Cet article a fait l’objet d’une Alerte diffusée dès le 17 janvier aux abonnés de la Lettre Confidentielle.
Année historique pour les exportateurs français : la nouvelle agence de crédit export française, Bpifrance assurance export, a commencé ses activités le 1er janvier 2017, proposant, au nom de l’Etat, toute la gamme des procédures de garantie publique à l’exportation jusqu’à présent gérées par Coface : assurance prospection, assurance-crédit, assurance change, etc.
Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, a livré en avant-première à la Lettre confidentielle du Moci ses caractéristiques et orientations essentielles.
Le Moci : Concrètement, depuis le 1er janvier 2017, les exportateurs souscrivent donc des contrats d’assurance crédit ou de caution Bpifrance assurance export…
Nicolas Dufourcq : Oui. Il s’agit de la ligne de produit assurance export de Bpifrance, exercée au nom, pour le compte et sous le contrôle de l’Etat.
Le Moci : Un sacré changement après 70 ans de Coface. Comment s’est passé le transfert des 240 collaborateurs de l’ancienne Direction des garanties publiques (DGP) de Coface dans les nouveaux bureaux de Bpifrance assurance export rue Drouot à Paris ?
Nicolas Dufourcq : Cela s’est vraiment très bien passé. Je les ai accueillis mercredi dernier (4 janvier). Ils sont arrivé la veille à 9 H du matin, et ils avaient tous un PC opérationnel et des bureaux, ils sont très motivés et enthousiastes. Ca démarre chaud, ça démarre bien.
Le Moci : Et c’est bien Christophe Viprey, comme nous l’avions anticipé, qui a pris la tête de la nouvelle filiale…
Nicolas Dufourcq : Christophe Viprey a été confirmé le 1er janvier comme directeur général, pour trois ans.
Un budget 2017 de croissance «sur les PME et les ETI »
Le Moci : Un choix de la sagesse puisqu’il dirigeait la DGP chez Coface…
Nicolas Dufourcq : C’est le choix de la sagesse, qui est un bon choix. Il est donc à mon comité exécutif. C’est la stabilité dans le mouvement et j’en suis très heureux. On a préparé avec lui les premiers axes stratégiques et un budget à l’automne, qui ont été validés par nos deux actionnaires, la Caisse des Dépôts et l’Etat. C’est un budget de croissance assez significative du nombre d’accords donnés sur des polices d’assurance en 2017. Ce ne sera pas une croissance sur les grands comptes, qui sont déjà bien servis, mais sur les PME et les ETI.
Le Moci : Coface s’était tellement bien ancrée qu’on parlait de contrats export « cofacés ». Comment va-t-on dire à présent, « Baetisé » ?
Nicolas Dufourcq : Ils sont dorénavant couverts par Bpifrance.
Le Moci : L’assurance prospection est aussi transférée en l’état ?
Nicolas Dufourcq : absolument en l’état.
Le Moci : Que va devenir le dispositif Bpifrance export qui avait été mis en place dans la période 2013-2016 dans les délégations régionales de Bpifrance, avec un chargé d’affaires Bpifrance, un conseiller international Business France et un développeur de Coface ?
Nicolas Dufourcq : Le conseiller Coface rejoint notre direction régionale : jusqu’ici c’était en pointillé, cette fois-ci c’est définitif.
Le Moci : Et pour les encours, Bpifrance assurance export reprend aussi la gestion ?
Nicolas Dufourcq : Absolument. Ce transfert s’est traduit par un très important basculement informatique. On a fait un « big bang » informatique entre Noël et le jour de l’an. Un gros travail de développement a été effectué durant toute l’année 2016 pour refaire entièrement le système, et ça se passe très bien.
La DGP « n’était plus la priorité managériale de la société privée Coface »
Le Moci : Quels vont être, selon vous, les « plus » de Bpifrance assurance export par rapport à l’ancien système ?
Nicolas Dufourcq : Le système était devenu imparfait parce que vous aviez une entité qui s’appelait la Direction des garanties publiques, rattachée à un groupe en pleine transformation dont l’agenda était tourné sur son activité principale avec une concurrence forte avec Euler Hermes et Atradius en matière de cotation. Les grands actionnaires ayant exprimé le souhait de se désengager de l’activité DGP, celle-ci n’était plus la priorité managériale de la société privée Coface.
