Entre chute de la demande dans les pays avancés, difficultés
d’accès aux financements et montée du protectionnisme, la mondialisation du
commerce est-elle remise en cause aujourd’hui ? Les réponses sont
différentes selon le point de vue d’où l’on se place. En témoigne les points de
vue entendus lors de la table ronde sur « la mondialisation sous tension ? »,
dans le cadre du colloque annuel de la Coface sur le risque pays, hier 22 janvier à
Paris.
Montée du
protectionnisme : quel protectionnisme ?
Alors que la France est actuellement traversée de débats sur la question du patriotisme économique et de la réciprocité des échanges, Marc Auboin, conseiller chargé des questions commerce et
finances et cohérence des politiques économiques à l’OMC, a relativisé le problème : il parle d’un
« protectionnisme de basse intensité », les mesures prises par
certains Etats depuis la crise financière de 2008-2009 faisant partie des « flexibilités » permises par l’OMC. Au final, selon lui, elles ne concernent « que 2 à 3 % du commerce mondial ». « Il
y a cette tension, nous regardons au cas par cas et faisons la liste des cas
pour les soumettre à l’examen du G20 » a-t-il précisé. « Il ne faut
pas oublier que le contenu en importations des exportations a beaucoup
augmenté : il est de 40 % dans les pays avancés et de 60 % dans les pays
émergents. Il s’agit de chaînes de valeur très sensibles. Un gouvernement
réfléchit à deux fois avant de prendre une décision protectionniste ».
Frédéric Sanchez, président du Directoire de
Fives, n’était pas tout à fait de cet avis : « ce que l’on voit, ce
sont des mesures plus insidieuses touchant aux normes, à la facilitation du
commerce ou à l’évolution erratique des taux de change ». Yves Zlotowski a
abondé dans ce sens, notant le lancement de plans d’infrastructures réservés
aux nationaux dans des pays émergents comme le Brésil ou encore le
développement de nouvelles barrières administratives avec la réapparition de
licences d’importation dans certains secteurs.
Et l’industriel français est revenu à la
charge sur la question des taux de change : « c’est un vrai souci
immédiat » a expliqué Frédéric Sanchez, dont les sites de production sont en
France et dont les concurrents sont principalement européens et asiatiques,
surtout japonais. Or, l’euro reste surévalué par rapport au dollar et au yen et
les taux de changes connaissent des variations très rapides qui compliquent la
tâche de ceux qui signent des contrats en s’engageant sur des prix.
« Pourquoi la Banque
centrale européenne propose-t-elle un taux d’intérêt à 1 % alors que les banques
centrales américaine et japonaise sont à 0 % ? ». Question restée
sans réponse…
Crédit export crunch
ou pas ?
Pour Marc Auboin, vu de l’OMC, le financement du commerce
international (80 % du commerce mondial nécessitent un crédit), qui avait suscité des inquiétudes en raison de la crise
bancaire de 2008-2009 et du durcissement des règles prudentielles imposées aux
banques, ne pose plus problème : « grosso modo, le marché est
financé » a-t-il assuré, précisant que l’immense majorité des opérations de
commerce international nécessitait des crédits de court terme, de moins d’un an.
« Des banques se retirent, d’autres prennent des parts de marché »
comme les établissements chinois ou japonais. Toutefois, le conseiller de l’OMC a reconnu que la
demande de financement pour les opérations de commerce international était en
croissance, et que «certaines banques françaises qui avaient voulu s’en
retirer y reviennent à la demande de leurs clients ». Sans doute moins lucratives pour les banques que les opérations de marché, elles sont en revanche très sûres : un taux de défaut (impayé) d’à
peine 0,2 %, « soit 40 fois moins que dans l’immobilier aux
Etats-Unis », selon une étude conjointe menée par l’Union de Berne et la Chambre de commerce
international (ICC). Le comité de Bâle a d’ailleurs revu à la baisse ses exigences prudentielles sur les
financements du commerce international pour tenir compte de ces réalités, il est vrai sous la pression conjointe des banques, de l’OMC et de l’ICC.
Sur
les demandes de financements de moyen et long terme, les Etats, via leurs
agences de crédit export, ont par ailleurs compensé le retrait des banques. Le
banquier Peter Luketa, Global head Export Credit and Global specialised Finance
de HSBC, a confirmé : « le marché du crédit export atteint
aujourd’hui 125 milliards de dollars contre 35 milliards il y a dix ans. Et 80 %
des financements de projets actuellement ont le soutien d’Agence de crédit
export contre 20 % auparavant ». Une réalité confirmée par Yves Zlotowski,
qui a précisé : « il n’y a pas d’export credit crunch mais l’on
constate un boom des financements export long terme des banques asiatiques, en
particulier japonaises ».
Restent les problèmes d’accès aux liquidités –
notamment en dollars – des banques de la zone euros, notamment françaises,
qui ont, pour cette raison, opéré des retraits drastiques des financements
aéronautiques. « L’Europe n’est plus présente sur les financements export
en dollars, les constructeurs aéronautiques se financent auprès des banques
asiatiques », a constaté Frédéric Sanchez. « Des correctifs sont
actuellement mis en œuvre en France pour améliorer la disponibilité des
financement » a-t-il précisé, faisant allusion aux récentes mesures
adoptées par le gouvernement pour renforcer le dispositif français d’aides
publiques aux financements aéronautiques. Le banquier Peter Luketa, pour sa part,
noté que « toutes les banques ont à résoudre des problèmes d’accès aux
liquidités » actuellement, mais qu’il était intéressant de constater que
certains fonds de pension s’intéressait désormais au financement du commerce
international…
Christine Gilguy
Pour prolonger
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