Les compétences utiles voire indispensables au développement international d’une entreprise, quelle que soit sa taille, ont été au cœur des échanges de la Masterclass consacrée au thème « Quelles compétences pour doper votre développement à l’international ? », organisée par Le Moci, partenaire média de la manifestation, lors de la dernière édition de Bpifrance Inno Génération le 10 octobre à Paris à l’AccorHotels Arena.
Directeur export, country manager, défricheur ou développeur de nouveaux marchés, responsable douane et compliance, responsable supply chain, directeur financement export ou credit manager international et même assistant export. Autant de métiers de l’export qui nécessitent des compétences spécifiques. « Sans compter les ingénieurs ou techniciens qu’on envoie ponctuellement à l’étranger pour accompagner des clients dans l’installation d’un équipement ou le démarrage d’un chantier », a développé en introduction Christine Gilguy, rédactrice en chef du Moci, qui animait la Masterclass.
Quelles compétences privilégier, et comment les trouver ?
Pour en parler, trois intervenants avaient été invités : David Avram, Trade and Export Finance Director au sein du groupe d’ingénierie industrielle français Fives, Jorg Stegemann, Managing Partner au sein du cabinet de recrutement international de cadres supérieurs et dirigeants, Apollo Executive Search / Kennedy France, et Christophe Boisseau, directeur général de l’ESCE Business School.
Les compétences essentielles à l’international
– Avoir « l’envie d’aller à l’export »
Pour l’homme d’entreprise David Avram, avoir « l’envie d’aller à l’export » est essentiel pour le métier qu’il exerce, davantage que les compétences techniques qui s’acquièrent assez facilement selon lui. Dès le début de sa carrière, David Avram avait une double sensibilité commerciale et financière à défaut d’être ingénieur.
En tant que Trade and Export Finance Director, son métier consiste à sécuriser et financer les contrats d’exportation du groupe Fives qui réalise 90 % de son chiffre d’affaires à l’export. « C’est un métier de niche, il n’y en a pas énormément », a admis David Avram. La France manque en effet d’entreprises ayant atteint une taille critique d’activité à l’international nécessitant des compétences techniques en matière de sécurisation et financement des contrats export.
L’aspect interculturel prime dans son métier. « On ne vend pas à l’export comme on vend sur le marché domestique ! », aime à répéter David Avram qui est également Conseiller du commerce extérieur de la France (CCE). Évidemment, ce ne sont pas les mêmes risques qui sont encourus par l’entreprise mais surtout l’approche culturelle est différente d’un pays à l’autre. Dans son métier, il est indispensable d’avoir l’envie d’aller vers les autres et de découvrir des marchés étrangers comme le Tadjikistan.
L’aspect interculturel est également une qualité requise pour travailler au sein d’un grand groupe international a confirmé pour sa part Jorg Stegemann. Pour ce chasseur de têtes allemand, le côté interculturel est très important puisque les grands comptes pour lesquels ils travaillent ont souvent leur siège en France mais leurs opérations et leurs clients sont à l’étranger.
– Avoir des compétences techniques et des « soft skills »
Les enseignements académiques en France souffrent de lacunes en matière de formations spécifiques aux métiers de l’export, car il y a la maîtrise technique d’un côté, et de l’autre les « soft skills », ces compétences qui couvrent des capacités et savoir-faire dans des domaines tels que le leadership, le management interculturel ou la conduite de projet dans un environnement interculturel.
L’ESCE Business School, pour sa part, positionne le commerce international au cœur de son offre et a musclé son offre dans ces derniers domaines. Comme l’a expliqué Christophe Boisseau, son directeur général, les étudiants pendant leurs cinq années à l’ESCE vont acquérir des compétences métiers dites « hard skills » et « soft skills » qui aujourd’hui intéressent de près les recruteurs souvent même davantage que les diplômes des candidats à l’embauche. Les premières sont les compétences pratiques identifiées par métier, les secondes sont les compétences transverses par exemple la capacité à manager ou à communiquer quelle que soit l’activité de l’entreprise.
En matière de soft skills, l’ESCE a ainsi identifié cinq ‘méta-compétences transverses’ qu’un manager doit maîtriser dont se gérer soi-même, gérer les autres, délivrer des résultats exceptionnels, aspects culturels et développement durable, facilitation numérique. Celles-ci font l’objet d’une spécialisation ‘Export Management’ en cinquième année.
De plus, l’école de commerce ne note plus les étudiants sur leurs compétences et ne délivre plus de relevé de notes par matière. « On va remettre aux étudiants en fin de cinquième année un ‘passeport compétences’ », a dévoilé Christophe Boisseau. « C’est un relevé des compétences hard skills/soft skills et des compétences linguistiques », a-t-il détaillé. Ce passeport compétences est remis par l’ESCE aux directions des ressources humaines (RH) des entreprises qui recrutent ou à l’employeur. Il valide l’ensemble des compétences et des capacités de l’étudiant dans l’exercice d’un métier.
