Diplomatie économique oblige. Ce sera le ministère des Affaires étrangères qui recevra le président chinois Xi Jinping, qui effectuera sa première visite d’État en France du 25 au 28 mars. De son côté, le 27 mars, le ministère de l’Économie et des finances abritera à Bercy un forum économique, qui devrait accueillir plus de 400 entreprises françaises et chinoises, ont indiqué, le 20 mars, les directeurs de cabinet des ministres du Commerce extérieur (Nicole Bricq) et de l’Économie et des finances (Pierre Moscovici), Denis Tersen (notre photo) et Rémy Rioux, en présence de Sybille Dubois-Fontaine Turner, directeur général du Comité France Chine de Medef International, et Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace, association de promotion de l’attractivité de la place financière de Paris.
C’est dans le cadre d’une tournée européenne commençant par les Pays-Bas que le président chinois se déplacera dans l’Hexagone : d’abord à Lyon pour y visiter le centre de recherche BioMérieux et l’institut franco-chinois, avant de rejoindre Paris où il sera reçu par son homologue, François Hollande, à l’occasion du 50e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays. Après la France, il se rendra en Allemagne et en Belgique.
Réseautage et rencontres BtoB avec 140 sociétés chinoises
« De 50 sociétés chinoises lors de la visite présidentielle de 2010 en France, nous allons passer à une délégation cette année de 140 », se réjouit Sybille Dubois-Fontaine Turner, alors que le forum économique, intitulé « célébrons nos réussites, construisons l’avenir », ouvrira avec des rencontres B to B. Dans cette délégation, « figureront des patrons importants, des représentants de multinationales comme de PME de toute la Chine dans les technologies, l’import-export agroalimentaire, l’industrie, la santé ou l’économique numérique », précise Denis Tersen.
« Aujourd’hui, nous sommes sortis de la relation fournisseur-acheteur. Ce que veulent nos partenaires, c’est de l’innovation, de la valeur ajoutée. Et donc, les véritables sujets sont les éco quartiers, les villes intelligentes, le développement urbain, la lutte contre la pollution ou la encore la santé », explique le directeur de cabinet de Nicole Bricq.
Répondant à une question du Moci sur « les nouvelles pistes de coopération », Denis Tiersen a assuré qu’il n’y avait « pas vraiment de nouveaux champs », mais « des perspectives à développer », par exemple, dans l’offre de médicaments, de dispositifs médicaux ou encore la gestion des hôpitaux, des cliniques, des maisons de retraite, en raison du vieillissement progressif de la population chinoise.
Le forum d’affaires franco-chinois, organisé à Bercy, comportera aussi une plénière et trois tables rondes correspondant aux grandes thématiques du monde : le commerce et l’investissement, avec les retours d’expérience de grandes entreprises, l’attractivité et la coopération financière.
Un commerce bilatéral « pas satisfaisant », selon Nicole Bricq
« Pour la première fois depuis 2009, les échanges bilatéraux ont subi un léger recul de 2 % en 2013 et la France est le 19eme fournisseur de la Chine, avec un part de marché de 1,2 %, ce qui est très loin des 4,8 % de l’Allemagne et encore plus des 7,5 % des États-Unis », reconnaît Rémy Rioux. Quand la France livre des équipements, notamment aéronautiques, et des vins et spiritueux, l’Allemagne domine le marché automobile, vend des produits pharmaceutiques, des machines, de l’électronique, de l’optique. Quant aux États-Unis, ce pays est le premier pourvoyeur de soja et d’équipements aéronautiques et le troisième dans l’automobile, derrière le Japon et devant le Royaume-Uni.
« Plus de 40 milliards d’euros d’importations chinoises et à peine 15 milliards d’exportations tricolores, c’est un déséquilibre impressionnant. Et même si les chiffres de Pékin sont un peu différents parce que sont plus souvent prises en compte les entrées dans les ports européens plutôt que les destinations finales des marchandises, nos interlocuteurs reconnaissent ce déséquilibre », constate Denis Tersen.
Lors de la 22eme Commission mixte franco-chinoise pour le commerce et l’économie, qui s’est tenue à Bercy le 24 février, Nicole Bricq a indiqué, en présence de son homologue Gao Hucheng,que les chiffres consolidés du commerce franco-chinois en 2013 n’étaient « pas satisfaisants » et qu’il est indispensable de « rééquilibrer les échanges par le haut » en nouant des « partenariats structurants » dans toute une série de secteurs : aéronautique, nucléaire, biens de consommation, agroalimentaire, développement durable, santé et technologies de l’information.
