Ils sont près de 2,5 millions à vivre hors de France, mais ils sont mal connus et parfois mal aimés dans leur pays d’origine : « la « diabolisation » et la stigmatisation dont ils sont les cibles relèvent d’une méconnaissance de cette communauté hétérogène et reposent sur des clichés d’une autre époque ; celle de la colonisation et des expatriés aux nombreux privilèges » constate ainsi Hélène Conway-Mouret, ex. ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, dans le rapport qu’elle a remis au Premier ministre Manuel Valls le 21 juillet dernier avec 50 recommandations pour faciliter leurs retours.
Les expatriés, fonctionnaires ou employés du secteur privé, qui bénéficient de l’encadrement de leur employeur à leur retour, ne sont pas la majorité de ces Français : il y a aussi de nombreux individuels partis pour des emplois ou des projets personnels, mais aussi des personnes nées à l’étranger de parents français, bref, une population loin d’être homogène. Le rapport s’appuie sur différentes études et sondages pour tenter d’éclaircir les profils et les parcours de ces Français de l’étranger et de cerner le parcours d’obstacles qu’ils doivent franchir pour rentrer, parcours d’obstacles qui peine à se justifier.
Cette perception de Français de l’étranger associés à des expatriés privilégiés est d’autant plus dépassée qu’aujourd’hui, la notion de « mobilité internationale » est sans aucun doute beaucoup plus pertinente que celle « d’expatriation » pour évoquer le phénomène du départ à l’étranger et du retour en France dans un laps de temps plus ou moins long. « Celle-ci n’a plus guère de sens au sein de l’Union européenne dans laquelle la «génération Erasmus», renforcée par la «génération Schengen», repousse les frontières de la France », analyse la sénatrice des Français de l’étranger. Celle-ci indique que si de nombreux jeunes mais aussi des retraités désirent aller à l’étranger, les uns pour vivre de nouvelles expériences professionnelles ou personnelles, les autres pour trouver des climats plus cléments, ils ne se coupent pas du pays et y reviennent régulièrement.
Faire un vrai « choc de simplification » pour faciliter le retour
Reste que la rançon de cette perception d’un autre âge demeure : le retour au pays, qu’il soit fait dans l’urgence, ou murement réfléchi, est trop souvent une véritable galère, notamment au plan administratif, galère dont les expatriés, qui bénéficient de l’accompagnement de leur employeur, n’ont aucune idée. Entre les administrations locales étrangères, qui peuvent traîner dans la remise de certains documents, et les administrations françaises, auprès desquelles les démarches sont d’autant plus difficiles et fastidieuses qu’il n’y a pas d’historiques numérisées sur le demandeur, « il faut compter entre six mois et un an pour être définitivement en règle au regard de toutes les administrations » indique Hélène Conway-Mouret.
Celle-ci précise que « la majorité des personnes rentre seule et ne bénéficie d’aucune facilité ». Pour ces dernières, « le point le plus choquant est de ne pas être identifiable, ne pas trouver la rubrique qui les concerne et donc avoir le sentiment de ne pas exister ! D’autres découvrent que leurs droits sont prescrits, insiste encore la sénatrice. La rigidité du système démotive les postulants ». De quoi en décourager plus d’un.
Faire un vrai « choc de simplification » pour aider ces Français au retour est d’ailleurs un des axes fort des 50 recommandations de son rapport, avec une meilleure information et communication sur le retour et les démarches à effectuer, ainsi que davantage de souplesse de la part de l’administration dans la réalisation des démarches. Logement, emploi, assurance maladie, prestations familiales, fiscalité, éducation, retraites, élections, conjoints étrangers, véhicules : pour chacune de ces onze thématiques, le rapport émets toute une série de propositions détaillées et concrètes.
Quelques exemples : améliorer l’accès à l’information sur les conditions d’ouverture de droits à l’assurance-chômage au retour de l’étranger (emploi), mettre en place une information automatique des assurés radiés de leur régime d’assurance maladie pour cause de départ à l’étranger sur leurs conditions de réaffiliation à leur retour en France (assurance maladie), organiser la possibilité pour les élèves issus de systèmes éducatifs étrangers de passer des tests de niveaux pour leur inscription en France à distance (éducation) ou encore délivrer une information claire et accessible sur les différents statuts permettant de travailler à l’étranger et sur leurs conséquences en matière d’acquisition de droits à la retraite.
Manuel Valls, qui est d’autant plus sensible à cette problématique que ses racines sont catalanes, souhaite que ce rapport ne reste pas sans lendemain. Il a confié le pilotage de sa mise en oeuvre à Clotilde Valter, secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat et à la simplification. A suivre…
C.G
Pour en savoir plus :
« Retour en France des Français de l’étranger« , Rapport au Premier ministre établi par Hélène Conway-Mouret, sénatrice représentant les Français établis hors de France, juillet 2015. Le rapport est consultable et téléchargeable sur le site officiel du Premier ministre à l’adresse suivante : http://www.gouvernement.fr/partage/4821-retour-en-france-des-francais-de-l-etranger