L’Afrique sera à nouveau une zone géographique en tête de l’agenda de la diplomatie économique française au premier semestre de cette année, alors que le prochain Sommet Afrique-France, dont l’édition 2020 prévue à Bordeaux avait dû être annulée pour cause de Covid-19, se tiendra du 8 au 11 juillet à Montpellier et mettra en avant les entreprises africaines et a filière de la Ville durable. Bpifrance y jouera une partition dédiée à la promotion de l’entrepreneuriat.
Construire un nouveau « narratif »
« Nos entreprises sont la base sur laquelle nous allons construire un nouveau narratif sur la relation franco-africaine » confie Pedro Novo, le directeur exécutif Export de Bpifrance, interrogé par Le Moci alors qu’il était en déplacement au Portugal, pays qui vient de prendre la présidence de l’Union européenne pour 6 mois et qui partage avec la France un tropisme africain (avec les pays lusophones) hérité de la période coloniale,.
Le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, autre pays dont les liens avec le continent africain -côté anglophone- sont ancrés dans l’histoire, crée en outre une opportunité pour la France d’accélérer la diversification de sa présence en Afrique en poussant ses entreprises à aller sur les marchés anglophones.
La visite exceptionnelle du président kényan Uhuru Kenyatta lors de l’événement phare de la banque publique française dédié à l’entrepreneuriat et l’innovation, BPI Inno Génération (BIG), en octobre dernier à Paris, rejoint par le président Emmanuel Macron pour un pitch exceptionnel, en est une bonne illustration.
De fait, sans délaisser l’Afrique francophone, après s’être rendu au Nigeria en juillet 2018, le président français a effectué une tournée au Kenya et en Ethiopie l’année suivante. La Covid-19 a bousculé l’agenda des déplacement présidentiels en 2020, mais l’Angola serait en vue pour cette année.
Bpifrance sera un des instruments de cette politique de reconquête pour le volet commercial et entrepreneurial, avec la DG Trésor et Business France, alors que l’Agence française de développement (AFD) et ses filiales (Expertise France, Proparco) demeure le bras financier de l’Etat pour le volet coopération et développement.
La banque publique prépare le terrain
La banque publique prépare déjà depuis plusieurs mois le terrain pour amener davantage d’entreprises françaises à s’intéresser aux opportunités du continent africain et à sa nouvelle génération d’entrepreneurs, malgré un contexte de crise sanitaire qui ne facilite pas les opérations.
Elle a lancé en octobre 2020, juste avant le deuxième confinement, sont quatrième Fonds de fonds pour l’Afrique, Averroès Africa, avec une levée de fonds de 100 millions d’euros, destinés à alimenter en argent frais des sociétés de capital-développement ciblant les PME africaines ou franco-africaines. Elle vient aussi de lancer la deuxième promotion de son programme d’accélérateurs d’entreprises sur l’Afrique, avec une vingtaine de PME françaises, et en prépare une nouvelle pour le premier semestre.
Ambition africaine renforcée
« Nous renforçons nos ambitions sur l’Afrique » résume Pedro Novo. Et aucun levier n’est négligé.
La diaspora africaine en France est ainsi un autre vivier dans lequel la banque publique espère puiser pour faire émerger des projets entrepreneuriaux innovants sur le continent. « On a fait une tournée avec le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) pour mesurer les besoins de la diaspora africaine et faire connaître aux entrepreneurs qui en sont issus nos outils, explique Pedro Novo. On va faire des propositions pour leur permettre de participer à des projets ».
Rendez-vous est fixé le 5 février avec le CPA et son coordonnateur Wilfrid Lauriano do Rego, pour faire un bilan de cette tournée, qui a permis de rencontrer une centaine de chefs et cadres d’entreprises issus de cette diaspora, et faire émerger une feuille de route concrète. « Nous pensons pouvoir porter une dizaine de projets chaque année » souligne Pedro Novo.
L’étape suivante sera, en juin, à Abidjan, un événement d’entreprises pour « mettre la lumière sur les talents africains », une sorte « BIG africain » indique Pedro Novo.
Meilleure coopération entre opérateurs sur les marchés d’infrastructures
Outre ce travail de terrain qui vise à tisser des liens avec les entrepreneurs africains et français, Bpifrance est également partie prenante, grâce à ses outils de financements et d’assurance export, du renforcement de la stratégie commerciale française pour essayer de faire gagner les entreprises tricolores face à une concurrence redoutable venue d’Europe et des pays émergents, en premier lieu la Chine, mais aussi la Turquie ou l’Inde.
La diplomatie économique a appris de ses échecs passés, en partie liés à l’absence de coopération et de coordination entre ses grands opérateurs que sont l’AFD, la DG Trésor, Bpifrance ou Business France. Aujourd’hui, les oppositions systématiques du passé ont fait place à la concertation. Et les entreprises devraient en tirer avantage sur le plan de l’efficacité du dispositif de soutien public, en particulier sur les marchés d’infrastructures.
Les demandes des gouvernements ou les opportunités de marchés publics locales dans ces secteurs remontent à présent des ambassades de France et, sous l’autorité de l’Elysée, sont centralisées par une cellule qui les diffuse auprès des principaux opérateurs. Chaque dossier est examiné et fait l’objet d’une concertation entre eux pour optimiser les possibilités offertes par chacun des opérateurs : « on détermine ce qui est gagnables ou pas, et avec quel instrument », se réjouit Pedro Novo.
De financement du développement en Afrique, il sera question lors du prochain Sommet sur le financement du développement organisé à Paris à l’initiative du président Macron, le 17 mai. Pour ce qui concerne le financement de projets commerciaux, Pedro Novo prédit une belle année 2021 en crédit export pour la banque publique, notamment grâce aux marchés décrochés par les entreprises françaises sur le continent africain avec son appui.
Christine Gilguy