Philippe Bagot ne boude pas son plaisir : « 1000 chèques relance export ont été placés depuis le 1er octobre par la Team France Export et le secteur privé, dont la moitié par des conseillers issus des CCI. » « Pour l’instant, l’utilisation des chèques relance export se fait surtout via les prestations de la TFE mais nous constatons une augmentation progressive de la part des consultants privés », précise le nouveau directeur du Pôle Team France export- International de CCI France, l’organisme fédérateur des Chambres de commerce et d’industrie (CCI) en France, nommé en juin après avoir été une cheville ouvrière de la construction de cette « Team » au sein de CCI France
Aux premières loges pour venir au secours des PME et TPE
La crise sanitaire a révélé l’efficacité redoutable de ce réseau de proximité que constituent les CCI, par leur maillage du territoire et leur connaissance fine des tissus économiques locaux. Pilier du noyau dur de la Team France Export (TFE), sous la supervision des Régions, aux côtés de Business France et de Bpifrance, elles ont été aux premières loges lorsqu’il a fallu venir au secours de tissus économiques de PME et TPE mis à genoux par les mesures de restriction sanitaire.
Rien de mieux que ce réseau pour faire connaître aux entreprises en un temps record les mesures de soutien et de relance que le gouvernement a déployé depuis le premier confinement. Pour les mesures export de ce plan de relance, cette machine a manifestement donné toute sa puissance au sein d’un écosystème de l’export par ailleurs activement mobilisé.
De fait, la campagne d’appels auprès des entreprises, opérée par les CCI à la demande de Bercy, pour faire connaître le plan de relance dans sa globalité, a permis de contacter des entreprises industrielles qui n’étaient pas forcément dans les bases de données de la TFE : sur 33000 entreprises contactées entre fin septembre et début novembre sur toute la France, 4500 PMI ont marqué un intérêt pour l’export et 660 pour un chèque export. Ces dernières ont été très vite rappelées par des conseillers TFE.
On comprend mieux pourquoi, dans ce contexte, les CCI ont réussi à échapper, au moins pour 2021, à un nouveau coup de rabot à leurs ressources fiscales issues des taxes affectées dans le cadre de la Loi de finance pour 2021 : elles seront maintenues à leur niveau actuel en échange d’un engagement à continuer à participer à la mise en œuvre concrète du plan de relance. Les moyens dédiés à la Team France Export, notamment le nombre de conseillers internationaux, ont de toute façon été sanctuarisés au sein du réseau CCI dans le cadre du Contrat d’objectif et de performance (COP) signé par CCI France et Bercy le 15 avril 2019.
« Au 1er octobre, il a suffi d’appuyer sur le bouton »
La crise sanitaire est arrivée à un moment où la construction de la TFE, nouveau dispositif de guichet unique pour les aides à l’export voulue par une réforme lancée en février 2018, était en place. Dans les premiers mois, elle a même contribué à resserrer les liens entre les différents acteurs d’un écosystème longtemps éparpillé entre différentes chapelles.
« La Team France Export a dû se mobiliser face à la crise sanitaire, rappelle Philippe Bagot. Il y a eu un processus de concertation mis en place à l’initiative du président des CCEF Alain Bentéjac associant les acteurs publics et privés au sein du groupe Solex : il y a eu des réunions hebdomadaires pendant tout le mois d’avril et de mai, cela ne s’était jamais produit auparavant. Cela nous a fantastiquement préparé pour le plan de relance. Au 1er octobre, il a suffi d’appuyer sur le bouton ».
« Les temps ont changé », « cette crise a permis de faire passer le dispositif TFE plus rapidement à une phase cohérente et solidaire », insiste Philippe Bagot, qui est chargé, au sein de CCI France, de faire le lien entre Business France et le reste du réseau et d’animer ce dernier. « Nous sommes en liaison avec Business France au quotidien. Nous sommes vraiment la cheville ouvrière de l’animation du réseau et d’interface avec Business France », ajoute-t-il.
