Le 1er juillet
prochain, la nouvelle loi polonaise sur les déchets entrera en vigueur. Alors
que jusqu’à cette date, les citoyens et les entreprises négociaient directement
avec des sociétés de collecte, la propriété des déchets ménagers va revenir aux
municipalités, qui vont devoir se doter d’unités de traitement et valorisation
pour se hisser aux normes européennes en matière d’environnement.
Ce transfert
de responsabilité intéresse au plus haut point les spécialistes du traitement,
alors que les collectivités locales polonaises s’interrogent sur les moyens techniques et
financiers à mettre en place.
Dans cette bataille qui va
opposer en Pologne les grands collecteurs de déchets, le français Sita, filiale
de Suez Environnement, semble avoir pris une longue d’avance, après avoir gagné
un contrat d’incinérateur à Poznan, une ville de 550 000 habitants à
l’ouest de Varsovie. Sita Zielona Energia (Énergie verte, en français), une
joint-venture à part égale entre Sita Polska et le fonds d’investissement
Marguerite, l’a emporté dans le cadre d’un appel d’offres de partenariat public-privé
(PPP), le premier jamais réalisé en Pologne.
Il y a une semaine à Varsovie (21
juin), le patron de Sita Polska, Jean-Michel Kaléta, relatait que la
municipalité était entrée en négociation exclusive avec Sita Zielona Energia le
21 décembre 2012. Le contrat a été
annoncé par Suez Environnement en avril dernier.
« Sita est le project
manager. Il conçoit donc l’ouvrage, mais ne le construit pas, ni le finance. En
revanche, au terme de la construction qui doit être achevée au second semestre
2016, il en assurera l’exploitation et la maintenance pendant 25 ans »,
expose le patron de Sita Polska, qui a retenu les entreprises Hochtief, un des
grands noms du BTP dans le monde, et Hitachi Zosen Inova, le leader planétaire
des procédés de valorisation énergétique de déchets, pour réaliser l’ouvrage sur
un terrain mis à disposition par la municipalité de Poznan dans le district de
Karolin.
Des fonds de cohésion européens sont injectés dans le projet
« L’autre innovation du projet, c’est
l’injection de fonds européens à côte de financements bancaires », insiste
le directeur général de Sita Polska. Le coût de la construction, de l’ordre de
180 millions d’euros, sera assumé à hauteur de 20 % par les deux actionnaires
de Sita Zielona Energia et de 80 % par les trois principales banques sur le
marché domestique, PKO BP, Pekao SA (Unicredit) et BGK qui fourniront l’emprunt
à long terme pour le financement du projet sans recours. Mais, précise
Jean-Michel Kaléta, « l’affaire est conçue de façon à ce que la
municipalité puisse bénéficier, à l’horizon 2013-2017, des fonds européens pour
lui permettre d’abaisser sa dette ».
A noter que le Fonds d’investissement
Marguerite, un des deux actionnaires de la société concessionnaire, est
parrainé par des établissements financiers de référence en Europe, dont PKO BP,
mais aussi la Caisse des dépôts et consignations et la Banque européenne
d’investissement (BPI).
Ainsi, une fois l’incinérateur
construit, le concessionnaire sera rémunéré par la ville sur la base d’un prix
de traitement de 90 euros par tonne incinérée, défini en commun. C’est, en
fait, le tarif que devra respecter la municipalité si le financement est
totalement assuré par les banques. Explication : même s’il est acquis,
l’engagement de l’Union européenne (UE) n’est pas encore officiel à ce jour. Quand
il le sera et il est important, puisque les fonds européens constitueront 40 à
45 % du financement global, la cité polonaise pourra rembourser une partie de
son investissement et ce qu’il devra sortir directement de son budget ne sera
plus de que 65 à 70 euros par tonne, lui permettant au passage de réduire le coût du service pour les habitants. Pour Sita Zielona Energia, sur la durée d’exploitation de 25 ans, le contrat doit générer un chiffre d’affaires d’environ 850 millions d’euros.
L’incinérateur de Poznan possèdera
une capacité de traitement de 210 000 tonnes par an, ce qui correspond à plus de cinq fois la production annuelle de l’incinérateur de Varsovie
(40 000 tonnes), le seul existant, à l’heure actuelle, en Pologne. La
chaleur ainsi produite sera récupérée par l’actuel opérateur de la centrale de chauffage
urbain, en l’occurrence la
société Dalkia, filiale du français Veolia, qui s’est engagé
à reprendre un volume minimal. « La chaleur sera alors vendue à un tarif
défini par le régulateur polonais et l’électricité ainsi produite sera livrée
au prix du marché, tous les revenus revenant alors à la ville », souligne
Jean-Michel Kaléta.
Lodz et Gdànsk intéressés par un partenariat public-privé
Grâce à ce premier PPP en
Pologne, Sita se positionne avec une offre déjà expérimentée dans le groupe. Sa
maison mère, Suez Environnement, possède, en effet, une longue expérience des contrats de partenariat privé-public au Royaume-Uni, les PFI (Private
Finance Initiative).. Quand la Pologne est entrée dans l’UE en 2004, elle a
promis de diminuer l’enfouissement – qui représente 78 % des 12 millions de
tonnes de déchets ménagers produits tous les ans – en améliorant le recyclage
et la valorisation.
Or, d’autres villes ont manifesté leur intérêt pour un PPP, notamment
Lodz (725 000 habitants) et Gdànsk (460 000 habitants).
A Poznan, Sita est parvenu à
devancer ses concurrents, comme Veolia, Wheelabrator, EoN ou Remondis. La société
du groupe Suez Environnement peut donc espérer convaincre d’autres
municipalités d’adopter ce modèle de conception-construction-financement-exploitation,
même si certaines semblent plutôt, dans l’immédiat, privilégier un système simple
de conception-construction. C’est le cas de Cracovie, Bydgoszcz-Torun,
Szczecin, Bialystok et Konin.
Enfin, Sita garde un œil sur les
agglomérations les plus pauvres en systèmes d’administration des déchets,
lesquelles devront rapidement réagir pour atteindre les objectifs européens. En
particulier, la région de Katowice, la cité de Wroclaw et surtout la capitale. A Varsovie,
Jean-Michel Kaléta plaidait pour le PPP qui « donne, selon lui, une
visibilité budgétaire à long terme » au client. « L’investisseur est
engagé sur l’exploitation et la maintenance », alors que, dans l’autre
système, affirme-t-il, « le risque tant pour l’exploitation que la
maintenance est porté par la municipalité ».
Pour gagner son pari dans la patrie de
Frédéric Chopin et Lech Walesa, Sita peut encore s’appuyer sur sa connaissance
fine du terrain. Présent en Pologne depuis 1992, il est numéro un sur le marché
domestique en matière de gestion des déchets et de propreté urbaine et
également leader dans la production de carburants alternatifs pour les
cimenteries, avec deux unités en Mazovie (Sita Radom) et en Silésie (Sita
Starol). Sita Polska (2 600 employés, 160 millions d’euros de chiffre
d’affaires en 2012) gère ainsi plus de 1,1 million de tonne de déchets, dont
600 000 tonnes de déchets ménagers. Du coup, l’entreprise espère bien
convaincre les collectivités locales polonaises du confort apporté par les PPP.
De notre envoyé spécial en Pologne
François Pargny