Après le lancement, le 31 janvier, par deux ministres, Nicole Bricq (Commerce extérieur) et Guillaume Garot (Agroalimentaire) d’un service personnalisé d’accompagnement à l’international des PME et ETI agroalimentaires, Benoît Tarche, chef du service Agrotech d’Ubifrance, explique en exclusivité au Moci le rôle que vont y jouer les Chargés d’affaires internationaux d’Ubifrance. Il fait aussi le point sur le Comité Asie, initié par les deux mêmes ministres, et sur les forces et faiblesses d’un secteur fortement exportateur, avec plus de 60 millions d’euros réalisés en 2013.
Le Moci. Le 30 janvier, la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, et son collègue délégué à l’Agroalimentaire, Guillaume Garot, ont annoncé « l’accompagnement personnalisé et dans la durée de 250 PME et ETI de croissance à l’export d’ici trois ans ». De façon concrète, comment les différents acteurs, Ubifrance au premier rang, vont travailler pour réaliser cet objectif ?
Benoît Tarche : C’est un objectif spécifique pour les entreprises agroalimentaires. Il complète et renforce la décision n°14 du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi qui a fixé à 1000, tous secteurs confondus, le nombre d’ETI et PME de croissance que doivent accompagner les Chargés d’Affaires internationaux (CAI) d’Ubifrance. En poste dans les différents bureaux régionaux de la banque publique d’investissement Bpifrance, les CAI sont les interlocuteurs de proximité de ces champions de l’export et leur mission est de bâtir avec chacun d’eux un plan d’actions sur trois ans, répondant à leurs principaux besoins : arbitrage de marchés et identification des conditions d’accès, prospection et mise en contact avec des partenaires ou clients, conseils pour l’implantation d’une filiale et pour le financement du développement international. Dans l’agroalimentaire, les CAI vont être soutenus par les référents régionaux IAA (industries agroalimentaires) du ministère de l’Agriculture. Ces derniers les aideront à détecter des sociétés à potentiel que le réseau Bpifrance n’a pas identifiées et apporteront leurs connaissances, par exemple en matière de procédures d’agrément ou de certificats sanitaires et d’utilisation du service en ligne Exp@don pour la recherche de certificats sanitaires et phytosanitaires.
Le Moci. Les fichiers d’entreprises d’Ubifrance vont donc s’enrichir au fil du temps…
Benoît Tarche : Oui, tout à fait. Le fichier cible des CAI compte environ 5 500 sociétés de tous les secteurs, répondant aux critères de Bpifrance Export, label export de Bpifrance : plus de 50 salariés, au moins 100 000 euros de chiffre d’affaires à l’export, entreprise indépendante d’un groupe et présentant un fort potentiel de hausse à l’export dans les cinq années à venir. Ce vivier de base, n’est évidemment pas fermé. Il est ajusté et complété avec l’aide des référents IAA.
Un nouveau service en matière de coaching pour le dépôt des marques commerciales en Chine
Le Moci. Nicole Bricq et Guillaume Garot ont aussi créé le Comité Asie dans l’agroalimentaire. Est-ce que l’Asie ne doit pas être la priorité géographique des entreprises françaises ?
Benoît Tarche : L’Asie est un débouché commercial évident mais, soyons clairs, qui n’est pas à la portée de toutes les entreprises ! Un développement en Asie s’appuie sur une stratégie très précise, inscrite dans la durée, avec desmoyens humains et financiers bien identifiés. De nombreuses recommandations du Comité Asie se sont déjà traduites dans les faits, qu’il s’agisse d’un assistant vétérinaire supplémentaire à l’ambassade de France à Pékin, d’un expert Ubifrance dédié au soutien réglementaire agroalimentaire dans notre bureau de Pékin, ou encore le lancement du nouveau service d’Ubifrance en matière de coaching pour le dépôt des marques commerciales en Chine. Ce service comprend un diagnostic sur les marques à protéger, une adaptation, avec un test, des noms des marques dans les différents dialectes chinois, une recherche d’antériorité et, enfin, une recommandation de différents agents accrédités pour déposer les marques. Le coût de ce service s’élève à 775 euros, ce qui pèse peu au regard de l’enjeu.
Renforcement du soutien aux entreprises des produits transformés par des actions collectives de mises en contact BtoB
Le Moci. La France est forte dans les céréales, les vins et spiritueux, les produits laitiers, l’épicerie fine ou encore des spécialités comme la génétique. Mais comment élargir la palette de nos produits et savoir-faire à l’international ?
