La mobilité internationale joue un rôle essentiel pour combler les déficits de compétences et développer des talents. C’est le constat dressé par la troisième édition (2015-2016) de l’Indice mondial sur la Compétitivité et les Talents (GTCI), rendue publique le 19 janvier, à Davos, en Suisse, à la veille du Forum économique mondial.
Élaborée par l’école de management française Insead, en collaboration avec le groupe français de solutions en ressources humaines Adecco et le Human Capital Leadership Institute (HCLI), basé à Singapour, la troisième édition du Global Talent Competitiveness Index (GTCI) classe 109 pays (couvrant 84 % de la population et 96 % du PIB mondial) selon leur niveau d’attractivité des talents. L’indice identifie la capacité des pays à attirer, développer et retenir les talents.
Cette nouvelle édition montre notamment le rôle clé de l’ouverture pour l’attraction des talents. L’étude constate qu’« il est impossible de développer des talents créatifs sans encourager la mobilité internationale et la « circulation des cerveaux »». La mobilité internationale des talents est une dimension clé de toutes les stratégies nationales (ou régionales) car elle déterminera en grande partie la capacité des pays, régions et villes à se connecter aux chaînes de valeur mondialisées et développer des stratégies de croissance durable qui porteront leurs fruits.
De plus, précise l’étude, « l’attraction des bons talents jouera un rôle essentiel dans la réussite des économies nationales à appliquer leurs stratégies économiques ». La thématique de cette année « Attraction des talents et mobilité internationale » se concentre ainsi sur l’importante corrélation entre mouvement des talents et prospérité économique.
La Suisse, Singapour et le Luxembourg en tête du classement
Comme en 2013, année du lancement de l’index et en 2014, la Suisse occupe la première place du classement 2015-16 du GTCI, suivie de Singapour et du Luxembourg.
La Suisse, Singapour et le Luxembourg bénéficient tous les trois d’une grande ouverture aux échanges commerciaux, aux investissements, à l’immigration et aux idées nouvelles, embrassant la mondialisation tout en valorisant leurs ressources humaines.
Le rapport montre que près de 25 % des populations de la Suisse et du Luxembourg sont nées à l’étranger. Ce taux atteint même 43 % à Singapour, destination prisée des expatriés (voir notre article).
Les États-Unis qui occupent le 4e rang du classement demeurent une destination attractive pour les « inventeurs migrants ».
Comme au cours des années précédentes, le classement 2015 présente, en tête de file, des pays aux revenus élevés comme la Suisse, Singapour et le Luxembourg ou encore le Canada (9e), la Nouvelle-Zélande (11e) et l’Australie (15e), des économies disposant déjà d’une solide expérience en matière d’immigration.
La France se classe au 22e rang du GTCI 2015-16 sur 109 pays. « Les performances de la France sont plutôt satisfaisantes sur le plan des compétences professionnelles », observe l’index, qui note qu’« à l’inverse, le « développement » fait partie de ses principaux défis ». En d’autres termes, souligne l’étude, le cadre réglementaire et l’environnement concurrentiel ne favorisent pas le développement des talents et les activités en général.
Alors que les États-Unis, la Suisse, Singapour et d’autres pays du monde développé restent des destinations prisées pour les talents, d’autres pays sont considérés comme « des aimants de talents » à forts potentiels à l’instar de l’Indonésie, nation perçue par les chefs d’entreprise comme attractive en termes de compétences. Le Chili et la Corée du Sud –malgré le nombre relativement faible d’étudiants internationaux attirés par ces deux contrées– sont également vus comme des aimants potentiels de talents. La Chine devrait, elle, rejoindre prochainement ce groupe, notamment car elle arrive à attirer les anciens émigrants avec des compétences techniques et scientifiques.
L’étude souligne par ailleurs qu’un pays est attractif grâce à la qualité de ses opportunités en matière d’éducation, notamment d’éducation supérieure. Comme l’éducation est le point d’entrée du bassin des talents, des pays comme les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni et la France se servent de leur système d’éducation supérieure pour attirer des jeunes à forts potentiels dans le monde entier car seul un nombre limité de nations disposent d’un système éducatif de renommée internationale. Singapour a pour sa part, relève l’étude, rapidement mis en place un système d’éducation de classe internationale.
Le manque de compétences techniques reste un handicap pour les émergents
La pénurie des compétences professionnelles continue à handicaper les pays émergents. Un grand nombre de pays émergents qui ont investi dans un niveau d’éducation supérieur ont négligé la formation professionnelle, comme indiqué dans le rapport GTCI de l’an passé. Le manque de compétences techniques, « vocational skills », reste un handicap pour les pays émergents, constate le nouveau rapport.
Des fossés en termes de compétences professionnelles continuent à exister au sein de pays émergents comme la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud et notamment le Brésil, où les compétences en termes de talent affichent des signes de ralentissement. « En Inde, il n’existe aucun signe d’amélioration de l’environnement réglementaire et commercial permettant de lancer une campagne de promotion pour l’Inde », observe le rapport. Les données de l’indice GTCI indiquent par ailleurs que cette tendance s’étend à un certain nombre de pays aux revenus élevés comme l’Irlande, la Belgique ou l’Espagne.
«La façon dont Taïwan a construit une industrie électronique de renommée mondiale, grâce aux travailleurs rapatriés de la Silicon Valley, offre un modèle que beaucoup cherchent à reproduire », commente ainsi Bruno Lanvin, directeur général pour les indices mondiaux à l’Insead et co-auteur du rapport.
Pour Wong Su-Yen, CEO du Human Capital Leadership Institute (HCLI) : « La création de la Communauté économique de l’Asean (AEC) a démontré que les pays reconnus traditionnellement comme des références en matière d’attractivité des talents peuvent perdre leurs propres talents au profit d’autres marchés émergents de la région. Nous devons être conscients qu’il n’y a pas d’acquis en matière d’attractivité des talents, ces derniers allant souvent chercher des opportunités d’évolution de carrière dans d’autres pays. Le défi est donc pour les pays de continuer à innover dans leur façon de former, attirer, et retenir les talents ».
Venice Affre
Pour en savoir plus :
Consultez l’extrait en français (40 pages) du rapport GTCI 2015-16 en fichier PDF ci-dessous.