Les chefs d’entreprises apprécient le lien direct avec les ambassadeurs en poste à l’étranger. Ils l’ont prouvé une nouvelle fois le 27 août en participant en masse au « Rendez-vous diplomatie-entreprises », le cinquième « speed dating » ambassadeurs-entreprises.
Quelque 400 dirigeants de PME et ETI venus de toute la France, sélectionnés et préparés en amont par les équipes de la Team France Export (TFE), 140 ambassadeurs, et 1600 entretiens de 10 minutes chacun, au rythme de 5 à 10 par ambassadeurs : tels sont les chiffres qui résument le succès de ce rendez-vous auquel ont également participé les principaux opérateurs du dispositif public d’accompagnement TFE, dont Business France, Bpifrance et le réseau consulaire.
« Nous sommes là pour gagner ensemble la bataille de l’export »
« Nous sommes là pour gagner ensemble la bataille de l’export, avec la Team France export » a lancé Jean-Yves Le Drian, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, accompagné de son secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne. Plutôt ravi des bons résultats du commerce extérieur au premier semestre, il ouvrait ainsi cette séquence particulière de la conférence annuelle des ambassadeurs lancée par son prédécesseur Laurent Fabius en 2015, avant une déambulation parmi les participants (notre photo).
Destinée à stimuler une diplomatie économique de terrain en rapprochant les diplomates des entrepreneurs, ces rencontres avec les entreprises étaient complétées, le 30 août, par une visite des ambassadeurs dans différentes régions françaises afin qu’ils rencontrent sur place des PME locales et les nouveaux dispositifs de « guichets uniques » TFE, le point de départ de la chaîne d’accompagnement des nouveaux exportateurs à l’international.
Plus de querelles de chapelles, « le mot d’ordre est de travailler ensemble » rappelle-t-on dans l’entourage du ministre, où l’on constate avec satisfaction que « les outils sont en place » dans les Régions, notamment les nouveaux conseillers internationaux venus de Business France et des Chambres de commerce et d’industrie (CCI). « C’est dans l’exécution (de la réforme) qu’il faut à présent se focaliser », complète-t-on.
En attendant, à Paris, l’engouement des dirigeants d’entreprises pour ces rencontres privilégiées avec ces diplomates de haut rang que sont les ambassadeurs est intact. Et la réciproque – le goût des ambassadeurs pour ces rencontres directes avec des entrepreneurs – est tout aussi vraie.
« Ce n’est pas ça qui fait le business mais ça accompagne le business »
« Ce n’est pas ça qui fait le business mais ça accompagne le business » déclare sans hésiter Renaud Josse, président de CMF Group, une PMI spécialisée dans la fabrication de serres agricoles et urbaines et de bâtiments vitrés basé à Varades, en Loire-Atlantique. Réalisant 53 millions de CA, elle est en expansion à l’international où elle réalise déjà 21 % de ses ventes. Et pour Renaud Josse, qui en est à sa cinquième participation, pas question de rater ce rendez-vous annuel.
Parmi ses pays cibles, le Mexique, où CMF compte déjà 300 ha de serres plastiques installées et les premières serres de recherche en biotechnologie d’Amérique latine. Renaud Josse est venu rencontrer l’ambassadrice en poste, Anne Grillo, pour avoir son point de vue sur l’évolution de la conjoncture alors que le pays s’est doté, en décembre dernier d’un nouveau président, Lopez Obrador. « Nous souhaitons renforcer notre action commerciale » complète Renaud Josse.
Johanna Margueritte, directeur financier du groupe Moret Industries, une ETI industrielle qui conçoit et fabrique des équipements pour l’agro-industrie (première et deuxième transformation), est également une fidèle de ce « speed dating » particulier. Alors que ce groupe est déjà très exportateur – 200 millions d’euros de CA, plus des deux tiers à l’export-, elle a ciblé des ambassadeurs en poste dans des pays où il n’est pas encore présent où sur lesquels des appels d’offres sont en prépaparation, à l’instar de l’Australie, de la Thaïlande, du Mexique ou encore du Bangladesh.
Objectif : « obtenir une vision politique », une première analyse de l’environnement des affaires local, et du « conseil » sur les perspectives de marché et la meilleure approche. Pour le Bangladesh, par exemple, Johanna Margueritte a reçu cinq sur cinq le message à propos du protectionnisme local, avec des pics de droits de douane qui peuvent atteindre 400 % sur des produits industriels.
« C’est au cœur de ce qu’est devenu notre métier »
Du côté des ambassadeurs, l’intérêt pour ces « one to one » avec des chefs d’entreprises français ne se dément pas.
« C’est au cœur de ce qu’est devenu notre métier » estime Christophe Penot, en poste depuis trois ans en Australie après avoir servi en Malaisie. Une référence à la plus grande importance donnée, depuis 2014, à la diplomatie économique et aux entreprises dans les activités de ces diplomates. « Nous sommes là pour les écouter, leur donner un conseil en première approche », poursuit-il, « pour nous, c’est l’occasion de se frotter aux réalités concrètes ».
Anne Grillo, est sur la même longueur d’onde : « les entreprises nous donnent des éclairages complémentaires et intéressants sur la perception qu’ont des PME de l’attractivité d’un pays ». Elle a été surprise, par exemple, de voir nombre de PME venir sur l’innovation technologique dans leur approche du Mexique alors que ce n’était pas « intuitif ».
Ce « speed dating » est devenu d’autant plus prisé qu’en cinq ans, la manifestation a gagné en maturité et professionnalisme. Anne Guillo, qui doit examiner chaque année 60 demandes de rendez-vous en moyenne, dont 10 seulement seront retenues, confirme : « entre 2017 et aujourd’hui, les profils des entreprises ont changé, elles sont devenues plus solides, avec des projets mieux définis », un signe que « le travail de préparation et d’identification commence à porter ses fruits ».
Du coup, le suivi et l’accompagnement délivré ensuite par la TFE aux entreprises est plus efficace : d’après la diplomate, sur les trois dernières cessions, une dizaine d’entreprises ont mené à bien leur projet au Mexique, soit « 30 % de réussite ». De quoi inciter les organisateurs à renouveler l’expérience.
Christine Gilguy