C’est peut-être une des raisons qui expliquent le recul de la commercialisation du service des garanties publiques, que ce soit l’assurance-crédit ou l’assurance change, auprès du « mittelstand » français…
C’est pour cela que l’Etat à décidé d’organiser le transfert vers Bpifrance.
Je vous donne une idée des proportions : prenez le Ducroire en Belgique. En 2016, au titre de l’assurance-crédit export publique, le Ducroire, pour un pays de la taille de la Belgique, donne 290 accords pendant que l’ex. Coface DGP donne au cours de la même année 144 accords. Vous voyez qu’il y a un sujet de volumétrie.
Qu’est-ce qui va changer, qu’est-ce qui doit changer ?
Ce n’est pas du tout la qualité de service, car on a des équipes tout à fait remarquables, notamment dans le service aux grands exportateurs français, mais c’est l’ancrage terrain, la présence dans les territoires au travers de nos 47 agences régionales, le contact avec les écosystèmes des PME et ETI industrielles.
Et donc cela suppose de repartir en commerce. Cela ne représentera pas des montants considérables au regard des 70 milliards d’euros d’engagements de l’Etat. Les contrats des PME et des ETI sont de petits contrats, ce n’est pas du Airbus, du Safran, du Dassault. Mais ils concernent beaucoup d’entreprises et pour elles, c’est fondamental.
Le Moci : Dans l’assurance-crédit export il y a de grands secteurs régaliens comme la défense, mais aussi l’énergie ou encore l’aéronautique et le naval. Ils ne seront donc pas votre priorité ?
Nicolas Dufourcq : Notre objectif prioritaire, pour ces grands exportateurs, est de continuer à les accompagner aussi bien qu’ils l’étaient précédemment, de les aider à gagner. Nous sommes dans une logique de conquête et de victoire.
Le Moci : Parmi les changements, il y a aussi cette couverture de l’Etat qui devient directe et non plus indirecte…
Nicolas Dufourcq : Oui, c’est une très bonne nouvelle également, un changement significatif du système que nous avons poussé et qui permet de renforcer les garanties auprès des partenaires étrangers. On passe d’une garantie indirecte à une garantie directe de l’Etat, on s’aligne donc sur les modèles étrangers. Cela permet de simplifier le process et, également, de réduire un peu le prix des prestations proposées aux entreprises françaises.
Avec l’Etat, « un dialogue se noue maintenant, centré sur les besoins du client »
Le Moci : L’ancien système était assez décrié aussi parce qu’il était lourd, avec des délais de décision, notamment de la part des administrations de tutelle (DG Trésor, DGE, etc..), qui étaient assez longs. Cela va-t-il changer ? Quelle va être la marge de manœuvre propre de la nouvelle entité pour décider des engagements ?
Nicolas Dufourcq : Dans un premier temps, le cadre ne change pas : les seuils de délégation, le processus de décision avec le passage en commission des garanties des dossiers, ces procédures ne changent pas. On ne pouvait pas tout faire en même temps.
Mais on engage un dialogue avec l’Etat sur : « comment peut-on simplifier, déconcentrer et accélérer les décisions ». Ce dialogue se noue maintenant, centré sur les besoins du client.
C’est absolument ce que nous avons à l’esprit, étant entendu que nous sommes assez habitués à ce dialogue avec l’Etat puisque dans le domaine de l’innovation, nous distribuons chaque année 1,5 milliard d’euros de subventions d’Etat à 4000 entreprises. Et il est vrai qu’il y a une quinzaine d’années, quand progressivement cette machine s’est mise en marche, la tutelle avait tendance à vouloir refaire toutes les additions … Progressivement, elle a compris l’intérêt de la déconcentration de sorte qu’aujourd’hui, pour les soutiens à l’innovation, une très grande partie des décisions sont prises dans les régions.
Je ne dis pas qu’il faut tout déconcentrer aujourd’hui. Il est totalement évident que les décisions sur les contrats de taille significative, les très gros contrats, doivent être prises dans des commissions qui gèrent elles-mêmes le bilan de l’Etat, comme cela se passe dans la plupart des pays. En revanche, dès que l’on descend en dessous de certains seuils volumétriques, l’intérêt de tout le monde sera de décentraliser.
Le Moci : Ces seuils pourraient-ils correspondre aux seuils des petits crédits export que Bpifrance finance déjà (en direct jusqu’à 25 millions d’euros pour des crédits acheteurs, jusqu’à 75 millions en cofinancement avec des banques) ?
