Le dialogue interculturel s’impose dans les entreprises multinationales depuis les fusions industrielles franco-allemandes des années 1990. La conduite, un temps bicéphale, d’EADS a montré que la collaboration des équipes multiculturelles ne va pas toujours de soi et ce, en dépit de la proximité géographique. Les dysfonctionnements et malentendus sont parfois plus importants avec des partenaires espagnols ou italiens qu’avec d’autres issus de pays plus lointains comme la Chine ou l’Inde. Ce qui fait de l’interculturel une problématique transversale qui concerne autant les dirigeants que les managers à l’interface de deux cultures différentes, les cadres locaux confrontés à un management étranger, les équipe plurinationales en quête de synergie et, plus largement, tous ceux qui communiquent avec les clients, partenaires, prestataires ou fournisseurs étrangers de l’entreprise.
On l’aura compris, l’incompréhension culturelle reste un écueil majeur susceptible de faire échouer une négociation, un contrat ou une fusion, comme l’a expliqué la directrice générale de l’Institut de management et de communication intercultures (Isit), Marie Mériaud-Brischoux, à l’occasion d’un point de presse le 9 octobre dernier sur les « défis interculturels dans les entreprises internationales ». « Une fusion franco-suédoise a échoué sur l’opposition des types de pression culturelle : une pression de la hiérarchie chez les Français et une pression sociale chez les Suédois. Les Suédois ne comprenaient pas comment les Français pouvaient vivre dans une ambiance d’agressivité et de débats sous l’autorité d’une hiérarchie qui avait les pleins pouvoirs, et les Français voyaient les Suédois comme des êtres faibles n’osant pas se démarquer de leur groupe. »
Les grandes entreprises n’hésitent pas à faire du dialogue des cultures un enjeu stratégique directement lié à la performance économique. En témoigne la création, en 2007, de la chaire Renault Polytechnique HEC « Management multiculturel et performances de l’entreprise » en partenariat avec de prestigieuses universités étrangères. L’enjeu ? « Acquérir des savoir-faire que nous n’avions pas et qui étaient présents ailleurs » et « comprendre l’autre pour mieux apprendre moi », comme l’a expliqué Patricia Glasel, directrice de Berlitz Consulting, lors de la première convention Mondissimo de la mobilité internationale et du commerce international qui s’est tenue les 25-26 novembre 2008 au Palais Brongniart, à Paris.
La situation est différente dans les PME. Steve fiehl, directeur associé de Crossknowledge, expert européen des formations managériales à distance, regrette que « l’accompagnement des PME à l’international reste encore très timide sur l’interculturel, alors qu’il est conséquent en matière de financement. La plupart des dirigeants mesurent mal son importance cruciale au niveau des échanges. » Même son de cloche pour Jean Pateau, directeur général de la société Pateau Consultants, selon qui « dans les PME, l’interculturel est une partie sous-estimée, voire ignorée, ce qui est plus grave. »
Toutefois, la France, aiguillonnée par l’enjeu européen et la nécessité de réduire le déficit du commerce extérieur, a entrepris de combler son retard en la matière. Lorsque, le 27 novembre, Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Etat chargée du Commerce extérieur, et Catherine Ashto, commissaire européenne au commerce, convient les entreprises en symposium, elles le font pour « ouvrir les frontières aux entreprises », renonçant à une formulation plus ethno-centrée du style « encourager les entreprises à exporter ». L’évolution sémantique est incontestable : le message des experts de l’interculturel est bien passé.
De même, lorsque la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) organise, le 1er décembre, à Paris, dans le cadre de la Semaine de l’international, la première édition des Rencontres Inter’PME françaises et étrangères, elle n’omet pas d’insister sur « la dimension interculturelle dans les relations d’affaires et le management » de leur entreprise et « l’usage des réseaux à l’international ». Comprenez : pour vendre, il faut valoriser la culture. La nôtre pour l’image de qualité et de sophistication qu’elle dégage, et celle des marchés ciblés pour adapter et faire accepter nos produits et services sans être qualifié d’arrogant. C’est ce qu’ont fait la vingtaine d’entreprises françaises labellisées Ubifrance qui ont présenté pour la première fois à Londres en septembre dernier leurs produits biologiques à d’importants acheteurs et à de grandes enseignes, tout en jouant la corde de la « French Touch », concept qui permet de valoriser les produits français en tenant compte des réalités locales.
À nouveaux mondes, nouveaux conquérants. Ceux-ci peuvent s’appuyer sur un réseau de 153 missions économiques réparties dans 113 pays, un des plus denses au monde. Depuis la France ou sur place, ils peuvent solliciter les services des équipes biculturelles qui travaillent en liaison étroite avec des partenaires tels que Coface, les conseillers du commerce extérieur de la France, les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger, Medef international, les fédérations professionnelles, sans oublier les réseaux professionnels.
Sylvette Figari