 2 % si on raisonne par rapport au stock total d’étudiants en France, soit 50 000 par an sur un total de 2,2 millions.
Pour l’université, l’accueil des étudiants étrangers est une chance d’exposer tout ce qu’elle fait. En se frottant à ses compétiteurs à l’échelle internationale, ses instances vont pouvoir identifier ses points les plus fragiles. Cela vaut également pour les grandes écoles, même si elles y sont dans l’ensemble mieux préparées. Cette transformation de notre enseignement supérieur pourrait être autofinancée. Il suffirait que 80 % des 50 000 jeunes que l’on prévoit d’accueillir annuellement contribuent à hauteur de 125 % du coût des formations – ce qui resterait quand même très en deçà du coût des universités anglo-saxonnes – pour que l’enseignement supérieur français puisse financer des bourses à une large partie des étudiants étrangers.
Propos recueillis par S. F.