En cette période aussi dure qu’incertaine, rares sont les témoignages de PME et d’ETI qui résistent à la crise et parviennent à s’ouvrir des perspectives. La 13ème édition de la semaine Faites de l’international, organisée pour la première fois au format 100 % virtuel pour cause de pandémie par la CCI Paris Île-de-France du 26 novembre au 2 décembre, a donné l’occasion aux entreprises franciliennes d’en saisir quelques unes à l’export.
Comme chaque année, cet événement réuni tous les acteurs du dispositif de soutien à l’export, dont la Région est le chef de file depuis la réforme de 2018 et la création de la Team France Export. Quelque 600 participants connectés de toute la Région ont été recensés sur l’ensemble du programme dense d’ateliers, webinaires et visioconférences.
Lors d’une visioconférence sur le thème du « Commerce extérieur face à la crise », animée le 2 décembre par Christine Gilguy, rédactrice en chef du Moci, les principaux acteurs de la Team Île de France de l’Export, en présence du ministre en charge du Commerce extérieur Franck Riester, et des dirigeants de PME lors d’une table-ronde, ont ainsi fait un point sur les leviers du Plan de relance export mis à la disposition des entreprises et partagé leur expérience pour construire de nouvelles approches à l’international.
La Région Ile-de-France a attribué 150 chèques relance export
La situation en Île de France est à l’image de ce que traverse le pays à la suite de la crise sanitaire. Alexandra Dublanche, vice-présidente chargée du développement économique et de l’attractivité de la Région, a rappelé que les exportations franciliennes ont chuté de 40 % au second trimestre 2020, soit nettement plus que la moyenne nationale (-25 %).
Une situation qui appelle un rebond d’autant plus inévitable que les entreprises ne sont pas restées inactives au plus dur de la crise et que le dispositif d’accompagnement est solide. La région Ile-de-France compte a elle seule 35 conseillers de la Team France Export (sur 250 sur le plan national), fournis par la CCIP Île de France et Business France.
Depuis deux ans, cette « Team » a qualifié 2 500 entreprises pour l’international. Elle a par ailleurs déjà attribué 150 chèques relance export qui permettent depuis le 1er octobre de financer 50 % des frais de missions de prospection à l’international dans la limite de plafonds. Un levier de croissance précieux pour les entreprises qui veulent trouver des relais de croissance ailleurs que sur le marché domestique quitte à se frotter à une concurrence accrue.
Pour Didier Kling (notre photo), président de la CCI Paris Ile-de-France, une entreprise qui va à l’international est en effet « une entreprise qui va plus vite, qui face à la concurrence doit être plus compétitive et doit développer l’innovation ». Autrement dit, une entreprise qui sait s’adapter et transformer les contraintes en opportunités. C’est exactement ce qu’ont fait certaines PME face à l’impossibilité de se déplacer et de faire de la prospection.
Comment Eurodélices et Light and Shadows digitalisent leur prospection
Les problèmes auxquels ont dû faire face les PME exportatrices sont très concrets.
Comment, par exemple, exporter des produits alimentaires si on ne peut plus les goûter ? C’est le dilemme qu’a dû résoudre Abdelbari Benbrahim, fondateur et dirigeant d’Eurodélices qui accompagnent des sociétés françaises du secteur agroalimentaire sur le grand export (hors Union européenne). C’est grâce à une mission Taste France qu’il a pu faire goûter ses produits à 160 importateurs et distributeurs à Taïwan, en envoyant au préalable des échantillons au bureau de Business France sur place. « Nous échangeons actuellement avec 10 d’entre eux », a confié le dirigeant.
Jordane Richter, directeur marketing de Light and Shadows, spécialiste des technologies 3D, s’est pour sa part trouvé dépourvu quand les usines de ses clients PSA et Renault sont passées au chômage partiel. La société a fait le choix de profiter de ce temps de pause forcée pour participer à une rencontre virtuelle organisée par Business France avec des clients potentiels du secteur de l’équipement automobile en Allemagne.
