Le 16 décembre dernier, à l’occasion de la visite de l’ex Premier ministre Jean-Marc Ayrault à Alger pour coprésider la réunion du premier Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN), les chantiers algérien Ecorep et français Piriou s’engageaient à construire et à réparer ensemble des navires de pêche et de servitude sur le site de Bouharoun, à 40 kilomètres à l’ouest d’Alger. Concrètement, les deux associés ont signé un partenariat pour créer une coentreprise, détenue à 51 % par Ecorep et 49 % par Piriou.
L’Algérie a besoin des savoir-faire et de technologies françaises. Alors que ses exportations hors hydrocarbures demeurent structurellement faibles et que ses importations ne cessent de grimper (moins de 34 milliards d’euros en 2011, plus de 41,3 milliards en 2013), elle doit pouvoir compter sur des partenariats pour bénéficier de transferts et inverser un jour cette tendance.
Pour favoriser l’industrialisation du pays, les autorités algériennes avaient choisi dans la loi de finances 2009 d’instituer la règle du 51/49, qui oblige les opérateurs étrangers à accorder à des intérêts locaux la majorité dans tout projet d’investissement. C’est le même objectif qui est recherché dans le cadre du partenariat industriel et technologique, institué par Alger et Paris en décembre 2012. L’Algérien Bachir Dehimi et le Français Jean-Louis Levet (notre photo) sont chargés de piloter cette coopération bilatérale. Avec Piriou, qui est une entreprise à taille intermédiaire (ETI), « il ne s’agit ni d’un contrat de livraison, ni d’assistance technique, ni d’un transfert de technologie simple, mais d’un projet de partenariat, de colocalisation », lâche Bachir Dehimi, également président du directoire de la SGP Equipag (Société de gestion et participation dans les équipements industriels et agricoles).
Une coopération multiforme : formation, normalisation, métrologie…
A l’heure actuelle, « 35 projets sont retenus, notamment 12 dans l’industrie et 17 dans la sous-traitance », selon Bachir Dehimi, Lors des Rencontres Algérie organisées par le Sénat et Ubifrance le 15 mai, il a évoqué rapidement l’impact pour le réseau des PME de l’investissement de Renault à 25 kilomètres d’Oran. De fait, d’ici quelques mois, Renault sortira les premières voitures de son usine algérienne. Quelque 25 000 voitures seront alors montées tous les ans, un volume qui sera porté à 75 000 à partir de 2019 pour couvrir le marché domestique. Le taux de motorisation en Algérie est encore « six à sept fois inférieur à celui de l’Europe de l’Ouest », selon Bernard Sonilhac, P-dg de Renault Algérie Production. Dans la zone d’implantation, 50 hectares ont été réservés à des PME, donc à des sous-traitants du groupe automobile.
La coopération interentreprises n’est qu’un volet du partenariat franco-algérien. Pendant la visite de Jean-Marc Ayrault, plusieurs accords ou protocoles d’accord ont été conclus dans la formation – avec le projet de fonder une Ecole nationale supérieure des métiers de l’industrie associant le ministère du développement industriel et de la promotion des investissements (MDIPI) et l’École des mines Paris Tech – dans la normalisation, avec un accord entre l’Association française et l’Institut algérien (Afnor et Ianor) – ou encore dans la métrologie -avec un projet de laboratoire algérien de référence signé entre le MDIPI et le Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE).
Un projet de plateforme numérique
Nommé en juin 2013 Haut responsable à la coopération industrielle et technologie franco-algérienne, Jean-Louis Levet a également cité au Sénat « un partenariat dans le numérique entre le grand opérateur français Bull, spécialiste du calcul intensif, l’Institut national de recherche informatique et en automatique (Inria) et le ministère algérien de la Recherche et de l’enseignement supérieur pour doter l’Algérie d’un centre de calcul haute performance et de simulation numérique ». Cette structure serait basée à Sidi Bel Abbès (Ouest). « Le protocole d’accord a été passé et le travail a commencé. Un groupe d’experts a remis son rapport et à la mi-2016 le centre devrait être opérationnel », estime Jean-Louis Levet.
Lors des Rencontres Algérie, Philippe N’Guyen, directeur général de Wana Consulting, une société d’infogérance et d’externalisation informatique, a dévoilé avoir « un projet de plateforme numérique avec Jean-Louis Levet ». Fondée en 2008 par deux jeunes, dont Philippe N’Guyen, ancien Volontaire international en entreprise (VIE) en Algérie, cette entreprise compte aujourd’hui 80 salariés, essentiellement des ingénieurs et techniciens supérieurs. Son premier client pour un contrat d’infogérance a été Sanofi Aventis. Et depuis, Wana, qui affiche, selon son directeur général, « une croissance à deux chiffres chaque année », a élargi le portefeuille des grands noms qui lui font confiance, parfois avec des contrats pluriannuels, comme Lafarge et Alstom, mais aussi des PME espagnoles ou allemandes ou encore des ambassades.
François Pargny