Pousser les entreprises à accélérer à l’export et intensifier le « verdissement » des projets et des aides financières : tels sont les deux tendances fortes de la stratégie du gouvernement français en matière de soutien au commerce extérieur qui se dégagent des déclarations entendues lors Bercy France export, l’événement annuel du ministère de l’Économie et des finances tenu le 2 février en format 100 % digital en raison des restrictions sanitaires. Près de 1000 participants étaient inscrits.
Bruno Le Maire l’a redit une nouvelle fois à sa manière, le « quoiqu’il en coûte » joue aussi pour les soutiens à l’exportation, notamment les PME et ETI, avec des capacités de soutien et des mesures spécifiques. Pour 2021, sa priorité « est la mise en œuvre rapide et agile du Plan de Relance Export », en recherchant « l’efficacité », a martelé le ministre de l’Économie, des finances et de la Relance.
La conquête de marchés à l’export est d’autant plus cruciale que le rebond de l’économie française espéré en 2021 se fait attendre en raison de la nouvelle vague pandémique qui frappe l’Europe : après une récession de -8,3 % en 2020, Bercy espère renouer avec une croissance de l’ordre de 6 % cette année. Mais cela dépendra de l’efficacité des campagnes de vaccination et de la capacité des entreprises à repartir après avoir été mises sous perfusion. Autant d’incertitudes qui persistent.
Retrouver une dynamique forte à l’international
Mais les marchés d’exportation font partie des leviers que le gouvernement ne veut pas négliger. « Le rebond dépendra notamment de la capacité des entreprises françaises à retrouver une dynamique forte à l’international » a résumé Emmanuel Moulin, Directeur général du Trésor.
Ce pari n’est pas gagné d’avance. En 2020, comme la rappelé Alain Griset, le ministre délégué en charge des PME, la crise sanitaire a stoppé net une tendance positive à l’augmentation du nombre d’exportateurs (+ 5000 depuis 2017, approchant les 130 000). « 6420 entreprises ont été accompagnées par Business France en 2020, c’est 38 % de moins qu’en 2019 » a relevé le ministre.
Ce qui justifie la mise en place du volet export du Plan de Relance, d’un montant de 247 millions d’euros, avec des mesures spécifiques dont certaines viennent d’être encore renforcées.
Elles ont été rappelées et précisées tout au long de cette journée, les voici pour rappel :
–Gratuité des prestations d’information fournies par Business France (à partir de début février, une offre de veille pays/secteur personnalisé sera proposée pour chaque entreprise qui s’enregistrera sur les plateformes Team France Export)
–Chèque relance export pour la prise en charge de 50 % des frais de participation à des opérations collectives ou individuelles de prospection et chèque relance VIE (5000 euros) ;
-Mécanisme de soutien à l’assurance-crédit court terme Cap Francexport et Cap Francexport + (ses modalités ont été récemment assouplies et il a été prolongé jusqu’à juin 2021) ;
-Prolongation d’un an des contrats d’assurance prospection que gère Bpifrance Assurance Export, augmentation de l’avance de trésorerie immédiate (de 50 à 70 % du budget pris en garantie) et augmentation de l’enveloppe budgétaire dédiée à ce mécanisme (Loi de finance pour 2021) ;
-Mise en place d’une nouvelle assurance prospection « accompagnement » pour de petits budgets de prospection (jusqu’à 40 000 euros) dédiée au primo exportateurs et TPE ;
-Doublement de l’enveloppe de subventions du Fasep (à 50 millions d’euros), que gère la DG Trésor, dédiée aux études de marché et démonstrateurs ;
Des bonus pour les projets « verts »
Franck Riester, ministre en charge du Commerce extérieur et de l’attractivité, qui a déjà effectué 16 étapes régionales ou sectorielle d’un « relance export tour » digital entamé en septembre dernier, s’est félicité de la mobilisation générale qui a permis une mise en œuvre rapide de ces mesures à partir de l’automne 2020 : « plus de 1700 chèques relances export » ont déjà été distribués (sur un objectif de 15 000), et plus de 100 chèques V.I.E.
Mais il n’a pas manqué de rappeler l’autre orientation forte de la stratégie gouvernementale en matière de soutien à l’export : sa mise en cohérence avec l’objectif de transition écologique porté par le Plan de Relance, qui y consacrera 30 milliards d’euros (sur un total de 100 milliards).
La question environnementale sera une des priorités de la présidence française du conseil de l’Union européenne, à partir du 1er janvier 2022, et la France soutient la mise en place, au niveau européen, d’une taxe carbone aux frontières. Mais si les États doivent donner l’impulsion, les entreprises doivent être « responsabilisées », a indiqué Franck Riester : c’est l’objet du « verdissement des financements export », dont l’efficacité passera aussi par « l’augmentation des standards des acteurs privés » dans ce domaine.
Bruno Le Maire l’avait précédé dans cette voie. Pour le ministre de l’Économie et des finances, au-delà de la conjoncture, la relance « doit être verte », et les soutiens à l’export de l’État devront de plus en plus favoriser les projets d’exportation qui servent le développement durable et contribuent à la lutte contre le changement climatique.
Dogger Bank, le projet qui coche toutes les cases
Le ministre de l’Économie et des finances ne s’est pas privé de rappeler que la France a été le premier pays au monde à se doter d’un plan climat pour ses financements export et à inscrire dans une loi, la Loi de finance pour 2021, un calendrier précis d’arrêt des financements export pour les projets d’exploration et de production pétroliers et gaziers (qui s’étale du 1er janvier 2021 au 1er janvier 2035), une exclusion des projets aggravant l’intensité carbone des mix énergétiques des pays, et la mise en place d’incitations via des « bonus climatiques » aux entreprises porteuses de projets durables (selon la taxonomie européenne).
A cet égard, l’un des témoignages d’entreprises présentés dans de courtes vidéos durant la matinée coche toutes les cases de cette taxonomie en cours de construction : celui de Steven Curet, de GE Renewable Energy, sur le projet de parc éolien offshore géant de Dogger Bank (280 éoliennes en mer, 3,6 GW de capacité), au large des côtes du nord est du Royaume-Uni.
Cette filiale française de GE, tête de pont d’une nouvelle filière industrielle de l’éolien offshore, a remporté le marché des éoliennes de la troisième phase de ce projet, avec son modèle de turbines géantes de dernière génération Haliade-X (notre photo). Celles-ci seront produites par ses ateliers de Cherbourg (pales) et Saint-Nazaire (nacelles et générateurs). L’État, via Bpifrance assurance export, a pris en garantie les deux premières tranches de financement de cette opération, ce qui a « permis d’atteindre le closing » s’est réjoui le responsable.
Les « bonus » dont bénéficieront les projets d’exportation en quête de financement validés comme « durables », sont loin d’être négligeables : pour les prêts du Trésor, exigences de part française réduite de 70 à 60 % pour les prêts concessionnels, de 50 à 35 % pour les prêts directs ; quotité garantie portée à 85 % pour l’assurance-crédit export (avec seulement 20 % de part française) et possibilité de prise en garantie de projets de montant inférieur à 50 millions d’euros pour prendre en compte ceux des PME et ETI ; enveloppe d’assurance prospection réservée aux entreprises de la filière énergies renouvelables…
Les entreprises exportatrices ne doivent pas s’y tromper : cette orientation des soutiens de l’État vers les projets « verts » va inspirer – inspire déjà – tout le dispositif d’aide à l’exportation, qu’il s’agisse des mécanismes existants comme des mesures qui ont été mises en place dans le cadre du volet export du plan de relance, aujourd’hui toutes opérationnelles.
Christine Gilguy