L’entreprise a également intensifié sa conquête des marchés coréen et nord-américain, et fait une demande de chèque relance export pour la prochaine Foire d’Hanovre, grand rendez-vous mondial de l’industrie. Alors que le distanciel est devenu la norme dans les relations d’affaires, les nouvelles technologies, dont celles élaborées par Light and Shadows, ont le vent en poupe et la crise sanitaire leur ouvre de nouvelles perspectives.
La crise a paradoxalement permis des ouvertures de nouveaux marchés
Même cas de figure pour Franklab, lauréat du programme PM’UP de la Région Ile-de-France en 2018 et qui bénéficie à ce titre d’un accompagnement de trois ans pour se développer à l’international.
Cette PME fabrique en effet des produits désinfectants pour la santé, dont des solutions hydroalcooliques. Une denrée rare partout dans le monde pendant les premiers confinements. « Nous avons du refuser des commandes, connu des problèmes d’approvisionnement et de logistique avec des perturbations dans les rotations de bateaux », a témoigné Vanessa Rey, responsable export.
Non contente de parvenir à fournir ses clients, l’entreprise dont l’export compose 40 % du chiffre d’affaires et qui dispose d’un V.I.E. au Mexique, Franklab a mis la crise sanitaire à profit pour prendre pied en Inde, marché réputé complexe. « Nous pensions y aller d’ici 5 ans, mais le projet s’est accéléré : nous fabriquons des produits réglementés et avec la crise le système d’enregistrement des produits de santé d’utilité immédiate a été beaucoup plus rapide que d’habitude », a relaté Vanessa Rey.
Quant à Lameco, spécialiste des cales de réglage pour pièces mécaniques de haute précision, l’entreprise qui réalise 70 % de son chiffre d’affaires à l’export, s’était déjà tournée vers l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande. « Pendant la crise, nous avons bénéficié d’un accompagnement de Business France pour le Japon, l’Australie et Israël et avons signé des contrats dans ces deux derniers pays », a relaté son P-dg, Daniel Gastel. Lameco a par ailleurs fait deux demandes de chèque relance export et déposé un dossier pour une aide à la prospection auprès de Bpifrance.
Le tout digital une solution miracle ?
Webinaires, rencontres avec des donneurs d’ordres, dégustations à distance, salons virtuels, places de marché… Le digital a envahi le quotidien des directeurs export. Est-ce pour autant une solution d’avenir ? La réponse est quasi unanime : avec la réduction des déplacements internationaux, l’utilisation de ces solutions va s’installer durablement, mais rien ne remplacera le contact client.
Jordane Richter y voit une opportunité : « Dans mon secteur nous travaillons déjà comme ça ! ». Daniel Gastel également : « on va diviser par dix nos budgets de déplacements ». Une aubaine pour le chef d’entreprise mais pas seulement pour des raisons économiques : « même si la rencontre physique est indispensable, les déplacements sont très fatigants et je trouve les échanges à distance plus fructueux ».
Ces entreprises, chacun dans leur secteur, ont su s’adapter à des conditions exceptionnelles de la Covid-19 et profiter d’un ralentissement de leur activité pour démarcher de nouveaux pays, aller à la rencontre de partenaires potentiels, même par écrans interposés. Une stratégie gagnante comme l’a souligné Abdelbari Benbrahim qui dirige une PME travaillant à 100 % à l’international : « Nous travaillons à 70 % avec des supermarchés et à 30 % avec l’hôtellerie-restauration, un secteur qui n’est pas reparti. Cela signifie une baisse de 30 % du business. Durant la crise, les importateurs et les distributeurs ont eu plus de temps et ont finalement été plus à l’écoute. Nous avons pu démarcher trois ou quatre nouveaux pays et notre baisse du chiffre d’affaires sera finalement de – 20 % cette année ».
Sophie Creusillet