Nicolas Dufourcq : Je ne peux pas vous donner de chiffres mais l’idée est bien celle là.
Le Moci : Les courtiers en assurance crédit seront-ils habilités à vendre des polices Bpifrance assurance export, contrairement à l’ancien système ?
Nicolas Dufourcq : C’est un point qu’on souhaite examiner. On arrive dans ce métier vierge de tout tabou. Je ne sais pas vous répondre, mais je ne vois pas pourquoi on ne se poserait pas la question. A partir du moment où l’idée est de diffuser autant que possible, pousser aussi loin que possible ce magnifique produit de service public assurantiel vers les PME et les ETI françaises, tous les relais seront bienvenus. Mais pour l’instant ce sont des questions, les discussions sont ouvertes.
Le premier comité client se tiendra le 22 mars au Hub de Bpifrance
Le Moci : Il y a une demande récurrente des milieux d’affaires –relayée notamment par le Medef, par les Conseillers du commerce extérieur (CCEF)- pour le rétablissement d’un comité client, qui existait à une époque puis est tombé en désuétude…
Nicolas Dufourcq : On va le faire, c’est prévu. Le premier se tiendra le 22 mars au Hub de Bpifrance à Paris.
Le Moci : Qui invitez-vous à ce comité ?
Nicolas Dufourcq : On invite un panel assez large de clients, beaucoup d’entreprises, beaucoup de banques aussi, environ 200 personnes au total. La liste est longue, je ne peux vous les citer tous. Il y aura des plénières et des ateliers thématiques, par petits groupes, l’idée étant de les faire travailler sur l’amélioration du fonctionnement du système.
Le Moci : Avez-vous des objectifs précis d’activité en 2017
Nicolas Dufourcq : Je ne peux pas vous les communiquer aujourd’hui mais on a un budget, comme je le disais tout à l’heure, un budget de croissance. On a deux lignes parmi tous les produits commercialisés pour lesquelles on s’impose une véritable discontinuité, un changement significatif de dynamique : l’assurance-crédit et l’assurance change. Bien entendu, on continue à travailler aussi sur l’assurance prospection, et sur tout le reste de la gamme de produits.
Le Moci : Y-a-t-il des zones sur lesquelles –on a souvent parlé de l’Afrique, par exemple- vous allez être particulièrement proactifs auprès des entreprises ?
Nicolas Dufourcq : L’Afrique en fait partie de toute façon, notamment parce qu’une grosse partie de l’intérêt que porte nos clients PME et ETI pour l’international se porte sur l’Afrique aujourd’hui. Il y a l’Asie aussi, et il y a l’Europe, mais où on a moins besoin d’être couvert. L’Afrique, par définition, aura une place centrale. On était à Bamako pour le sommet Afrique-France, on y a lancé le fond d’investissement franco-africain de 75 millions d’euros que l’on a créé avec Proparco, notamment, et des partenaires africains, pour financer les PME françaises et africaines.
Faire connaître la prestation d’assurance export de Bpifrance
Le Moci : La prochaine étape ?
Nicolas Dufourcq : Maintenant, ce qu’il faut que l’on fasse, c’est faire connaître au client français la prestation d’assurance export de Bpifrance. Cela se traduira par un road show à travers la France. Il est également primordial de faire connaître notre offre aux banques étrangères, à l’étranger, et aux acheteurs étrangers de biens français, en particulier. Que ces acheteurs sachent bien que lorsqu’ils achètent en France, ils ont cette possibilité d’avoir un exportateur qui viendra tout à fait casqué, armé parce que sa banque aura été assurée par Bpifrance. C’est extrêmement protecteur pour tout le monde.
Donc il faut se projeter en France, il faut se projeter à l’étranger, il faut sortir.
Le Moci : Avez-vous d’ores et déjà un planning de road show ?
Nicolas Dufourcq : l’idée est de passer l’année en road show, l’objectif que j’ai donné à Christophe Viprey, c’est de ne pas être au bureau !
Propos recueillis
par Christine Gilguy
Pour prolonger :
–Financements / Export : Bpifrance assurance export veut doper le nombre de PME couvertes
–Financements / export : le transfert des garanties publiques de Coface à Bpifrance est effectif
–Financement / Export : le transfert de Coface GP à Bpifrance en phase finale