La marque CCI International sera conservée
L’organisation est en place. L’équipe de Philippe Bagot, au siège de CCI France à Levallois-Perret, en proche banlieue de Paris, est légère et composée de bons connaisseurs de l’écosystème export : Samira Roussi s’occupe de la communication, de l’animation et de la formation au sein de réseau. Matthieu Montagron est en charge des relations institutionnelles. Christophe Duday anime le réseau CCI International avec ses directeurs dans les CCI. Et enfin Bruno Catherin s’occupe de l’indispensable CRM (système de gestion de la relation client) commun à Business France et aux CCI « One Team », mis en place par Business France dans le cadre de la réforme.
La structure CCI International, marque commune aux CCI qui permettait de mutualiser leurs ressources et d’harmoniser leurs offres de prestations aux entreprises en matière d’internationalisation, est appelée à disparaitre mais la marque elle-même va demeurer. « L’association nationale va être dissoute dans le courant de 2021 mais la marque CCI International est conservée car elle nous est utile au niveau régional pour clarifier le périmètre de notre offre de services aux entreprises », précise Philippe Bagot.
De quoi rassurer les personnels et cadres consulaires qui craignent une trop forte hégémonie de Business France dans le dispositif : les CCI pourront ainsi continuer à se différencier hors de la TFE.
Les ressources et les missions confiées aux CCI en matière d’internationalisation des entreprises sont gravées dans le marbre du COP, et au service des missions de la TFE. « Le Contrat d’objectif et de performance signé en avril 2019 a reconnu aux CCI un rôle essentiel en matière d’accompagnement des entreprises à l’international avec deux missions : la première concerne la sensibilisation, l’information, l’animation des entreprises sur les opportunités de l’international et la seconde consiste à qualifier, préparer et projeter les prospects pour en faire des exportateurs dans le cadre de la TFE ». En 2019, 1100 événements ont été organisés par les CCI dans cet objectif.
« Un système extrêmement imbriqué, qui fonctionne bien »
Côtés effectifs, sur 250 conseillers TFE répartis sur le territoire au service de l’internationalisation des PME, 140 ETP (équivalent temps plein) viennent des CCI mais c’est au total 160 conseillers, en comptant ceux qui ne s’y consacrent pas en temps complet, qui sont mobilisés par ces missions. Business France fournit pour sa part 30 conseillers auxquels il faut ajouter une cinquantaine de Chargés d’affaires internationaux travaillant avec Bpifrance, les directeurs CCI et les coordinateurs Business France.
Au départ perçue comme délicate en raison des rivalités longtemps affichés entre les CCI et Business France avant la réforme de 2018, la construction de ce dispositif a, semble-t-il, finalement trouvé ses points d’appui. « Sur le terrain, les rôles sont bien répartis au sein de la TFE : les CCI assurent le contact avec les PME grâce à leur maillage des territoires, ainsi que les passerelles avec les écosystèmes locaux, Business France apporte son expertise sectorielle et son réseau international. Enfin, Bpifrance prend en charge les financements et l’assurance-crédit et prospection », assure Philippe Bagot.
« Au niveau des équipes, les directeurs internationaux des CCI sont appuyés par des coordinateurs de Business France pour le pilotage opérationnel des conseillers internationaux : c’est devenu un système extrêmement imbriqué qui fonctionne bien », souligne-t-il.
Une feuille de route « par client »
Alors que la crise sanitaire est loin d’être terminée, avec cette seconde vague de la Covid-19 qui tarde à prendre fin et l’incertitude qui demeure sur son évolution en 2021, la promotion des mesures export du plan de relance va rester, pour quelques mois encore, en tête des priorités d’action. Avec une approche pragmatique, adaptée à ces circonstances inédites : « nous n’avons pas une feuille de route globale, mais une feuille de route par client », explique Philippe Bagot.
Compte tenu du bouleversement du calendrier des foires et salons et des changements brutaux dans les pratiques de prospection, qui ont dû basculer dans les solutions numériques, « nous sommes obligés de piloter à vue, marché par marché, secteur par secteur ».
D’où la pertinence du chèque export, valable tout autant pour de la préparation que pour une participation à un événement international. L’objectif fixé par le gouvernement est d’en délivrer 15 000 entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre 2021, et les CCI compte y prendre toute leur part.
Christine Gilguy