Si son contrat de travail conclu avec la société étrangère a été rompu et que la société d’origine ne peut lui procurer un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions, le salarié qui a travaillé dans une filiale étrangère peut se trouver doublement licencié.
Deux procédures distinctes de licenciement
S’il est fait obligation à la société d’origine de rapatrier et de reclasser le salarié lorsque le contrat conclu avec la société étrangère a été rompu, celle-ci peut toutefois être dans l’impossibilité de lui procurer un nouvel emploi, compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions, que ce soit en raison de l’absence de poste disponible ou du refus du salarié d’accepter les mesures de reclassement proposées. Le licenciement peut être alors inévitable.
Le licenciement du salarié par la société d’origine est indépendant de celui prononcé par la société étrangère. En effet, « si la société [étrangère] met fin au détachement, le salarié peut se prévaloir des règles relatives au licenciement, et la société [d’origine], tenue de le réintégrer, ne peut le licencier qu’en invoquant une cause réelle et sérieuse de licenciement » (Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-40 544). Par conséquent, si le salarié a été licencié pour motif économique par la société étrangère, la société d’origine, si elle souhaite retenir la même justification, devra justifier à son tour de difficultés économiques et de son impossibilité de reclasser le salarié. S’ils sont sollicités, les juges devront statuer séparément sur les deux licenciements et examiner si chacun d’eux avait une cause réelle et sérieuse. De la même manière, dans l’hypothèse d’un licenciement pour faute dans la société étrangère, la société d’origine ne peut fonder son licenciement sur les mêmes faits. Elle devra caractériser, à son tour, une faute du salarié. Plus classiquement, le licenciement du salarié par la société d’origine sera lié à son impossibilité de lui procurer un nouvel emploi compatible avec ses précédentes fonctions. La société d’origine devra toutefois composer avec une éventuelle clause de garantie d’emploi – qui aurait été prévue par le contrat de travail, la lettre de mission ou la convention collective applicable – ; sous peine de devoir s’acquitter de dommages-intérêts.
Comment calculer les indemnités de licenciement et le préavis ?
S’agissant des indemnités de licenciement, la jurisprudence retient explicitement qu’elles doivent être calculées par référence aux salaires perçus par le salarié dans son dernier emploi, c’est-à-dire par référence au salaire perçu auprès de la société étrangère. (Cass. soc., 4 mai 2011, n° 09-42 979).
Notons également que le temps passé par le salarié au service de la société étrangère est pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement. En d’autres termes, l’ancienneté du salarié doit être déterminée en intégrant la période de détachement.
Concrètement, le salarié percevra deux indemnités de licenciement. La Cour de cassation retient, en effet, que le salarié peut recevoir deux indemnités, versées par chacune des sociétés, sur la base des périodes travaillées pour leur compte. Il ne peut, en revanche, « cumuler, pour une même période d’emploi et pour un même travail, des indemnités ayant le même objet » (Cass. soc., 20 janvier 1993). Il recevra donc une indemnité de licenciement de la part de la société étrangère, correspondant à la durée de sa présence auprès d’elle, et à son retour de la part de la société d’origine s’il est licencié, qui sera calculée selon l’ancienneté acquise auprès d’elle, déduction faite des sommes perçues de la société étrangère.
Il en est de même pour les indemnités de préavis. Le cas échéant, l’une sera versée par la société étrangère pour la durée passée auprès d’elle, la seconde le sera par la société d’origine pour l’ancienneté acquise auprès d’elle.
Ainsi, lorsque le reclassement du salarié dans la société d’origine s’avère impossible, le salarié licencié sera traité d’un point de vue indemnitaire, comme s’il n’avait jamais quitté son emploi d’origine ; l’assiette globale des indemnités et l’ancienneté étant calculées par référence à la date d’entrée du salarié au service de la société d’origine, employeur.
Damien Chatard, docteur en droit
Dupiré & Associés – STC Partners