Benoît Tarche : Nous y travaillons en renforçant notre soutien aux entreprises des produits transformés par des actions collectives de mises en contact B to B toujours plus pointues et des missions itinérantes d’approche régionale, portant donc sur plusieurs pays. Ainsi en 2014 nos missions « Saveurs de France » concerneront l’Europe (avec le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Pologne), l’Asie (Singapour, Hong Kong, Taïwan), l’Amérique du Sud (Argentine, Chili, Colombie), et l’Amérique du Nord (Canada, États-Unis, Mexique). Nous renforçons également nos actions en faveur des produits alimentaires intermédiaires (PAI) et des ingrédients et texturants. La France dispose de solides savoir-faire dans tous ces domaines, mais il nous faut continuellement renforcer nos conseils aux entreprises, les aider à construire leur stratégie dans la durée et à structurer, voire adapter leurs gammes export. Dans ces secteurs, il faut d’abord conforter les marchés de proximité avant de penser grand export. Dans notre guide gratuit de l’agroalimentaire « Où exporter en 2014 ? », nous faisons le point sur 28 marchés, certains majeurs, déjà bien connus, comme l’Allemagne, la Belgique ou l’Italie, mais aussi des outsiders que nous avons ajoutés cette année, comme l’Afrique du Sud, l’Australie, le Mexique, la Roumanie, la Turquie et le Vietnam dont les potentiels se confirment d’année en année.
Le Moci. Les conseils que vous donnez sont-ils très différents d’un secteur à l’autre ?
Benoît Tarche : Dans les vins et spiritueux, nous conseillons sur les marchés traditionnels de la France de plutôt se concentrer sur les jeunes consommateurs. De conforter, par ailleurs, les positions acquises en Chine, sans négliger les marchés en devenir comme l’Afrique, l’Asean et l’Amérique latine. S’agissant des petites entreprises, il est préférable d’adopter des formats collectifs de prospection – salons, conventions, etc. – pour des gammes de produits resserrées et, pour les coopératives, négociants et ETI, de compléter l’approche collective par une démarche plus personnalisée avec, le cas échéant, un élargissement de la gamme. Pour l’alimentation, c’est différent. Ubifrance sensibilise les entreprises à la nécessité de bien adapter leur documentation commerciale aux marchés, afin de pouvoir mettre en avant l’innovation et se démarquer de la concurrence locale. En matière de prospection, Ubifrance met l’accent sur les rencontres préparées et qualifiées avec les acheteurs étrangers dans les salons français. En matière d’internationalisation, ils progressent tous, évidemment le Salon international de l’alimentation (Sial), mais aussi MDD Expo et Sirha. Pour le Sial d’octobre, Ubifrance propose déjà aux exportateurs de toutes tailles des rendez-vous avec des acheteurs de 17 grands comptes étrangers.
Agrotech a réduit d’une dizaine d’unités le nombre de Pavillons France dans les salons à l’étranger en 2014
Le Moci. A cet égard, les économies demandées à Ubifrance se traduisent par la diminution du nombre d’opérations. Quel est l’impact sur le service Agrotech ?
Benoît Tarche : Il y a, certes, une rationalisation et une optimisation de notre programme d’opérations collectives (salons et rencontres), mais, en même temps, nous constatons que les entreprises, pour des raisons budgétaires, diminuent leur présence à l’étranger, arbitrant pour les évènements qui leur apportent le plus rapide retour sur investissement. Dans ce contexte, Agrotech a réduit d’une dizaine d’unités le nombre de Pavillons France dans les salons à l’étranger en 2014, et donc notre portefeuille en compte encore une quarantaine. En revanche, nous développons les opérations B to B qui sont très ciblées, avec un fort impact commercial pour les entreprises. C’est aussi le cas des accompagnements personnalisés, et Ubifrance s’appuie non seulement sur les CAI de Bpifrance, mais aussi, son service Agrotech accompagne aussi directement des entreprises qui n’entrent pas dans les critères très stricts de la banque publique.
Le Moci. S’agissant de l’équipement agricole, quels conseils donnez-vous aux entreprises ?
Benoît Tarche : Dans ce domaine, la France peut se féliciter de disposer d’entreprises avec des savoir-faire très pointus, dont plusieurs leaders mondiaux dans la pulvérisation, les machines à vendanger ou encore le travail du sol.. Nous leur proposons en 2014 une vingtaine de collectifs référents – salons, missions de prospection – sur des marchés prioritaires, comme la Chine où la distribution progressivement se structure. Pour faire valoir l’innovation made in France, Ubifrance travaille aussi la communication des sociétés et de leurs organisations professionnelles. C’est ainsi qu’une vitrine virtuelle des agro équipements a été créée avec Axema, afin de positionner l’offre française par rapport à la concurrence et de mettre en avant – avec les critères de recherche propres aux acheteurs étrangers – le matériel proposé par chaque entreprise. Cet outil est également utilisé pour promouvoir l’offre française sur des cibles d’acheteurs des marchés prioritaires identifiés par Axema.
Propos recueillis par François Pargny
Pour en savoir plus :
« Où exporter en 2014 ? «