Thierry Cozic, sénateur de la Sarthe (socialiste) est avec Frédérique Espagnac, sénatrice des Pyrénées-Atlantiques (socialiste), co-auteur d’un rapport sur le réseau des Services économiques de la Direction générale du Trésor à l’étranger. Il revient pour Le Moci sur ses enjeux actuels et les recommandations émises dans ce rapport.
Le Moci- Quel constat vous a conduit à entamer une mission de contrôle budgétaire sur le réseau des services économiques ?
Thierry Cozic. Je suis jeune sénateur, en poste depuis septembre : je ne suis donc pas à l’initiative de ce rapport dont l’idée a été lancée en janvier 2020. J’en ai néanmoins assuré l’intégralité de son contrôle. La crise sanitaire a rebattu les cartes et ces services économiques à l’étranger montrent toute leur utilité dans le contexte actuel. L’idée de départ était d’étudier l’impact des réductions de personnel qu’ils ont subis sur leurs activités.
« Globalement, il a une bonne entente »
Le Moci- En presque vingt ans, les effectifs des services économiques ont été divisés par quatre…
T.C. Plus exactement, il y a effectivement une réduction des effectifs, mais aussi une réaffectation des postes de ces services à Business France.
D’après les auditions réalisées dans le cadre de la préparation de ce rapport, ça fonctionne bien. Il n’y a pas des secteurs en souffrance. Par exemple, le Service économique de la Haye s’occupe des questions agricoles qui étaient avant traitées par le Service économique régional de Londres. Au quotidien, les activités du chef de ce service de six personnes sont évidemment plus variées que celles de son homologue à Pékin qui dirige 40 personnes.
Globalement, il a une bonne entente et des relations fluides entre la DG Trésor et Business France, ainsi qu’entre la DG Trésor et le ministère des Affaires étrangères, même si le poids de Bercy est toujours très important et que le ministère des Affaires étrangères a parfois du mal à faire sa place. Quelques sujets méritent cependant une attention particulière.
Le Moci- Vous évoquez par exemple la question de la labellisation des projets, sujet de frictions entre Business France et les services économiques, et qui fait l’objet d’une recommandation.
T.C. Je ne parlerai pas de frictions mais d’un point à améliorer. 95 % des projets d’investissements sont en effet labellisés Business France alors qu’une majeure partie d’entre eux sont en fait détectés par les Services économiques de la DG Trésor. Business France utilise ce pourcentage de labellisation pour justifier sa rémunération. Sur ce point précis, il ne s’agit pas d’un problème de moyens, mais de rendre à César ce qui appartient à César !
Pouvoir saisir directement les Services économiques sans passer par Bercy
Le Moci- Vous préconisez également des profils différents dans les Services économiques et les Services économiques régionaux. Pourquoi ?
T.C. Il n’y a pas besoin d’un spécialiste de la macroéconomie dans chaque pays, un par région suffit et c’est la même chose pour la propriété intellectuelle, l’énergie, l’agriculture ou la finance. En revanche, dans les Services économiques de chaque pays il y a besoin de profils généralistes, capables de relayer l’information sur des secteurs variés.
Le Moci- Parmi les 10 mesures que vous suggérez pour renforcer la diplomatie économique française laquelle ou lesquelles seraient les plus simples à mettre en place ?
T.C. Dans l’immédiat, des mesures concrètes peuvent être mises en place comme l’utilisation de messageries cryptées par les membres du cabinet du ministre de l’Economie dans leurs échanges avec les Services économiques à l’étranger ou encore une meilleure diffusion des informations collectées par les Services économiques.
Ces derniers fournissent un gros travail de fond auquel il faudrait donner davantage de visibilité, notamment auprès des parlementaires. La DG Trésor a vocation à conseiller Bercy et le Quai, mais, à l’étranger, les Services économiques, qui dépendent du ministère de l’Economie, sont sous l’autorité de la l’ambassadeur.
A plus long terme, la mesure la plus importante parmi celles évoquées dans le rapport serait donc de permettre à la Direction de la diplomatie économique du ministère des Affaires étrangères de pouvoir saisir directement les Services économiques sans passer obligatoirement par le ministère de l’Economie.
Propos recueillis
par Sophie Creusillet
Retrouvez ci-dessous l’intégralité du rapport du Sénat sur les services économiques :