Vin, charcuterie : la fin des restrictions peut-être annoncée à Paris
Par ailleurs, la levée tant attendue des restrictions sur les vins européens et la charcuterie française pourrait booster la filière agroalimentaire tricolore, qui a représenté 11,6 % des exportations globales de la France en 2013. La fin de la procédure anti-dumping et anti-subventions contre les vins européens « peut être annoncée la semaine prochaine », selon Denis Tersen, qui reste, toutefois, prudent. De même, croit-il, « l’homologation par les services sanitaires chinois d’abattoirs français peut être réglée dans l’environnement de la venue du président Xi Jinping ».
Alors que la viande de boucherie et d’abattoir a représenté 150 millions d’euros de vente en 2013, « ce chiffre pourrait être porté à plusieurs centaines de millions d’euros, évalue Denis Tersen, ce dont pourrait, notamment, profiter un certain nombre de PME de l’Hexagone ». Pour le vin français, l’enjeu est capital, puisqu’il compose à lui seul 80 % des exportations européennes de ce produit. Et ce, dans un pays dont la consommation devrait croître de 33 % d’ici 2017.
La montée lente des investissements chinois en France
Deuxième table ronde, l’attractivité. « Il y a un gros déséquilibre », note Rémy Rioux, entre les investissements chinois en France, dont le stock s’élevait à 3,5 milliards d’euros en 2012, contre 16,7 milliards dans l’autre sens. Et « si la Chine n’est qu’au 8eme rang dans les investissements directs étrangers (IDE) en France, constate le directeur de cabinet de Pierre Moscovici, la signature pour le partenariat entre PSA, le constructeur chinois Dongfeng et l’État français, qui sera signé par les deux présidents de la République la semaine prochaine, est de bon augure ».
D’ailleurs, note Denis Tersen, « la Chine s’est hissée en flux au même niveau que le Japon ». Et la France, qui a connu un boom de 50 % de ses livraisons de produits laitiers, génère aussi dans ce domaine des investissements chinois sur son sol. C’est ainsi que la coopérative Isigny Sainte Mère partage un investissement de 50 millions d’euros pour créer une nouvelle unité de production de laits infantiles avec le chinois Biostime, un spécialiste de la nutrition et des soins infantiles et maternels qui a besoin de sécuriser ses approvisionnements avec des produits de qualité et dont la traçabilité est assurée.
Troisième table ronde, la coopération financière, « partenariat qui doit servir le commerce et l’investissement », souligne Rémi Rioux. « Depuis la dernière crise financière, les places chinoises commencent à s’intéresser au modèle français et ne regardent plus seulement vers Londres et Washington », se réjouit Arnaud de Bresson. Aussi, expose le délégué général de Paris Europlace, « dès les premiers signaux de la Chine sur sa volonté d’internationaliser le renminbi et de le rendre progressivement convertible, nous nous sommes lancés, concurrençant ainsi Londres, pour devenir un centre financier offshore ». Paris Europlace veut ainsi faire de la place de Paris un pôle européen leader pour l’accès à la devise chinoise.
20 % des échanges commerciaux franco-chinois en renminbi
L’objectif ne serait pas seulement les activités de capitaux, mais aussi d’accompagner le développement commercial, ce qui se traduit par l’ouverture de comptes en monnaie chinoise par des entreprises françaises. Une tendance forte, puisque 20 % aujourd’hui, contre la moitié il y a deux ans, des échanges commerciaux sont libellés en renminbi et les dépôts bancaires se monteraient à 20 milliards de renminbi à Paris, soit du même ordre qu’à Londres et nettement plus qu’à Francfort. Paris Europlace essaie aussi d’attirer dans l’Hexagone des banques chinoises et des entreprises qui pourraient d’être cotées à la Bourse de Paris.
Au total, sous l’égide de Bercy, ce sont quelque 50 accords qui devraient être conclus la semaine prochaine, de tout type (entreprise, organisme public…). Par exemple, le ministère du Commerce extérieur doit renouveler une coopération sur la ville durable et les écoquartiers, avec des projets dits « structurants » dans les villes de Chengdu, Wuhan et Shenyang.
A ces accords pourraient s’en ajouter d’autres pilotés directement par l’Élysée, comme la fourniture d’Airbus. On parle de 150 avions au total pour un montant global de 14 milliards d’euros et de la construction d’une deuxième usine (après l’unité d’assemblage d’A320 à Tianjin), destinée à l’aménagement des cabines des A320. De même, Paris nourrit des espoirs dans le domaine du nucléaire civil, Paris et Pékin coopérant déjà dans la construction de deux réacteurs EPR à Taishan.
Lors de son séjour en Chine, le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, avait vanté, le 7 décembre dernier, le savoir-faire tricolore et la coopération bilatérale. Ce grand pays asiatique est aujourd’hui le premier constructeur au monde de centrales nucléaires.
François Pargny