– Pratiquer les langues
« L’anglais ce n’est pas discutable », a affirmé David Avram qui a reconnu lui-même ne parler que l’anglais. « Aujourd’hui, c’est le minimum vital », a-t-il assuré. Le groupe Fives s’intéresse aux candidats qui parlent d’autres langues comme l’espagnol, l’arabe, le chinois. L’allemand n’est pas indispensable puisque comme le rappelle David Avram, « les Allemands parlent très bien l’anglais et parlent très bien français ».
La pratique d’une ou plusieurs langues prime également chez Apollo Executive Search. « On rejette systématiquement tout candidat qui ne parle pas anglais », a révélé Jorg Stegemann. Le cabinet de recrutement qu’il a fondé va encore plus loin : « On va aussi rejeter les candidats qui n’ont pas vécu à l’étranger ». C’est que la sélection est rude. Pour 150 candidats, Jorg Stegemann n’en sélectionne que trois qu’il soumet à son client.
Le poids des langues dans l’enseignement de l’ESCE Business School est conséquent. « Nous avons 9 heures de langue par semaine obligatoires », a précisé son directeur. Onze langues sont enseignées. « Les étudiants ont deux langues obligatoires sur les 9 heures », a souligné Christophe Boisseau. Les élèves qui le désirent peuvent également suivre une troisième ou une quatrième langue.
Dans la pratique des métiers de l’international, l’apprentissage d’une langue est un vrai atout. Lorsqu’il débute les cours de chinois en première année d’un master en cinq ans, l’étudiant ne parlera par couramment la langue a prévenu Christophe Boisseau. Néanmoins, il aura suffisamment de pratique pour s’adresser à un partenaire, sympathiser et au final établir une relation estime le directeur de l’école de commerce. « C’est un vrai plus », assure-t-il.
Les difficultés à recruter les bons profils
Pour les entreprises, trouver les profils possédant ce mélange de compétences techniques et transverses n’est pas aisée. Il semble que le manque d’ouverture à l’international soit un facteur clé en France.
Si demain, David Avram venait à quitter son poste au sein de la branche développement international du groupe Fives, il devrait trouver un candidat pour le remplacer. Non sans difficulté. « C’est un métier qui existe, je n’ai pas tout créé de A à Z », a livré David Avram. Deux qualités seraient clés en plus de la maîtrise technique : « le réseau » et une capacité à avoir un bon relationnel avec les clients. Reste à trouver un candidat ayant la fibre internationale. « On manque de gens aujourd’hui avec l’envie d’aller à l’export », a déploré le CCE.
Jorg Stegemann confirme que le recrutement de RH reste une tâche difficile. « Je fais ce métier depuis 2001 et j’ai recruté 350 personnes », a-t-il raconté. Même avec l’expérience, qu’il s’agisse de techniciens-commerciaux ou d’ingénieurs qui soient également commerciaux, la difficulté à recruter est toujours là. Outre la nécessité pour les candidats d’avoir « une bonne technicité », le chasseur de têtes est très sensible aux candidats qui se forment tout au long de leur vie professionnelle. « Ce lifelong-learning, c’est essentiel », a insisté Jorg Stegemann.
Que deviennent, pour leur part, les étudiants de l’ESCE une fois diplômés ?
« Nous avons à peu près 3 000 étudiants dans l’école aujourd’hui », a exposé Christophe Boisseau. Soit des promotions de 400 à 450 étudiants. « Ils embrassent des carrières à l’international », a-t-il précisé. « À la sortie, a-t-il poursuivi, 30 % d’entre eux ont leur premier poste à l’international ». Et d’ajouter, « c’est plus du double de la moyenne des écoles de commerce ». Sur les 11 000 anciens élèves, plus de la moitié sont en poste à l’étranger. Ces derniers ont d’ailleurs un rôle d’ambassadeur au sein du réseau des alumni.
Le système français de la formation peut mieux faire
À entendre les autres intervenants, l’ESCE fait cependant figure d’exception dans le paysage de l’écosystème français de la formation aux métiers de l’international.
Pour David Avram, l’écosystème français de la formation doit véritablement « donner envie aux étudiants d’aller vers l’international ! ». Dans les carrières internationales, il n’y a pas de routine, a-t-il assuré. Cela va faire presque vingt ans qu’il travaille à l’export pourtant il a toujours la même envie, la même passion. Un message destinés aux étudiants qui hésitent à aller vers des carrières internationales.
Le groupe Fives a, pour sa part, beaucoup recours au dispositif du volontariat international en entreprise (V.I.E) et est également en train de se pencher sur le VTE, le ‘volontariat territorial en entreprise’. Inspiré du V.I.E, ce nouveau dispositif public permettra aux étudiants ou jeunes diplômés d’écoles et d’universités de candidater sur des offres d’emplois proposées par des PME et ETI industrielles implantées notamment dans les ‘Territoires d’industrie’.
Venice Affre
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